L’arrivée de Jean Marie Ackah, président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), au stand de la Côte d’Ivoire relève l’ambiance. A côté, Bayard Ketcha, un agro-industriel camerounais, s’enquiert des opportunités proposées par ce pays d’Afrique de l’Ouest au marché de l’investissement de la sixième édition du Forum international Afrique Développement (FIAD) qui se tient ces 14 et 15 mars à Casablanca. « C’est une opportunité pour faire de bonnes affaires », souffle-t-il à La Tribune Afrique. « Nous produisons beaucoup, que ce soit le cacao pour lequel nous sommes premier producteur mondial, ou la noix de cajou… Aujourd’hui, nous voulons évoluer dans la chaîne de valeur et nous positionner en tant que transformateur de ces ressources », nous explique Thierry Badou du Centre de promotion des investissements de Côte d’Ivoire (CEPICI). « Nous venons ici, poursuit-il, chercher de grands pôles agroindustriels qui pourraient accompagner la Côte d’Ivoire dans ce processus de transformation de ses matières premières ».
L’agrobusiness au cœur des échanges
A quelques mètres de là, le Rwanda offre « des opportunités multiples dans l’agriculture et le tourisme. A chaque édition, nous nous mobilisons et avons des projets spécifiques que nous présentons. Cette année, ce sont principalement ces deux secteurs que nous mettons en avant … », nous explique, Winifred Ngangure Kabega, responsable de la promotion et de la facilitation des investissements au Rwanda Development Board. L’arrivée du ministre togolais du commerce, Kodjo Adédzé, nous contraint d’interrompre notre entrevue. Un responsable du groupe Attijariwafa bank fait l’intermédiaire et les échanges commencent.
Le scénario est quasiment le même sur les stands de l’Egypte, du Kenya, du Maroc, de l’Ethiopie, du Cameroun et du Mali qui complètent la liste des huit pays mis en avant au marché de l’investissement de cette édition du FIAD. « Ma première participation remonte à 2015 et j’ai vu des projets concrets se réaliser au Mali. Ce sont des résultats encourageants. C’est la raison pour laquelle nous sommes présents à chaque édition et tirons le maximum de profit », nous confie, Moussa Ismaila Touré, Directeur général de l’Agence pour la promotion des investissements (API) du Mali. Ici également, l’agrobusiness est le secteur mis en avant, mais aussi l’élevage et les énergies.
Ce sont toutes ces rencontres BtoB -se dénombrant à environ 17 000 depuis le lancement du forum en 2010- qui donnent du sens à la thématique centrale du FIAD cette année : « Quand l’Est rencontre l’Ouest ». Organisé par le Club Afrique Développement du groupe Attijariwafa Bank sous l’égide de son actionnaire de référence le fonds d’investissement panafricain Al Mada, cette grande messe biennale -qui réunit 2 000 opérateurs de 32 pays- met à l’honneur cette année la Sierra Léone.
…le truchement de l’incontournable intégration régionale
Dans un strict plaidoyer à l’intégration régionale et l’urgence de sa mise en œuvre effective pour permettre au Continent de tirer pleinement parti de son potentiel à l’image d’autres régions du monde comme l’Europe, le président sierra-léonais Julius Maada Bio a appelé les pays présents à faire de chacun de leur environnement des affaires des cadres propices à l’épanouissement des entreprises.
« Nous avons une occasion unique de promouvoir l’investissement et le commerce intrafricain et continuer à attirer plus d’investissements si nous faisons ce qui est juste pour attirer, promouvoir et soutenir les investisseurs dans nos pays respectifs », a-t-il déclaré lors de son allocution, signifiant toute l’ouverture de la Sierra Léone à accueillir les investissements en provenance de toute l’Afrique dans plusieurs secteurs dont l’agro-industrie.
Cette transformation industrielle à l’ordre du jour dans les tous les agendas économiques des pays africains devrait, selon Mohamed Kettani, président directeur général du Groupe Attijariwafa bank, être poursuivie dans le cadre d’une intégration régionale accélérée, afin de durablement propulser le Continent, surtout dans le contexte mondial de « tensions commerciales, interrogations autour de la croissance en Asie ou du Brexit, forte volatilité des cours pétroliers … » qui prévaut actuellement.
« Dans cet environnement global d’incertitude, l’Afrique maintient le cap et demeure un espoir pour la croissance mondiale. […] C’est notre conviction qu’un nouvel élan du mouvement d’intégration économique de notre continent est nécessaire. Nous devrions, me semble-t-il, accélérer davantage la cadence grâce à des projets concrets Est ou Ouest qui montre la voie. L’Afrique pourrait ainsi sans doute, constituer le fondement d’un marché continental concurrentiel et émerger en tant que centre d’affaires reconnu au niveau international, offrant aux investisseurs, aux PME, au grandes entreprises, des marchés plus vastes avec des économies d’échelles efficients et des retombées positives entre pays enclavés et pays côtiers. » Mohamed Kettani, PDG, Groupe Attijariwafa bank.
Pour ces pays, la transformation industrielle est désormais l’ingrédient incontournable pour vivre l’émergence dont le Continent est en quête. Bâtir des industries fortes permettrait ainsi à l’Afrique, dans son ensemble, de passer d’un fournisseur de matières premières à un fournisseur de produits non seulement au niveau régional, mais aussi mondial.
Les femmes et les jeunes dans la machine industrielle
Pour y arriver, les participants à ce Forum s’accordent sur le rôle capital que les femmes, dans leur « remarquable engagement entrepreneurial », pourraient jouer. En effet, l’étude publiée en septembre dernier au WIA Summit par le cabinet Roland Berger sur l’entrepreneuriat féminin dans le monde, démontrait qu’avec un taux de 24% des femmes en âge de travailler, les femmes africaines sont les plus grandes entrepreneures au monde. A Casablanca, elles sont notamment représentées par Dr. Yomna El Shredy, présidente de l’Organisation des femmes d’affaires d’Egypte et patronne de Sfii, une agro-industrie qui exporte l’huile d’olive ; Massogbé Touré, vice-présidente de la CGECI où elle préside la commission développement de l’entrepreneuriat féminin et PDG de La Société ivoirienne de transformation de l’anacarde (SITA) ; Aicha Laasri Amrani, présidente de l’association des femmes chefs d’entreprises du Maroc (Afem) et présidente-fondatrice de Sadas Assurances. Ces organisations patronales féminines ont d’ailleurs signé une convention ce mercredi 14 mars avec la Banque africaine de développement (BAD) visant à soutenir l’entrepreneuriat féminin à travers le Continent.
Les jeunes qui alimentent bien par leur innovations, la montée du digital, outil aujourd’hui essentiellement dans le monde industriel notamment, est également au cœur des débats durant ces deux jours. Il est notamment question de voir comment les jeunes startupeurs contribuent à la croissance des marchés africains et comment ils pourraient être accompagnés pour que leur potentiel soit maximisé.
Au-delà, le partage d’expérience des pays qui font déjà le pari de la transformation industrielle ne serait-ce qu’au niveau national permet de montrer la voie. C’est le cas notamment du Maroc et de l’Ethiopie qui coopèrent même dans la fourniture des fertilisants agricoles.
avec : afrique.latribune