Les besoins de financement pour atteindre les objectifs en termes de lutte contre le réchauffement climatiques sont colossaux, même s’ils varient d’une institution à une autre. L’Agence internationale de l’énergie estime qu’il faudra 112 000 milliards $ d’ici à 2050, la Banque mondiale table sur 90 000 milliards $ d’ici à 2030 et l’OCDE annonce des besoins de 103 500 milliards $ sur la même période. Pour répondre à ce besoin de financement, de nombreux mécanismes sont mis en place dont les obligations vertes ou greens bonds, dont la particularité est de financer spécifiquement des projets verts. Un outil qui a maintenant 10 ans, qui a démarré lentement mais dont la progression s’accélère.
A l’origine, des obligations créées par la Banque mondiale
A l’origine des obligations vertes, le besoin exprimé en 2007 par un groupe de fonds de pension suédois, d’investir dans des projets respectueux du climat. Une revendication qui a amené la Banque mondiale à émettre un an plus tard, les premières obligations vertes en s’appuyant sur l’expertise climatique du CICERO, un centre interdisciplinaire de recherche sur le climat, implanté à Oslo.
Ce premier pas a ouvert la voie au financement climatique dont la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique a consacré le concept en 2009. Le G20, le FMI et l’OCDE ont également reconnu le potentiel représenté par ses obligations vertes en recommandant aux pays d’y avoir recours pour financer l’action climatique.
Mais c’est le secteur privé qui, le premier, a saisi l’opportunité que représente cet outil de mobilisation financière. On a donc assisté en 2012, à la première émission d’obligation verte par une entreprise, suivie de près par une municipalité. Puis il faudra attendre 2016 pour assister à la première émission souveraine de ce type d’obligation. Depuis ce jour, le nouveau marché a rapidement évolué.
En effet, au cours des 10 dernières années, la Banque mondiale a émis 150 greens bonds en 20 monnaies différentes. Ce qui lui a permis de lever plus de 13 milliards $ auprès d’investisseurs, aussi bien institutionnels qu’individuels.
En effet, au cours des 10 dernières années, la Banque mondiale a émis 150 greens bonds en 20 monnaies différentes. Ce qui lui a permis de lever plus de 13 milliards $ auprès d’investisseurs, aussi bien institutionnels qu’individuels.
L’an passé, 204 institutions financières ont émis des obligations vertes pour la première fois de leur histoire.
Actuellement, 91 projets respectueux de l’environnement sont financés grâce à ce mécanisme et de nombreux autres sont en cours d’élaboration ou de validation. Parmi les secteurs bénéficiaires de ces financements, les énergies renouvelables arrivent en tête avec 44% des fonds alloués. Elles sont suivies par les transports durables (25%), l’agriculture, la gestion des forêts, des terres et des ressources écologiques (11%) et l’eau et la gestion des eaux usées (10%). Le bâtiment et la gestion des déchets solides ferment la marche en mobilisant respectivement 9% et 1% des financements alloués par la Banque mondiale.
Un marché mondial de plus de 500 milliards $ en plein essor
Cette performance ne représente qu’une partie des opérations du marché des obligations vertes. En effet, 521 milliards $ ont été mobilisés sur le marché des obligations vertes depuis 2007. Les principaux pays émetteurs sont les Etats-Unis qui ont levé au cours de ces dix dernières années 118,6 milliards $, la Chine (77,5 milliards $) et la France (56,7 milliards $), selon la Climate Bonds Initiative.
Le marché des obligations vertes est en pleine croissance puisque sur les 521 milliards $ émis en 10 ans, 167,6 milliards $ ont été mobilisés en 2018. Une performance exceptionnelle si l’on prend en compte le fait que seulement 11 milliards $ ont été levés en 2013.
Le marché des obligations vertes est en pleine croissance puisque sur les 521 milliards $ émis en 10 ans, 167,6 milliards $ ont été mobilisés en 2018. Une performance exceptionnelle si l’on prend en compte le fait que seulement 11 milliards $ ont été levés en 2013.
Au cours de l’année 2018, 8 nouveaux marchés nationaux ont fait leur apparition dont celui de la Namibie, tandis que 204 institutions financières ont émis des obligations vertes pour la première fois de leur histoire.
Les émetteurs d’obligations vertes sont principalement les Etats, les entités publiques, les municipalités, les banques et institutions financières, des entreprises, des institutions supranationales comme la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement, et même des sociétés non-financières.
En matière d’allocation de ces financements, la tendance varie selon qu’il s’agisse des marchés développés ou de ceux des pays en voie de développement. Sur les marchés développés, le transport occupe la première place en concentrant 53% de l’ensemble des fonds levés. Il est suivi par l’énergie (26%), l’eau (14%), le foncier (6%), les déchets (1%) et le bâtiment (1%).
