Selon le gouverneur de la Beac, Abbas Mahamat Tolli, les opérateurs économiques et les banquiers sont repartis satisfaits de la réunion de sensibilisation sur la nouvelle règlementation des changes, organisée le 4 juillet 2019 dans la capitale économique camerounaise. Et pour cause, après des échanges à la fois francs et houleux, la Banque centrale des six États de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, RCA et Tchad), les banquiers et les opérateurs économiques ont trouvé un consensus. Il devrait permettre de juguler la crise des devises qui sévit dans les pays de la Cemac depuis plusieurs mois. Cette situation plombe les transactions entre les États ou les opérateurs économiques, avec leurs partenaires ou leurs démembrements à l’étranger.
Comme première mesure visant à oxygéner le marché des devises devenu très tendu depuis plusieurs mois, la Banque centrale a consenti à ne plus rejeter systématiquement les demandes des transferts des banques commerciales ayant « des avoirs extérieurs suffisants qui auraient dû servir à l’exécution, par les banques elles-mêmes, de ces transferts sans recourir à la Beac ». En contrepartie de cette mesure de flexibilité décidée par la Banque centrale, les banques commerciales, elles, se sont engagées à rétrocéder sur leurs avoirs extérieurs, et dans des délais raisonnables, les volumes de devises ainsi mis à leur disposition par la Beac. Au cas contraire, apprend-on, il leur sera infligé une sanction pécuniaire d’une valeur de 5 % du montant des avoirs qu’elles détiennent illégalement à l’extérieur de la zone Cemac.
Selon le Fonds monétaire international, ces volumes des avoirs illégalement détenus par les entreprises et autres entités hors de la zone Cemac s’élèvent à près de 3000 milliards de FCFA. Cette somme équivaut pratiquement au volume des réserves de change contenues dans le compte d’opérations des six États de la Cemac au 30 juin 2019. À en croire le gouverneur de la Beac, les banques rechigneraient à rapatrier leurs avoirs extérieurs, malgré les injonctions de la Banque centrale et les dispositions de la réglementation des changes interdisant cette pratique. Celles-ci ont développé un marché interbancaire des devises et même un marché parallèle au circuit formel. Le produit de ce commerce des devises et autres services financiers, révèle Abbas Mahamat Tolli, pèse entre 50 et 80 % dans la structure du produit net bancaire (PNB) des établissements de crédit (résultat d’exploitation annuel des banques) en activité dans la zone Cemac.
Rétention des demandes de transferts par les banques
Selon la Beac, ces demandes de devises formulées par les banques commerciales détenant illégalement des avoirs à l’extérieur représentent 32,4 % des demandes soumises à la Banque centrale. 77 % des demandes restantes, souligne la Beac, sont traitées en 24 heures et sont généralement autorisées, permettant ainsi aux opérateurs économiques d’effectuer les transactions avec l’extérieur. Ces statistiques, révélées par le gouverneur de la Banque centrale au cours d’une conférence de presse le 4 juillet 2019 à Douala, battent en brèche l’idée très répandue selon laquelle la Beac bloquerait la mise à disposition des devises au bénéfice des banques commerciales.
La 2e mesure de flexibilité sur laquelle la Beac, les banques et les opérateurs économiques se sont accordés le 4 juillet 2019 à Douala, consiste à mettre à la disposition de la Banque centrale les coordonnées des importateurs et autres entreprises sollicitant des transferts à l’international. De cette manière, la Beac pourra directement informer l’opérateur économique du traitement de sa demande, afin que ce dernier se rapproche de sa banque pour s’enquérir du sort réservé à sa demande de transfert.
À en croire le gouverneur de la Beac, cette mesure vise à mettre un terme à une pratique qui s’est installée dans les banques commerciales. Elle consiste, selon Abbas Mahamat Tolli, à retenir et ne pas transférer à la Banque centrale les demandes de transferts des opérateurs économiques, pour faire croire à ces derniers que les délais de traitement des demandes de transferts sont de plus en plus longs à la Banque centrale. Pourtant depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation des changes, en mars 2018, ces délais sont passés de 20 jours à seulement 24 heures, selon le gouverneur. La Beac révèle d’ailleurs qu’au cours des derniers contrôles effectués auprès des banques, il a été constaté que 60 à 80 % des demandes de transfert effectuées par les opérateurs économiques ont été retenues par les banques, qui ne les ont pas transmises à la Banque centrale pour traitement.
avec : investiraucameroun