Depuis ce bâtiment d’où l’on voit pointer d’imposantes antennes paraboliques, les programmes de la quasi-totalité des chaînes de télévisions nationales d’Afrique francophone est émise à travers tout le continent.
On pourrait le confondre à un des nombreux bâtiments que l’on aperçoit en sillonnant Koulouba, un quartier périphérique de Bamako, la capitale du Mali. Non loin, il y a le palais de Koulouba, qui abrite historiquement les présidents de la république malienne. En prolongeant notre parcours sur le sol sec du quartier, on aperçoit le premier, et jusque-là unique, téléport privé d’Afrique francophone subsaharienne. Il appartient au fournisseur de télévision en clair Tnt Sat Africa.
La quasi-totalité des chaînes de télévisions nationales d’Afrique francophone.
Il est comme sur les photos que j’ai reçues. Il est comme Koulouba, calme, solennel, mais un peu trop caché à mon goût. A ce propos, les habitants du quartier savent-ils qu’ils sont voisins de l’unique téléport privé de la sous-région. Visiblement non. « Un téléport, je ne sais pas ce que c’est monsieur », me révèle un peu confus le premier passant que j’interroge.
A ce propos, les habitants du quartier savent-ils qu’ils sont voisins de l’unique téléport privé de la sous-région. Visiblement non. « Un téléport, je ne sais pas ce que c’est monsieur », me révèle un peu confus le premier passant que j’interroge.
Je lui explique qu’il s’agit d’un complexe équipé d’antennes paraboliques de grandes tailles. Il permet l’émission de signaux vers des satellites en orbite géostationnaire et sert par exemple à diffuser des chaînes de télévision pour des abonnés. Ces derniers doivent juste s’équiper d’un décodeur et d’une parabole qui capte les signaux émis par le téléport. Par contre, lorsque j’évoque Tnt Sat Africa, mon interlocuteur semble savoir de quelle entreprise je parle. Il n’est pas abonné mais a entendu parler de l’opérateur et de son offre. Je remercie mon interlocuteur avant de signaler à la personne censée me faire visiter le bâtiment que je suis à l’entrée.
Une infrastructure technique presque autonome
Je suis accueilli par Modou Faye, le responsable technique du téléport. Je suis un peu surpris par le nombre de personnes que je croise. En fait, en dehors de Modou Faye, je ne vois pour le moment que les personnes chargées de la sécurité. Pour un bâtiment d’où on est censé émettre pour toute l’Afrique francophone subsaharienne, je m’attendais à voir plus de personnes.
Modou Faye : « On a chacune des chaînes sur un écran différent pour voir s’il y a un problème et le corriger.»
« Le téléport n’a besoin que de 10 employés pour fonctionner, et encore ils ne sont pas tous là en même temps. Il faut 6 personnes pour gérer les installations en journées et 4 personnes pour s’en occuper la nuit. Le weekend, quelques employés s’alternent pour être sûres que tout va bien mais il ne faut réellement qu’une personne pour s’occuper de la gestion et éventuellement d’une tâche de maintenance », m’explique le responsable technique du téléport pendant qu’on se rapproche des immenses antennes installées dans la cour. Elles portent toutes la marque de SES, l’opérateur de satellite partenaire de Tnt Sat Africa pour la construction du téléport. « Comme tu peux le voir, il y a des antennes rassemblées par groupes orientés dans la même direction. Certaines émettent le signal pendant que d’autres le reçoivent. Mais, le plus important est à l’intérieur. Viens, je vais te montrer la salle de contrôle ».
« Comme tu peux le voir, il y a des antennes rassemblées par groupes orientés dans la même direction. Certaines émettent le signal pendant que d’autres le reçoivent. Mais, le plus important est à l’intérieur. Viens, je vais te montrer la salle de contrôle ».
Je le suis, dans une salle où on aperçoit une multitude d’écrans diffusant chacun une chaîne différente. « On a chacune des chaînes sur un écran différent pour voir s’il y a un problème et le corriger. Le problème peut ne pas venir de nos installations. Parfois, les chaînes, au niveau de leurs sièges peuvent mettre le son trop fort. Nos équipements le corrigent naturellement. Parfois, il y a d’autres problèmes que nous pouvons régler depuis ici. Quand on nous les signale, nous nous en occupons ».
« Le téléport n’a besoin que de 10 employés pour fonctionner, et encore ils ne sont pas tous là en même temps. »
En somme, le téléport permet à Tnt Sat Africa de capter les ondes de ses chaînes partenaires et de les redistribuer vers les paraboles de ses clients, grâce aux satellites de SES qui font le relais. « L’installation a coûté 3 milliards de FCFA. Les coûts semblent énormes, mais pour moi il était important que les Africains se positionnent assez rapidement sur la fourniture de la télévision par satellite. Je ne voulais pas que le continent se retrouve dans la même position que sur le secteur des télécommunications où le marché a longtemps été laissé aux opérateurs étrangers », nous expliquera plus tard Ismaila Sidibé, le fondateur de Tnt Sat Africa et propriétaire du téléport. Tous les moyens semblent avoir été mis pour assurer que tout fonctionne parfaitement et presque de manière autonome. Comme l’explique Modou Faye, « tous les équipements ont été doublés pour parer à toute éventualité et fournir un service continu ».