En revanche, sur les marchés des pays émergents qui concentrent aujourd’hui le quart des émissions mondiales, 52% des fonds levés grâce au green bonds sont destinés à l’énergie.
En revanche, sur les marchés des pays émergents qui concentrent aujourd’hui le quart des émissions mondiales, 52% des fonds levés grâce au green bonds sont destinés à l’énergie. Les bâtiments écologiques occupent la seconde place avec 13%, suivis de près par le transport (11%) et la gestion des terres (10%).
Un marché encore balbutiant en Afrique
Le marché des obligations vertes est encore à ses premiers balbutiements sur le continent. Il regroupe seulement 4 marchés nationaux (Afrique du Sud, Maroc, Nigeria et Namibie), qui, depuis 2012, ont levé 2 milliards $. Ce marché disposait en fin 2018 de 11 émetteurs d’obligations vertes. Pour comparaison, l’Europe dispose de 193 émetteurs et l’Amérique du Nord de 167 émetteurs.
C’est l’Afrique du Sud qui a émis les premières obligations vertes du continent en 2012 par le biais de Nedbank qui a levé 481 millions $ pour financer des projets de centrales d’énergie renouvelable. Le pays reste jusqu’à présent le principal marché national de ce type d’obligations sur le continent.
Le Maroc a été le second à se lancer, avec la levée en fin 2016, par l’Agence marocaine pour l’énergie durable (Masen), de 1,15 milliard de dirhams (environ 120 millions $). Ces fonds ont servi à financer les centrales solaires construites dans le cadre du projet Noor.
Le Maroc a été le second à se lancer, avec la levée en fin 2016, par l’Agence marocaine pour l’énergie durable (Masen), de 1,15 milliard de dirhams (environ 120 millions $). Ces fonds ont servi à fiancer les centrales solaires construites dans le cadre du projet Noor.
En fin 2017, le Nigeria émit à son tour ses premières obligations vertes, levant 10,69 milliards de nairas (environ 30 millions $) pour financer également des projets énergétiques. Il est à noter qu’il s’agissait des premières et jusqu’ici seules obligations vertes souveraines émises sur le continent. La Namibie, dernière arrivée dans le domaine a levé 4,74 millions $ grâce à la Bank Windhoek en décembre 2018.
Les obligations vertes ont financé la gigantesque centrale solaire marocaine Noor.
Ces quatre marchés devraient bientôt être rejoints par l’Egypte et le Kenya, qui se mobilisent pour également pour avoir recours aux obligations vertes. Ils devraient procéder à leurs premières obligations au cours de l’année 2019.
Un autre acteur majeur du marché africain des obligations vertes est l’institution supranationale qu’est la Banque africaine de développement (BAD). La banque a levé, depuis ses premières émissions en 2013, 2 milliards $ grâce aux green bonds, dans 3 différentes devises. Ces fonds servent à financer 36 projets sur le continent.
Encore quelques obstacles à franchir
En dépit de leur attractivité, les green bonds ne manquent pas d’être handicapés par certains facteurs. L’un d’entre eux est le green washing. En effet, certaines entreprises ont utilisé le mécanisme du green bond, non pas pour financer des projets favorables à l’environnement, mais pour « verdir leur images », c’est-à-dire atténuer leur image d’entreprise pollueuses. L’une des limites de ce type d’obligation est donc dans « la définition du caractère vert de l’utilisation des fonds recueillis.» selon Arnaud Berge, le directeur du développement durable du BPCE.
L’une des limites de ce type d’obligation est donc dans « la définition du caractère vert de l’utilisation des fonds recueillis.» selon Arnaud Berge, le directeur du développement durable du BPCE.
Une deuxième question qui se pose est celle des niveaux de risque et de rentabilité des obligations vertes. En effet, si les obligations vertes présentent un niveau de risque inférieur à celui de la moyenne des autres investissements, elles ne rapportent cependant pas un rendement proportionnel à leur niveau de risque. Ce qui conduit certains experts à affirmer qu’elles ne représentent pas un investissement efficace.
Il y a également la question de l’encadrement réglementaire. En effet, il existe aujourd’hui au moins une dizaine de procédure de certification du caractère vert des obligations. Ce qui induit un risque de variabilité des niveaux d’exigence d’un certificateur à un autre. La mise en place d’un encadrement commun du processus d’émission des obligations vertes est donc souhaité afin d’harmoniser le marché et de favoriser une plus grande expansion. Sans toutefois verser dans une réglementation excessive qui pourrait détourner les acteurs du marché.
avec : agenceecofin