Plusieurs événements politiques économiques et sociaux ont rythmé l’année 2018. Certains devraient continuer à produire leurs conséquences ou faire connaître leur dénouement au cours de l’année qui débute. La Tribune Afrique explore quelques grands enjeux qui devraient faire l’actualité de cette nouvelle année.
Janvier
Entrée en vigueur de la ZLECaf : en attendant les 22 ratifications
A la mi-décembre 2018, quelque 49 pays membres de l’Union Africaine(UA) ont signé l’Accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Mais seulement 13 pays africains l’ont effectivement ratifié, loin des 22 ratifications nécessaires pour une entrée en vigueur en janvier et un lancement officiel que l’UA situe à la fin juin 2019 en marge de son Sommet de Niamey au Niger. Mais le processus pourrait connaître un décalage. Prétextant des élections à venir au cours de la même année ou d’un aménagement législatif, plusieurs pays n’ont pas encore signé ou ratifié l’Accord.
Guinée-Bissau : des risques de retards sur les législatives
La CEDEAO est à pied d’œuvre pour tenter de sauver le processus électoral devant conduire, fin janvier à des élections législatives. A la surprise générale, le processus électoral a connu un brusque coup d’arrêt lorsque le Bureau du Procureur de la République, saisi par plusieurs partis, a suspendu l’enregistrement des électeurs sur des soupçons de fraudes informatiques. Ce processus aurait dû se terminer le 5 décembre 2018 mais la CEDEAO qui a déjà injecté 2 milliards de Fcfa, avait demandé une prolongation pour actualiser le fichier. Les élections risquent d’être retardées si Alpha Condé, le médiateur de l’organisation sous-régionale ne trouve pas la parade.
Février
Présidentielle au Sénégal : Macky Sall en quête d’un second mandat
Le 24 février 2019, Macky Sall, le président sortant, remet en jeu son fauteuil du Palais de la République. Après avoir remporté une majorité confortable aux législatives de 2017, la Coalition gouvernementale a serré ses rangs pour la réélection du président sortant. En face, l’opposition tire à boulets rouges sur un bilan en demi-teinte du président, quand elle n’exploite pas la clameur du mécontentement populaire qui monte.
Une partie des rivaux politiques devra pourtant composer avec l’absence quasi-certaine de Karim Wade et de Khalifa Sall, écartés de la course par des casseroles judiciaires. L’autre partie devra faire avec le durcissement des règles électorales notamment avec ce recueil des parrainages d’au moins 0,8 % des six millions d’électeurs qui risque d’en éliminer une bonne partie.
Offensive allemande : Accra capitale du Sommet germano-africain
Pendant trois jours, Accra devient la capitale des relations commerciales germano-africaines. La capitale ghanéenne accueille du 11 au 13 février 2019, la deuxième édition du Sommet économique germano-africain (GABS). Après Nairobi au Kenya, c’est depuis Accra que l’Allemagne compte consolider ses relations économiques et commerciales avec le Continent.
L’événement est organisé par l’Initiative des entreprises allemandes en Afrique subsaharienne (SAFRI). Le sommet d’Accra devrait recevoir plus de 750 acteurs économiques, capitaines d’industrie, facilitateurs d’affaires et représentants gouvernementaux. A la faveur de la nouvelle offensive économique allemande sur le Continent, l’événement vise à promouvoir et renforcer les relations économiques entre la première puissance économique européenne et les pays d’Afrique subsaharienne.
Nigéria : heure de vérité pour le général Buhari
Ni ses ennuis de santé, ni les défections au sein de l’APC, son parti, n’ont découragé le président sortant. Au pouvoir depuis 2015, Muhammadu Buhari veut rempiler à la tête de la première puissance économique d’Afrique. Sans doute a-t-il à cœur de poursuivre la lutte contre la corruption qui a rythmé son mandat. A moins qu’il veuille rectifier le tir sur sa gestion désastreuse de la lutte contre Boko Haram. En face, Atiku Abubakar, ancien vice-président de Goodluck Jonathan, a remporté l’investiture au PDP après avoir claqué la porte du camp Buhari qu’il avait rejoint en 2015. Tout comme les 73 candidats issus de 91 partis, les opposants misent sur un bilan Buhari qu’ils jugent peu satisfaisant pour rafler la mise. Mais le Général Buhari a décidé de livrer le combat jusqu’au bout.
