Theresa May demande de renégocier l’accord. Une démarche qui permettrait d’éviter un divorce sec, mais porterait en germes des risques majeurs.
Dilemme. A moins de deux mois du Brexit, les Européens vont devoir préserver leur unité en tranchant une question capitale et presque existentielle. Alors que Theresa May leur demande de renégocier l’accord du Brexit, ils ont été nombreux à affirmer mercredi que cette option n’était pas envisageable. La réalité est plus complexe.
Briser un tabou
Les partisans d’un compromis ont des arguments. La perspective d’un Brexit sans accord constitue une puissante incitation à retourner à la table de négociation. Si l’Irlande martèle que le filet de sécurité (« backstop ») n’est pas renégociable, elle sait aussi que l’alternative à cette renégociation pourrait être un Brexit sans accord – et donc, probablement, une frontière dure entre le Nord et le Sud de l’île. Le porte-parole de la Commission européenne s’est récemment chargé de mettre les pieds dans le plat à ce sujet, brisant un tabou à Dublin.
Dans cette perspective, certains Européens reconnaissent, du bout des lèvres, qu’il pourrait être pertinent d’envisager un ajout à l’accord de retrait, juridiquement solide, qui esquisserait une porte de sortie. Quitte à transiger très légèrement par rapport aux principes du backstop tel qu’ils ont été définis jusqu’à présent. « Rien n’est totalement impossible », résume une source tandis qu’une autre assure qu’il n’est « pas interdit d’être créatifs ».
La confiance perdue
Mais cela va dépendre, d’abord, de ce que demande Theresa May. Clause de sortie du backstop ? Date butoir pour ce dernier ? « Nous avons besoin de clarté sur ses intentions », résume un diplomate.
Ce dernier ajoute que la Première ministre britannique, en s’asseyant sur l’accord qu’elle avait elle-même signé avec les Européens, a sapé les conditions de la confiance. Comment croire que, cette fois , elle a enfin un plan solide ? Comment croire qu’elle dispose d’une majorité solide pour faire approuver à Londres la solution qui serait éventuellement négociée (l’amendement Brady a été voté de justesse) ? D’après nos informations, Michel Barnier a fait part, sur ce point, de ses doutes aux commissaires européens, mercredi lors de leur réunion à huis clos.
Sans une stratégie limpide de Theresa May et sans signaux de la part des « Brexiters » qu’ils seront prêts à approuver un accord légèrement amendé, les Européens seront donc, en réalité, rétifs à toute concession substantielle : elle risquerait tout simplement de « cranter » un recul européen.
Avec lesechos