Depuis plusieurs semaines, une frange de l’opposition sénégalaise accuse Franck Timis d’enrichissement illicite via sa société Timis Corp, qui a racheté en 2014 à Petro-Tim Limited sa participation dans l’exploration gazière offshore. L’homme d’affaires australo-roumain, qui s’est attaché les services d’Aliou Sall, le frère du président, a porté plainte contre 11 personnalités politiques et de la société civile
Franck Timis aime la discrétion. Depuis plusieurs semaines, l’homme d’affaires australo-roumain, spécialisé dans les industries extractives, est pourtant sous le feu des projecteurs dakarois, accusé par une ribambelle d’opposants et de représentants de la société civile d’avoir fait main basse sur les fruits d’une rente gazière encore largement virtuelle.
Impliqué depuis 2011 dans la prospection et l’exploration de plusieurs blocs gaziers offshore au large des côtes sénégalaises, Frank Timis s’est attaché, en 2014, les services d’Aliou Sall, le frère cadet du président sénégalais. Une présence qui donne lieu depuis plusieurs semaines à des spéculations sans fin sur les privilèges dont aurait pu bénéficier le propriétaire du groupe Timis Corp. de la part de la présidence.
Après avoir d’abord fait le dos rond, Frank Timis vient de lancer une contre-offensive médiatique et judiciaire. Vendredi 7 octobre, il accordait une longue interview à deux quotidiens sénégalais afin d’éclaircir les conditions dans lesquelles sa société, Timis Corp., a racheté à Petro-Tim Limited, en 2014, sa participation (90%) dans un contrat de recherche et de partage de production, signé deux ans plus tôt avec l’État sénégalais. Timis Corp. en a ensuite rétrocédé 60% à l’Américain Kosmos Energy, en août 2014.
Cette pratique dite du « farm-in » [accord d’affermage], courante dans l’exploration pétrolière ou gazière, n’a pas donné lieu à une quelconque plus-value, assure Frank Timis. « Je n’ai pas reçu un seul dollar de Kosmos en échange de ces 60%, précise-t-il à Jeune Afrique. La seule contrepartie, c’est un engagement d’investissement de cette compagnie à hauteur de 450 millions de dollars ».
Fantasmes
Malgré la publication du contrat de rétrocession entre Timis Corp. et Kosmos Energy, qui confirme ses dires, Mankoo Wattu Sénégal, qui regroupe différents partis d’opposition, n’en démord pas. La coalition accuse sans relâche Frank Timis et Aliou Sall d’avoir réalisé une juteuse plus-value au détriment de l’État sénégalais, laquelle se serait traduite par un manque à gagner de 600 milliards de francs CFA (1 milliard d’euros).
En 2016, la découverte successive par Kosmos de deux importants gisements gaziers dans les blocs offshore de Cayar et Saint-Louis a alimenté les fantasmes sur les enjeux financiers de l’opération. Pourtant, l’exploitation est encore lointaine — de cinq à sept ans — et nécessitera plusieurs centaines de millions de dollars supplémentaires d’investissement.
La manière douce demeurant sans effet, l’homme d’affaires a finalement décidé de porter l’affaire devant la justice. Lundi, l’avocat El Hadji Diouf a donc déposé plainte, au nom de Frank Timis et Aliou Sall, contre 11 personnalités de la société civile et de l’opposition, dont Malick Gakou, du Grand Parti, et Mamadou Diop Decroix, d’AJ-PADS (And-Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme), pour diffamation, association de malfaiteurs et diffusion de fausses nouvelles. Selon l’avocat, d’autres mises en cause pourraient suivre.
La démarche n’aura pas fait taire les détracteurs du tandem Timis-Sall, loin s’en faut. Au lendemain du dépôt de cette plainte, dans un communiqué, le mouvement de jeunesse de Mankoo Wattu Sénégal accusait le régime de Macky Sall de « pille[r] sans vergogne nos ressources publiques en complicité » (…) »avec des bandits de grand chemin comme Frank Timis ».