Mars
Le Pape François au Maroc : le périple papal dans un pays musulman d’Afrique
Trente quatre ans après Jean-Paul II en 1985, le Pape François se rend au Maroc les 30 et 31 mars 2019. Le Saint-Père rencontrera à Rabat le roi Mohammed VI, Commandeur des croyants. Après l’Egypte en 2017, le Maroc est le deuxième pays africain musulman que visitera le Pape.
Pour le Pape François, également chef d’Etat du Vatican, il s’agira de remettre sur les rails des relations distendues avec le Maroc depuis la houleuse sortie de Benoit XVI sur l’islam. Celle-ci avait provoqué le rappel de l’ambassadeur marocain auprès le Saint-Siège.
Les choses semblent rentrer dans l’ordre avec la nomination, en août 2018, de Raja Naji Mekkaoui comme nouvelle ambassadrice. Même si les observateurs inscrivent la visite papale dans le circuit des pays musulmans (Turquie, EAU, Egypte) qu’il foule, on aura à l’esprit la visite du Pape Jean-Paul II à Casablanca en 1985. La même ferveur ou presque est attendue dans l’accueil du Pape François à Rabat et à Casablanca.
Brexit : L’Afrique partenaire alternatif pour le Royaume-Uni ?
Le 29 mars 2019, sauf coup de théâtre, le Royaume-uni quitte offciellement l’Union européenne (UE) à minuit heure de Bruxelles (23H00 GMT), une première dans l’histoire européenne. Va-t-il s’agir d’un hard Brexit ou d’un soft Brexit ? Le temps presse. De l’issue des négociations au point mort, de la posture du parlement britannique, dépendra la suite des événements. Vu d’Afrique, quelle que soit la formule, beaucoup y voient une formidable opportunité pour étoffer l’offre des puissances étrangères et faire jouer la concurrence.
Les tournées de Théresa May, du Prince Charles et de nombreux hauts dignitaires britanniques dans des pays africains et l’enveloppe d’investissement de 4 milliards de livres de Londres aiguisent les appétits. Les accords économiques et commerciaux ou leur renouvellement avec des pays africains devrait rythmer l’agenda africain de l’Administration britannique. A l’heure où ils s’apprêtent à quitter l’UE, les Britanniques voient l’Afrique comme un des marchés alternatifs pour compenser le durcissement des règles européennes à leur égard.
Législatives à Madagascar : éclaircie sur la carte électorale
L’enjeu ? Décrocher la majorité des 151 sièges de l’Assemblée nationale. Quelques mois après une présidentielle qui a vidé les contentieux politiques du passé, les législatives malgaches seront l’occasion pour les partis politiques de mesurer leur poids respectif. Dernier arrivé sur l’échiquier, le HVM du président sortant Hery Rajaonarimampianina va tenter d’étendre sa toile électorale.
En face le TIM de Marc Ravalomanana et le MAPAR d’Andry Rajoelina voient en cette échéance majeure l’occasion de les départager. Mais les candidatures indépendantes ou les nouvelles offres politiques alternatives pourraient tirer leur épingle du jeu. Dans tous les cas, les législatives de mars devraient permettre d’éclaircir la carte électorale de la Grande-Ile.
Avril
Algérie : Un cinquième mandat pour Bouteflika ?
La date n’est pas encore connue avec exactitude. Mais l’élection présidentielle est prévue au mois d’avril 2019. En Algérie, personne ne peut dire si l’échéance sera tenue. Cloué sur un fauteuil roulant par un AVC depuis 2013, Abdelaziz Bouteflika, 81 ans dont bientôt 20 ans au pouvoir, a peut-être brisé le mythe. Dans ses dernières apparitions publiques, le président sortant semble tellement affaibli qu’il serait difficile de continuer à défendre l’idée de sa candidature à un cinquième mandat de cinq ans.
