La Gambie revient peut-être à sa «tradition» de femmes occupant le poste de vice-président. Dans la foulée du limogeage du vice-président sortant, Adama Barrow, le président gambien a choisi Isatou Touray pour occuper le poste. Avant sa nouvelle promotion, cette militante du Comité Gambie contre les pratiques traditionnelles (Gamcotrap), une ONG de défense des droits des femmes et des enfants, avait fait son entrée au cabinet de Barrow en héritant du portefeuille de la Santé.
La dauphine d’Adama Barrow
A 64 ans, cette ex-candidate indépendante à la présidentielle de 2016, avant de se rallier à Adama Barrow après ce scrutin qui acté le départ de Yahya Jammeh suite à une crise électorale à rebondissements, devient désormais la deuxième personnalité du pays, puisque la dauphine directe d’Adama Barrow en cas d’empêchement. Mais cette fois-ci, c’est un singulier concours de circonstances qui a conduit à la nomination, ce vendredi 15 mars d’Isatou Touray au poste de vice-présidente de la Gambie.
Des relations houleuses entre Adama Barrow et d’Ousainou Darboe est né un divorce acté par le limogeage du second en compagnie de deux ministres qui lui sont proches. L’emprisonnement de cet avocat, chef du Parti démocratique uni (UDP, au pouvoir), avait permis à Adama Barrow de devenir le candidat de remplacement pour porter les couleurs de toute l’opposition à la présidentielle de 2016.
Une désignation arrimée à un pacte prévoyant que le président élu ne passerait que trois ans au pouvoir avant d’organiser un nouveau scrutin auquel il ne serait pas candidat. Opposant historique à Yahya Jammeh, Ousainu Darboe y voyait une occasion inespérée de s’asseoir sur le fauteuil du State House, le palais présidentiel dont il a toujours été privé par l’homme au boubou blanc.
Ambitions présidentielles intactes
Pourtant, au moment où on lui rappelait sa promesse, Adama Barrow fait volte-face, prêchant la primeur de la constitution sur une parole donnée. En interne, la clameur commençait à monter dans les rangs du parti au pouvoir contre le Mouvement de jeunesse Barrow pour le développement national (BYM), un groupe de soutien à l’actuel président. Dans les instances de l’UDP, on voyait d’un mauvais œil l’essaimage rapide en Gambie -mais aussi dans la diaspora- du BYM, prenant l’ampleur d’un parti politique concurrent.
Sans que l’on sache le camp qu’elle va choisir, Isatou Touray profite malgré elle de cette bataille au sein du parti au pouvoir. Pourtant, sa nomination pourrait être plus hasardeuse pour Adama Barrow. Les ambitions d’Isatou Touray de devenir la première femme présidente de la Gambie sont peut-être toujours intactes.
En 2016 déjà, son ralliement sur le tard à la coalition de l’opposition l’avait empêchée d’aller jusqu’au bout de sa candidature à la succession de Jammeh. Pour l’heure, on ne sait pas si sa nomination est définitive ou si elle occupe le poste en intérimaire. Mais à l’heure où les plus jusqu’au-boutistes parlent d’une procédure d’impeachment contre Barrow, Isatou Touray pourrait être plus proche de son appétence que jamais.