« Demander aux multinationales de cartographier et de publier des informations complètes sur la chaîne logistique pour toutes leurs opérations, y compris leurs fournisseurs d’huile de palme, pourrait contribuer à décourager les pratiques non durables », prescrit en outre cette étude publiée dans la revue Environmental Research Letters.
De telles mesures, estiment les auteurs, permettraient d’éviter d’avoir à se fier aux décisions des consommateurs pour pouvoir encourager la production et la consommation d’une huile de palme plus responsable.
“La production durable d’huile de palme comprend une gestion et des opérations légales, économiquement viables, respectueuses de l’environnement et socialement bénéfiques.”
Elikplim Dziwornu Agbitor, responsable de la norme RSPO pour l’Afrique
Car, l’étude a montré que si 71 % des Anglais sont sensibilisés à la production de l’huile de palme, seulement une partie restreinte de la population inclut les produits étiquetés écologiques dans ses achats hebdomadaires.
L’étiquette en question est le label RSPO [1] (Table ronde sur la production d’une huile de palme durable), qui atteste que la production de cette huile a respecté un certain nombre de critères.
Révisés en novembre 2018, ces critères [2] comprennent, entre autres, un comportement éthique et transparent, le respect des communautés et des droits humains, le respect des droits et des conditions des travailleurs, la protection et la conservation de l’environnement, le soutien à l’inclusion des petits producteurs, l’optimisation de la productivité, de l’efficacité, des impacts positifs et de la résilience, etc.
Bref, « la production durable d’huile de palme comprend une gestion et des opérations légales, économiquement viables, respectueuses de l’environnement et socialement bénéfiques », résume Elikplim Dziwornu Agbitor, responsable de la norme RSPO pour l’Afrique.
Rosemary Ostfeld, chercheure au département d’économie foncière à l’université de Cambridge, en Angleterre et auteure principal de l’étude, précise dans une interview à SciDev.Net que « les résultats de l’étude sont pertinents pour les régions où la production d’huile de palme est en augmentation, car l’expansion du palmier à huile implique généralement la déforestation et une menace pour la biodiversité ».
« Le palmier à huile est en expansion en Afrique subsaharienne et constitue une menace pour la biodiversité », ajoute-t-elle.
Forêts primaires et secondaires
Une perception que partage Elikplim Dziwornu Agbitor qui affirme que « selon les estimations, d’ici 2021, jusqu’à 22 millions d’hectares de terres en Afrique de l’Ouest et du Centre pourraient être convertis en plantations de palmiers à huile ».
Mais, « lorsqu’elles sont cultivées de manière durable et conformément aux normes RSPO, les plantations de palmiers à huile et l’environnement peuvent coexister », relève-t-il, ajoutant qu’il suffit de « veiller à ce que les forêts primaires et secondaires de haute valeur pour la conservation ne soient pas endommagées et que des normes élevées en matière de droits de l’homme et de droits des travailleurs soient respectées ».
Pourtant, selon des chiffres rendus publics par la RSPO, seuls trois pays africains avaient des plantations de palmiers à huile certifiées RSPO au 31 décembre 2018 – le Gabon (55.385 hectares), le Ghana (31.618) et Madagascar (2.234).
Zone certifiée et volume CSPO par pays – Source: RSPO
Les plus grands producteurs africains d’huile de palme en milliers de tonnes – Source : Indice Mundi
Sollicité par SciDev.Net, Steven Fairbairn, responsable des affaires extérieures du groupe Olam, qui exploite les plantations certifiées du Gabon, renvoie sur le site web de l’entreprise, où l’on apprend que « nous sommes sur la bonne voie pour obtenir la certification RSPO sur 100% de nos opérations dans ce pays d’ici 2021 ».
En effet, continue le texte, « en janvier 2018, l’usine de Bilala et notre plantation de Mouila ont obtenu la certification et nous espérons obtenir la certification pour les opérations de Makouke en 2019 ».
Socapalm
De son côté, la Société camerounaise de palmeraies (Socapalm) n’a encore obtenu de certification RSPO sur aucune des six plantations qu’elle exploite au Cameroun.
Néanmoins, Joseph Mengue Mendouga, son secrétaire général, affirme que « depuis fin 2017, la Socapalm a déployé des efforts considérables pour sa démarche de certification RSPO ».
Ainsi, selon ses propos, l’entreprise s’est, entre autres, engagée à éliminer la déforestation dans toutes ses opérations. « A cette fin, elle s’est employée à identifier, maintenir et protéger les zones de haut stock en carbone (HSC), les zones à hautes valeurs de conservation (HVC) et les zones de tourbières », dit-il.
« Cela ne signifie qu’aucun nouveau développement de plantations n’est effectué sur des zones identifiées HSC ou HCV », martèle Joseph Mengue Mendouga.
Le responsable camerounais insiste aussi sur l’application par l’entreprise d’une politique de gestion responsable qui, à l’en croire, se traduit, entre autres, par l’interdiction de l’usage du feu, la gestion des déchets, la réduction de la pollution sous toutes ses formes, ainsi que l’interdiction de l’usage du paraquat (un produit phytosanitaire ayant un effet herbicide) et de certains produits chimiques classés dangereux par l’Organisation mondiale de la santé(OMS).
Le secrétaire général de la Socapalm indique que l’entreprise envisage en plus de « mettre en œuvre un plan de gestion pour la préservation et l’amélioration des espèces rares, menacées ou en voie de disparition (RMD) dans toutes les plantations ».
Petits exploitants
La Socapalm prévoit aussi de « réhabiliter les zones tampons à proximité des cours d’eau, des zones humides ou des plans d’eau et de réaliser un suivi complet des émissions de gaz à effet de serre à l’aide de l’outil “PalmGHG” [3] », poursuit Joseph Mengue Mendouga.
C’est au regard de ces efforts que la certification RSPO de la Socapalm est prévue pour 2021, d’après son secrétaire général.
Au siège de la RSPO, on est conscients de la spécificité de l’Afrique, où une grande partie de la production de fruits frais et d’huile de palme brute est contrôlée par les petits exploitants, dont l’inclusion dans la chaîne d’approvisionnement en huile de palme durable doit encore être considérablement améliorée.
« Nous pouvons apporter notre aide, en fournissant les outils nécessaires pour créer une industrie florissante et durable d’huile de palme, mais nous devons donner aux habitants de cette région le temps de renforcer leurs capacités humaines pour gérer efficacement ces outils », souligne Elikplim Dziwornu Agbitor.
Analysant les recommandations de l’étude, la chercheure Rosemary Ostfeld se dit, pour sa part, sûre d’une chose : « exiger que l’objectif national soit respecté avec une huile de palme certifiée augmentera la demande d’huile de palme certifiée physique, la consommation d’huile de palme durable et permettra de mettre en lumière les pratiques non durables ».
Elle précise qu’un ensemble d’outils, à l’instar de GeoRSPO, Global Forest Watch et SPOTTsont disponibles pour accompagner cette quête de transparence et de traçabilité.
Avec scidev