Du côté du pouvoir comme de l’opposition, l’on cherche la parade. Dans le premier groupe, l’on songe à un report de l’échéance électorale en attendant une amélioration de la santé du président, sans doute pour ne pas attiser les querelles intestines. Dans le second, on écarte cette possibilité pour s’empresser d’aller aux urnes même en face d’un camp présidentiel amoindri. Entre les deux, certains songent à déclarer la «présidence à vie» pour Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999.
Mai
Elections générales : l’heure de la confirmation pour Cyril Ramaphosa
Au pouvoir depuis la fin de l’apartheid en 1994, l’ANC vacille. Mais tombera-t-il ? En tout cas, avec les élections générales, le parti-Etat pourra mesurer l’impact de la fin de mandat catastrophique de Jacob Zuma, contraint à la démission après l’accumulation de plusieurs scandales politico-financiers. A la manœuvre pour redresser l’image du premier parti, Cyril Ramaphosa va à la conquête de la légitimité par les urnes après avoir été parachuté pour remplacer son prédécesseur.
2019 pourrait aussi être l’année qui verra éclater une querelle de leadership entre partisans et pourfendeurs de Cyril Ramaphosa. Ce duel pourrait être arbitré par l’EFF, le parti de Julius Malema qui a fait dissidence de l’ANC. Le troisième parti d’opposition pourrait rebattre les cartes du paysage politique sud-africain. Exploitant la désillusion face à la clase politique dirigeante, l’Alliance démocratique de Mmusi Maimane va aussi jouer ses chances.
Juin
Présidentielle en Libye : l’ONU mise à l’épreuve
La feuille de route de l’ONU situe la date de la présidentielle au premier semestre 2019. Mais au moment où nous métions sous presse, la commission électorale avait d’ores et déjà assuré qu’elle ne disposait pas des 28 millions de dollars nécessaires à la tenue de cette échéance électorale. De plus, le cadre législatif de la République post-Kadhafi doit être révisé pour mettre en place un corpus de lois pour aider à la réorganisation de l’Etat. Dans les starting-blocks, Khalifa Haftar, le maître de l’Est ou son poulain ne devront pas manquer à l’appel pour ce tournant historique. Encore moins le camp de Fayyez Al-Sarraj qui surfe sur sa légitimité taillée par la communauté internationale. Un troisième candidat surprise, Saïf Al Islam Kadhafi, le fils cadet de Mouammar Kadhafi, a fait connaître, à mots couverts, son intention d’occuper le futur fauteuil présidentiel. Pour l’heure tout reste à faire : amorcer le processus de réconciliation nationale, mettre tous les acteurs d’accord sur les règles du jeu et assurer la sécurité et la tenue effective du scrutin. Un challenge pour l’ONU !
Juillet
Présidentielle en mauritanie : l’après Abdel Aziz ?
Mohamed Ould Abdel Aziz n’a cessé de le marteler ces derniers mois : il va quitter son fauteuil présidentiel pour le céder à son successeur. Au vu du recueil de signatures contre sa décision de continuer d’influencer la politique depuis sa ferme de Zouerate, beaucoup doutent du retrait. Dans les rangs de l’UPR (au pouvoir) le nom de Cheikh Ould Baya est régulièrement soufflé aux médias. Mais le général Mohamed Ould Ghazouani et Moulay Ould Mohamed Laghdaf, tous les deux amis du sortant, pourraient lui ravir la vedette.
Pour contrer cette prédiction, Mohamed Ould Maouloud à la tête du FNDU compte élargir sa coalition ou s’associer avec les islamistes de Tawassoul dans une candidature unique. L’année s’annonce périlleuse avec la large victoire de l’UPR au législatives et aux locales de 2018 qui ont permis au parti restructuré de faire une démonstration de sa force de frappe.
Août
XIIe Jeux Africains : Le Maroc en remplacement de la Guinée équatoriale
L’Union africaine (UA) et l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique (ACNOA) ont fini par se rabattre sur le Maroc. La capitale du pays nord-africain accueille du 23 août au 23 septembre 2019, la 12e édition des Jeux africains. Désignée en 2016, la Guinée équatoriale a fini par se désister l’année suivante pour des motifs économiques. La Zambie a refusé la proposition de pays organisateur de remplacement.