Un outil aux fonctions multiples
Le téléport a une première fonction : permettre à Tnt Sat Africa de fournir son bouquet de télévision en clair et ses bouquets payants. Mais, l’infrastructure permet également de créer des chaînes émettant sur satellite et des bouquets de télévision payante. « Nous avons des serveurs qui peuvent recevoir le contenu des potentielles chaînes qui n’ont pas de studio. Il leur suffit, après avoir conclu un accord avec Tnt Sat Africa, de créer leur contenu, que nous hébergeons sur le serveur. Après, grâce à nos logiciels, ils peuvent définir depuis leur siège la grille de programmation et nous leur attribuons une fréquence leur permettant de fournir leurs programmes sur toute l’Afrique francophone subsaharienne. C’est l’option prise par certaines des chaînes que nous transportons comme les ivoiriens de Nykady’s TV ou les togolais de Face TV », explique Modou Faye. D’après lui, l’offre existe également pour les personnes souhaitant créer un opérateur de télévision payante. Ainsi, depuis 2015, année de la mise en service du téléport, des partenariats se nouent entre Tnt Sat Africa et d’autres entreprises. « De toute façon, nous pouvons retransmettre jusqu’à 500 chaînes », me confie Modou Faye. « La plateforme ne sera pas saturée tout de suite ».
« De toute façon, nous pouvons retransmettre jusqu’à 500 chaînes », me confie Modou Faye. « La plateforme ne sera pas saturée tout de suite ».
En plus, les serveurs du téléport peuvent archiver la totalité des programmes des chaînes retransmises. Plusieurs pays de la sous-région qui souhaitent faire du contrôle a posterirori des programmes de télévision exigent un archivage régulier de la part des chaînes accréditées sur leurs territoires nationaux.
Ambitions panafricanistes et esprit Tnt Sat Africa
De retour à mon hôtel, je suis un peu confus. Avec une installation de ce type, à la pointe de la technologie, avec un tel potentiel de monétisation, le groupe Tnt Sat Africa ne semble pas pressé de rentabiliser. Comme me l’expliquera Ismaila Sidibé au téléphone, tout ça est un peu lié à « l’esprit Tnt Sat Africa » proné par le fondateur du groupe.
« Une particularité adaptée aux marchés africains. »
« Vous savez, je suis un peu choqué par les opérateurs qui fournissent du tout payant. Je ne conçois pas qu’un client puisse acheter nos équipements et doive se retrouver presque sans chaînes de télévisions une fois l’abonnement écoulé. Pour moi, c’est un peu dur. C’est pour ça que j’ai tout fait pour que les abonnés de Tnt Sat Africa bénéficient de la cinquantaine de chaînes Ouest-africaines de notre bouquet pour une durée de 100 ans, sans frais additionnel, une fois les équipements achetés », me confie Ismaila Sidibé.
« Vous savez, je suis un peu choqué par les opérateurs qui fournissent du tout payant. Je ne conçois pas qu’un client puisse acheter nos équipements et doive se retrouver presque sans chaînes de télévisions une fois l’abonnement écoulé. Pour moi, c’est un peu dur. »
Malgré l’existence de bouquets payants, un tel positionnement me surprend, surtout avec la concurrence féroce des groupes étrangers. « C’est vrai que ça demande plus de communication, mais ici au Mali, la population comprend déjà qu’on peut payer un décodeur plus cher et ne pas se faire humilier par un écran noir à la fin de son abonnement. C’est le créneau que nous avons choisi pour concurrencer les autres opérateurs. Pour le moment nous avons environ 150 000 abonnés, seulement pour le Mali. Nous avons eu des autorisations au Niger, en Côte d’Ivoire, en Guinée Bissau et en Guinée Conakry pour lancer nos services dans ces pays.
Après l’installation prochaine de nos services sur d’autres marchés africains, nous allons avoir pour objectif d’atteindre les 4 millions d’abonnés pour tout le continent en 2023 ».
« Après l’installation prochaine de nos services sur d’autres marchés africains, nous allons avoir pour objectif d’atteindre les 4 millions d’abonnés pour tout le continent en 2023 ».
L’un des atouts de l’entreprise est son décodeur. « C’est un décodeur double tunnel. Il est compatible aux différentes plateformes de TNT en pleine création dans les différents pays de la sous-région. Donc nos abonnés peuvent grâce à notre décodeur suivre les chaînes de leur plateforme nationale de TNT. En plus, nos équipements viennent avec un kit solaire qui permet de regarder nos chaînes même quand l’énergie fait défaut. Je pense que c’est une particularité adaptée aux marchés africains où les problèmes énergétiques sont très présents ».
Finalement, dans le quartier de Koulouba, à la périphérie de Bamako, ce ne sont pas que des ondes, mais toute une façon de penser la télévision en Afrique qui est émise.
avec : agenceecofin