Le système financier transatlantique, qui survit depuis dix ans grâce aux perfusions des banques centrales, marche tel un somnambule tout droit vers la prochaine crise. Et cette folle machine s’entretient d’autant plus dans cette logique que tout risque de récession pousse les banques centrales à ouvrir les vannes monétaires, ce qui induit mécaniquement une hausse des bourses.
Le 7 mars, la Réserve fédérale américaine (Fed) a laissé entendre qu’elle allait « adoucir » sa politique monétaire au cours de l’année 2019, tandis que la Banque centrale européenne (BCE) a reporté de six mois la perspective d’une éventuelle remontée des taux d’intérêts. Ce revirement, qui survient après quelques années de « resserrement monétaire », est attribué à des mauvaises perspectives économiques.
Ainsi, revoyant à la baisse ses prévisions de croissance de 2019 pour la zone euro de 1,7 % à 1,1 %, la BCE a lancé une nouvelle vague de prêts bon marché pour les banques – les fameux TLTRO (Targeted Long Term Refinancing Operations).
Il s’agira de la troisième vague de TLTRO, après celles de 2014 et 2016. Cette mesure « non-conventionnelle » consiste à prêter de l’argent aux banques à long terme en les « incitant » à « accroître leur activité de prêt au profit des entreprises et des consommateurs », comme l’explique la BCE. Problème : tandis que le bilan de la BCE s’alourdit à chaque plan TLTRO, cet argent a très peu – voire pas du tout – bénéficié à l’économie réelle ; il est resté cantonné dans la sphère financière. Cela ne devrait étonner personne : si tout le système suit cette logique, pourquoi en serait-il autrement dans ce cas ? Le ruissellement vers le bas, ce n’est bon que pour ceux qui veulent bien y croire…
La BCE avait pourtant affirmé, en novembre 2018, qu’elle n’envisageait de déployer un nouveau round de TLTRO « qu’en cas de sérieux choc économique ». Une baisse de 0,6 % des prévisions de croissance constituerait donc un choc économique ? En réalité, les banques ont accumulé des masses de dettes impayables qui trônent là, tel un éléphant au milieu de la pièce, et dont personne n’ose parler. Les banques européennes doivent en effet rembourser environ 700 milliards d’euros d’ici 2021.
Comme l’avait dit Jacques Cheminade pendant la campagne présidentielle, les banquiers centraux sont des faux-monnayeurs auxquels on a confié la planche à billets, et qui se transforment en pompiers-pyromanes lorsque l’alarme à incendie retentit.
Comment une telle aberration a-t-elle pu perdurer si longtemps ? Grâce à la crédulité et la servitude volontaire de l’ensemble de la classe politique qui, en buvant au biberon de l’ordolibéralisme, s’est laissée convaincre que l’État devait intervenir le moins possible dans l’économie, et que seul le secteur privé savait y faire en affaires.
François Bayrou en a donné une belle démonstration la semaine dernière, lorsqu’un jeune militant de S&P l’a pris à parti au cours de la réunion qui se tenait à Pau dans le cadre du « Grand débat » (voir la vidéo ci-dessous). À la question « pourquoi l’État ne peut plus créer la monnaie ? », le chef du MoDem n’a rien trouvé à faire d’autre que de répéter le mantra « si l’État contrôle la planche à billet, cela produit de l’inflation ». Parfait sophisme, car la politique monétaire actuelle de la BCE et de la Fed est par nature inflationniste ; elle est même potentiellement hyperinflationniste, puisque cette création monétaire n’a d’autre objectif que de maintenir à flot un casino financier en faillite.
Il est grand temps de replacer la création monétaire sous la seule autorité qui soit légitime, celle de l’État, avec un contrôle citoyen, afin d’assurer que les crédits et l’argent mis en circulation correspondent à un accroissement de l’économie réelle et à un progrès humain – par l’investissement dans les infrastructures de base, l’industrie, l’agriculture, la recherche, l’éducation, la santé etc..
Le 17 mars, au lendemain du XVIIIe acte de la mobilisation des Gilets jaunes, Jacques Cheminade a écrit sur son compte Twitter : « Il nous faut un grand dessein mobilisateur redonnant le pouvoir du crédit à un État qui serve le peuple. Lorsque les premiers de cordée se servent au lieu de servir, ils créent les conditions de la violence sociale ».
avec : solidariteetprogres