En hôte de substitution, le Maroc se positionne comme un des pays africains les plus compétitifs en matière d’infrastructures sportives. Si le royaume nord-africain s’est désisté de l’organisation de la CAN 2019 retirée au Cameroun, il accueillera cette grande manifestation quadriennale du Continent. La capitale marocaine, Rabat, devrait recevoir plus 5 000 athlètes africains. Ces derniers vont s’affronter dans plus d’une quinzaine de disciplines dont huit seront qualificatives pour les Jeux olympiques de Tokyo 2020.
Octobre
Elections générales au Mozambique : La paix par les urnes
Il aura fallu de longs pourparlers pour fixer les élections générales à la date du 15 octobre 2019. L’inscription des électeurs sur les listes électorales -particularité mozambicaine: entièrement refondues à chaque échéance-, est fixée entre le 1er avril et le 15 mai 2019. Et pourtant, au-delà de l’opposition traditionnelle entre le Front de libération du Mozambique (Frelimo), au pouvoir depuis l’indépendance, et son rival de la Résistance nationale du Mozambique (Renamo), l’enjeu est plus profond.
Les négociations entre les deux partis qui se livrent une guerre par intermittence, devraient ouvrir la voie à l’élection de gouverneurs au suffrage direct alors qu’ils étaient nommés par le président. Dans les starting-blocks, Ossufo Momade devrait prendre la place d’Afonso Dhlakama (décédé en mai) pour le compte de la Renamo face au sortant Filipe Jacinto Nyusi. Des élections parties sur un consensus pour enterrer la guerre civile qui a ravagé le pays entre 1977 et 1992. Cette même guerre qui avait été suspendue après sa reprise en 2013.
Novembre
Présidentielle au Comores : RDV à haut risque
A 59 ans, Azali Assoumani, putschiste en 1999 envisage autrement son avenir à la tête de l’archipel. En juillet 2018, un nouveau référendum boycotté par l’opposition permet désormais au président de briguer deux nouveaux quinquennats à la suite de son mandat qui s’achève en 2021. Mais Azali Assoumani avait promis d’organiser une présidentielle anticipée au cours de l’année 2019. Désormais, le principe de la rotation de la présidence du pays entre les trois îles est supprimé, de même que celle de la Cour constitutionnelle provoquant des protestations dans son propre camp.
Mais l’année électorale risque d’être mouvementée. Après plusieurs protestations, les partis Juwa de l’ancien président Ahmed Abdallah Sambi, l’UPDC de Youssouf Boina et le RIFAID de Mohamed Wadaane se préparent à l’échéance. Tous, espèrent une intervention de la communauté internationale pour que le scrutin respecte les règles. Mais les jeux semblent déjà faits, ce qui pourrait conduire cet archipel traversé par plusieurs putschs vers une crise politique majeure.
Décembre
Présidentielle en Tunisie : le grand chamboulement
Ce sera la seconde présidentielle depuis la « Révolution du Jasmin ». Et beaucoup y voient un chamboulement des alliances et un renouvellement des figures de la politique en Tunisie. La rupture de l’alliance entre Nidaa Tounes et Ennahdha va sans doute polariser les forces politiques en présence qui vont tenter de prendre la magistrature suprême. Respectivement âgés de 92 et 77 ans, Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi pourraient être au crépuscule de leur carrière politique.
Leur effacement de la sphère politique pourrait laisser monter des membres issus de leurs formations respectives. Ali Bennour ou encore Néji Jalloul pourraient incarner les grandes figures de Nidaa Tounes. Dans sa nouvelle stratégie, Ennahda pourrait jouer la carte du féminisme avec Souad Abderrahim ou encore Sihem Bensedrine. Au milieu de ce tableau, Youssef Chahed pourrait être tenté d’incarner le « Macron de la Tunisie» en réunissant des électeurs des deux bords. Tout cela aux côtés de candidatures indépendantes qui pourraient chambouler le positionnement politique traditionnel.
Avec la tribuneafrique