Les avis de deux chercheurs de l’IMD Business School de Lausanne.
“Les vrais chefs sont des guerriers heureux qui ne craignent pas la pression et qui savent distiller de l’enthousiasme”
Preston Bottger, professeur spécialisé en leadership et en general management à l’IMD
Machiavel a identifié, il y a cinq cents ans, trois types de personnes : celles qui comprennent les choses par elles-mêmes, celles qui ont besoin qu’on les leur explique et celles qui ne les comprennent pas, même avec des explications. Je crois que ces observations sont toujours valables : les leaders appartiennent assurément à la première catégorie.
Les bons chefs ont plusieurs points communs : de l’appétit pour les responsabilités ; la volonté d’investir du temps et des efforts dans l’accomplissement de leur mission ; une capacité à mobiliser les énergies ; une grande flexibilité intellectuelle et émotionnelle. Sans entrer dans l’éternel débat de l’inné et de l’acquis, bornons-nous à constater que certaines personnes exercent ces qualités avec plus de facilité. Selon les psychologues pour enfants, un bébé vigoureux aura plus de chance de devenir un adulte avec une grande énergie physique. Idem pour un enfant capable de se calmer quand il est énervé. Autant d’atouts propices au leadership. En tant que professeur, je constate également que tous mes étudiants n’ont pas les mêmes dispositions en matière de flexibilité mentale. Or un bon leader doit pouvoir analyser un problème sous tous ses angles et se mettre à la place de ses collaborateurs.
Mais le leadership n’est pas qu’une affaire de management. En ces temps de compétition féroce, on reconnaît un vrai leader à son aptitude à affronter la pression. Là où d’autres abandonnent, lui se retrousse les manches et distille de l’enthousiasme. C’est ce que j’appelle un «guerrier heureux». Et nous en avons sacrément besoin en cette période de crise.
“Il y a autant de profils que de contextes de management. Le leadership peut s’exercer avec des qualités différentes.”
Maury Peiperl, professeur spécialisé en leadership et en stratégie du changement à l’IMD
La mission d’un leader est de permettre à ses collaborateurs d’apprendre sans cesse et de les aider à atteindre leur plein potentiel. Pour remplir cet objectif, nul besoin de posséder des traits de caractère spécifiques. Je rejette absolument l’idée que les leaders partagent une personnalité type. Il existe autant de profils que de contextes de management. Un directeur financier, un chef d’usine et un cadre international peuvent combiner des compétences et des qualités très différentes et se montrer chacun d’excellents leaders dans leur domaine d’expertise.
En psychologie sociale, on appelle «erreur fondamentale d’attribution» cette déformation qui consiste, pour analyser un phénomène, à accorder beaucoup plus d’attention à la personnalité d’un individu qu’à la situation dans laquelle il se trouve. Résultat : dès que les choses se passent mal, on fait sauter des têtes. Alors que le nœud du problème se trouve bien souvent dans une combinaison de facteurs incluant la culture d’entreprise, la législation, les rapports avec les sous-traitants ou tout simplement la conjoncture… En sortant une personne de son contexte, on passe à côté de l’opportunité de la comprendre.
Il existe toutefois un point commun entre les vrais leaders: qu’ils occupent des fonctions de top management ou des postes intermédiaires, ils doivent, pour réussir, faire preuve d’une intelligence émotionnelle élevée, c’est-à-dire d’une aptitude à comprendre les motivations et les capacités de leurs équipes. La bonne nouvelle, c’est que cette empathie peut s’acquérir. A condition de se montrer ouvert, patient et à l’écoute.
Avec capital