Cette décision aura des conséquences pour les smartphones fonctionnant avec le système Android.C’est une conséquence supplémentaire de la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis. L’américain Google, dont le système mobile Android équipe l’immense majorité des smartphones dans le monde, a indiqué dimanche commencer à suspendre ses relations avec le chinois Huawei.
Pour se conformer au décret de Donald Trump interdisant aux entreprises américaines de partager leurs technologies en télécommunications avec des sociétés étrangères dites “à risques”, Google a retiré ce lundi à Huawei la licence de son système d’exploitation Android. Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour les possesseurs de smartphone du géant chinois ? LCI fait le point.
Dans la guerre commerciale qui oppose les États-Unis et la Chine, Donald Trump a choisi l’escalade. La semaine dernière, la Maison Blanche a décidé d’interdire aux entreprises américaines du secteur high-tech de partager leurs technologies avec certaines sociétés étrangères. Et, inversement, de se fournir en équipements auprès de celles-ci.
Premier effet visible : ce lundi, Google a annoncé qu’il interdisait à Huawei d’utiliser Android. Une décision lourde de conséquences pour le géant chinois. D’autres entreprises qui lui fournissent des composants, comme Intel, Broadcom et Qualcomm, ont également suspendu leurs collaborations. Le début, sans doute, d’une Guerre froide économique et high-tech entre Américains et Chinois.
Qu’implique le décret signé par Donald Trump ?
Le président américain a donc signé, le 15 mai dernier, au nom de la “sécurité nationale”, un décret interdisant aux réseaux de télécommunications nationaux de se fournir en équipements auprès de sociétés étrangères jugées “à risques” et de partager leurs technologies avec ces dernières. Ce texte vise ouvertement les entreprises chinoises. Et, au premier chef, Huawei, accusé par Washington d’espionnage industriel et “d’actes malveillants au détriment des États-Unis et de sa population”.
Le partage de technologies ne peut donc se faire désormais que pour des logiciels rendus publics (open-source). Ce qui n’est pas le cas des principaux services et applications proposés par Google aux fabricants de smartphones. Par ailleurs, ce décret s’applique aussi aux entreprises étrangères/européennes qui utiliseraient des technologies américaines dans leurs services. Il leur est interdit de commercer avec les sociétés comme Huawei. Dans la nuit de lundi à mardi, le gouvernement américain a octroyé un délai de trois mois durant lequel les sociétés américaines peuvent encore collaborer avec leurs homologues étrangères, probablement sous l’impulsion des opérateurs mobiles américains, qui utilisent des équipements de Huawei pour leurs réseaux, et se retrouvent du jour au lendemain coupés d’un de leurs principaux fournisseurs.
Quelles sont les décisions prises par Google lundi ?
Sous la contrainte, Google a donc décidé de suspendre la licence d’utilisation de Huawei pour Android. Les smartphones et tablettes de l’entreprise chinoise pourraient ainsi se retrouver privés, à une date encore indéterminée, du système d’exploitation (OS) qui leur offre une base de fonctionnement logiciel vitale, et ce même si le constructeur a ajouté sa surcouche EMUI, un ensemble de services et applications maison basés sur la dernière version d’Android, avec une interface personnalisée. Les appareils de Huawei ne disposeront donc plus du Google Play Store, qui permet à un accès facilité à des millions d’applications. Et de fait, les application natives de Google comme Maps, Gmail ou encore Hangout seront inaccessibles.
En revanche, Huawei et les autres les constructeurs visés pourront toujours utiliser AOSP, la déclinaison open-source d’Android, moins fournie. Cela rend le système d’exploitation téléchargeable, mais avec du retard, le temps que la version soit rendue publique. Mais les mises à jour ne suivent pas toujours rapidement tandis que certaines applications utilisant les structures d’Android (API) ne sont plus aussi fonctionnelles sans la version native de l’OS.
Quel avenir pour les produits Huawei ?
Huawei pourrait ainsi se retrouver dans l’incapacité de faire tourner ses appareils. Il se murmure cependant que le géant asiatique travaille depuis longtemps déjà sur un Plan B, son propre système d’exploitation pour les mobiles et le reste, un système baptisé “Hongmeng”. Mais il lui faudra alors développer son propre store d’applications, celui qu’il propose aujourd’hui en compément de Google Play sur Android ne soutenant forcément pas la comparaison. Outre celles de Google, d’autres applications issues d’entreprises américaines comme Facebook, Instagram, Snapchat, WhatsApp et autres ne seront également plus accessibles . Et ne peuvent, de par leur statut, accepter de figurer dans cet éventuel store Huawei.
Bref, la firme de Shenzhen va sans doute opter pour la version open-source d’Android sans la suite Google de services et applications. C’est ainsi que sont déjà vendus les smartphones en Chine. Il faut alors aller installer tout le Play Store et les applis.
Huawei est-il le seul concerné ?
S’il est directement visé par ces décisions, Huawei n’est pas le seul à faire les frais de ce décret. Honor, sa filiale, est évidemment impactée, tout comme d’autres marques étrangères au continent américain si elles sont considérées par le gouvernement comme “à risques”. ZTE, autre entreprise chinoise qui crée tant des smartphones que des équipements télécoms, figure ainsi dans le viseur de la Maison-Blanche.
Les propriétaires de smartphones Huawei et Honor vont-ils se retrouver sans rien ?
Par le biais d’un tweet, Android a bien précisé que cette décision ne concernait que les prochains smartphones de Huawei qui arriveront sur le marché. Ceux déjà disponibles dans les boutiques (Huawei Mate 20, P Smart et P30, Honor View 20 et même les futurs Honor 20 dévoilés ce mardi…) conservent leur système Android, leurs applis et leurs mises à jour de sécurité.
Il n’est en revanche pas certain que ces produits puissent profiter de la migration vers Android 10 Q, la prochaine version du système d’exploitation de Google attendue dans les prochains mois.
Dans un communiqué, Huawei a cependant assuré qu’il continuerait “d’apporter les mises à jour de sécurité et d’assurer les services d’après-vente à tous les smartphones et tablettes déjà vendus et tous ceux disponibles sur le marché à travers le monde”. Le constructeur affirme qu’il va aussi poursuivre le développement de son “écosystème logiciel sécurisé et durable afin d’apporter la meilleure expérience”.
Alors, que faire si je dispose d’un smartphone Huawei ?
Pour le moment, rien. Il ne s’agit en effet que d’annonces. Il n’y a pas encore lieu de s’inquiéter tant que les sanctions ne sont pas effectives, soit dans plusieurs mois, et si tant est qu’elles le soient un jour…
De nombreuses entreprises américaines, notamment les fabricants de processeurs comme Intel et Qualcomm, disposent en effet d’usines de fabrication en Chine. Cette dernière n’a d’ailleurs pas pris de sanctions à son tour en réponse aux attaques de Donald Trump. Les esprits ont le temps de se calmer.
Au pire, les produits Huawei arriveront en Europe et ailleurs dans le monde dans des versions épurées, sans les suites d’applications Google, dont de nombreux utilisateurs ont souvent critiqué l’installation forcée au titre du monopole anti-concurrence. Ils auront alors tout loisir de chercher une alternative.