Au Maroc, la holding d’investissement royale marocaine Al Mada a indiqué être désormais sur un nouvel axe, dans le cadre de son déploiement en Afrique, notamment subsaharienne. Intervenant lors de la sixième édition du Forum Afrique Developpement qu’organisait sa filiale Attijariwa Bank, Hassan Ouriagli (photo), le PDG de l’institution, a indiqué qu’intervenir dans une Afrique aux besoins disparates, devrait désormais être un mouvement de fond. « Al Mada, depuis ses origines, s’inscrit dans ce mouvement. Il investit dans des projets structurants pour l’économie marocaine et plus généralement africaine, catalyseurs de progrès au niveau économique et social. Il n’a eu de cesse en effet de favoriser une croissance pérenne et partagée, à l’échelle nationale puis panafricaine », a fait savoir M. Ouriagli, dans un des panels de l’événement.
Mais le message fort de l’institutionnel marocain a été d’admettre que son expansion, qui, jusqu’à récemment, était focalisée sur la stricte recherche des profits, a montré ses limites. Un constat qui l’a amené à revoir son statut d’investisseur et se donner de nouveaux objectifs autour du « Positive Impact » ou « développement positif ». Le responsable marocain pense que l’Afrique subsaharienne peut réaliser un coup d’avance sur les autres régions avec ce concept.
Conquérir l’Est avec le capitalisme positif
« Si le « positive impact » devient la marque de fabrique d’une approche économique africaine, alors sans aucun doute aurons-nous œuvré collectivement pour répondre pleinement aux enjeux qui nous rassemblent, et inventé un « capitalisme positif » que nous appelons tous de nos vœux » a-t-il fait savoir. Il faut dire que ce discours marocain survient dans un contexte où le Royaume fait désormais des yeux doux aux pays de l’est et du sud de l’Afrique, dont les logiques de coopération sont différentes de celles des anciennes colonies de la France.
Le thème général du forum était d’ailleurs concentré sur la mise en place d’un nouvel axe de coopération en Afrique, à savoir la rencontre entre l’Est et l’Ouest. Une approche originale car, jusque-là, la terminologie de la coopération africaine, mettait en avant les axes « nord-sud ou encore sud-sud ». De nombreux pays de l’est du continent on fait le déplacement. On a retrouvé notamment le Kenya, l’Ethiopie, le Rwanda, l’Egypte et diverses institutions d’accompagnement des investissements de ce grand bloc régional.
Attijariwafa Bank, le fleuron de la holding d’investissement Al Mada a d’ailleurs signé plusieurs accords de coopération avec des institutions de la région. L’un de ces accords concerne la Kenya Commercial Bank, le groupe financier le plus important du Kenya. « Cela nous permettra d’offrir à nos partenaires dans tous nos pays de présence, l’accès au marché kényan et à tous les pays de la région couverte par cette nouvelle banque partenaire », a fait savoir Mohamed El-Kettani, le PDG du groupe bancaire.
La conquête de l’Afrique de l’est et australe a déjà résolument débuté conformément à la volonté exprimée par le souverain marocain, qui a déjà effectué une visite au Rwanda et qui a montré des signes de rapprochement avec son homologue du Kenya. La présence comme invités de marque au FIAD 2019 des institutions comme le COMESA RIA, Kenya Invest, Rwanda Development Board sont la preuve de la détermination marocaine.
L’initiative marocaine semble vraiment appréciée de l’autre côté du continent. « Au Kenya, nous avons acquis la maitrise de beaucoup de choses et pouvons dire avec une certaine humilité, que nous avons de l’expérience à revendre aux autres. Mais il y a des domaines où notre seule volonté ne suffira pas. Nous aurons besoin d’avoir de nouveaux partenaires dans le domaine de l’immobilier, la santé, l’énergie, l’hydraulique. Nous avons rencontré des personnes assez intéressantes dans ce sens ici au Maroc et nous espérons poursuivre avec des échanges plus constructifs avec elles » a fait savoir un représentant du Kenya Invest.
Un redéploiement sur fonds de ruée vers l’Est
La compétition semble désormais lancée, et au-delà de son expertise, le Maroc, propose la coopération pour un développement aux impacts positifs. Al Mada s’est prévalu de l’avoir déjà expérimenté avec un succès dans son pays d’incorporation qu’est le Maroc. « Au sein d’Al Mada, la RSE est intégrée de manière native dans la stratégie profonde de nos participations, leur progrès étant mesuré à partir d’une performance globale, incluant des dimensions sociales et environnementales en plus de la dimension économique », a expliqué son principal dirigeant.
Le Maroc n’est pas le seul à s’intéresser à l’Afrique de l’est. Peut-être est-ce un hasard du calendrier, mais cette ouverture d’un dialogue de coopération entre l’Est et l’Ouest de l’Afrique s’est faite alors que le président français Emmanuel Macron effectuait, lui aussi, un voyage officiel qui l’a conduit à Djibouti, en Ethiopie et puis au Kenya. Il a fait la promesse forte de prises de participations pour 1 milliard d’euros, par des institutionnels publics français, dans le capital des start-ups africaines.
Le président français a aussi profité de sa participation à l’événement One Planet Summit à Nairobi, pour défendre ses idées de partenariats, notamment dans le secteur des énergies renouvelables, un domaine où excellent aussi les Marocains. Un autre point commun entre la France et le Maroc, c’est la faible présence en Afrique de l’est et australe anglophone. « C’est sûr qu’il y a des opportunités, au regard des indicateurs que nous présentent les officiels de ces pays, mais il est difficile de décider comme cela d’investir dans un pays sans avoir un certain nombre de détails » a fait savoir un entrepreneur marocain participant au forum.
De ce point de vue, les pays anglo-saxons, la Grande-Bretagne en tête, ont une avance réelle. Ils sont investisseurs dans le cadre du private equity, mais aussi dans le cadre du financement bancaire classique. Le M-Pesa qui est l’outil d’inclusion financière par excellence, a longtemps été contrôlé par le britannique Vodafone, avant que ce dernier ne le cède à sa filiale sud-africaine Vodacom. En 2018, Theresa May, la première ministre britannique, a refait une tournée pour stimuler les relations diplomatiques et économiques.
L’autre défi d’un déploiement marocain en Afrique de l’est se trouve dans la capacité à mobiliser des financements. Le groupe bancaire BMCE Bank of Africa y est présent, mais de manière marginale. Pour Attijariwafa Bank et même Banque Centrale Populaire, des signaux d’alerte sont déjà donnés par les agences de notation. Ces dernières estiment que le déploiement africain des groupes financiers marocains est une opportunité confirmée de hausse des rendements. Mais elles ne manquent pas de souligner les risques qui y sont associés.
avec : agenceecofin