Dernière ligne droite avant l’élection présidentielle de 2020 : avenir du RHDP, jeu d’alliances, stratégies en trompe-l’œil… Les cartes du jeu politique ivoirien seront forcément rebattues en 2019.
« Arrêtons de nous faire peur. » Lundi, en marge de la présentation de ses vœux à Abidjan, Alassane Ouattara a balayé les craintes qui planent autour des élections prévues en 2020. Pour le chef de l’État, la présidentielle « se passera bien » malgré « les inquiétudes » des Ivoiriens qui, pour certains, redoutent que le pays ne sombre à nouveau dans une crise et des violences post-électorales. « Si 2015 s’est bien passée, pourquoi 2020 ne le serait pas ? Je fais confiance aux Ivoiriens, je fais confiance à nos institutions », a-t-il déclaré.
« Je tiens à la stabilité de notre pays, à la paix en Côte d’Ivoire, et vous pouvez me faire confiance : nul ne sera en mesure de troubler cette paix tant que je serai à la tête de la Côte d’Ivoire. » Si, pour le président, « tout ira bien », la situation politique du pays laisse à penser que ces troubles pourraient bien voir le jour.
Alors, question : les violences qui ont suivi les élections municipales d’octobre sont-elles l’illustration d’un malaise, les prémices d’une crise qui pourrait éclater en 2020 ?
La coalition présidentielle affaiblie
Cette année-là, Alassane Ouattara sera parvenu au terme de son second mandat. Comme le stipule la Constitution ivoirienne, le président ne pourra donc pas être de nouveau candidat. Mais en juin dernier, stupéfaction. Dans une interview donnée au magazine Jeune Afrique, le président laisse planer le doute. « La nouvelle Constitution m’autorise à faire deux mandats à partir de 2020. Je ne prendrai ma décision définitive qu’à ce moment-là, en fonction de la situation en Côte d’Ivoire. La stabilité et la paix passent avant tout, y compris avant mes principes », déclare-t-il. Avec cette annonce, le chef d’État estime désormais que le changement de Constitution dont il est l’artisan a remis tous les compteurs à zéro, et que ses élections de 2010 et 2015 ne comptent pas.
Cela intervient alors que son son rêve d’une grande coalition présidentielle, machine électorale destinée à réunir son parti, le RDR, et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), est pourtant bien loin d’être concrétisé. Rendu officiel en juillet 2018, le nouveau parti unifié du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) a volé en éclats après le désistement de Henri Konan Bédié, patron du PDCI et jusqu’ici son allié. Des dissensions fortes au sein même du RHDP, entre les militants prônant l’alliance avec le PDCI et les autres, ne favorisent point l’unité voulue par Alassane Ouattara, gage d’une ascension sans obstacle à la tête de l’État en 2020.
L’entrée en scène de deux personnalités bien connues
Autre facteur que le président n’avait certainement pas vu venir : le retour du Front populaire ivoirien (FPI), parti de Laurent Gbagbo. Si le retour de sa femme Simone a été très commenté – l’ancienne première dame ayant bénéficié d’une amnistie présidentielle –, l’éventuel come-back de son mari pourrait ébranler la sphère politique ivoirienne. Toujours emprisonné à La Haye, Laurent Gbagbo voit sa liberté provisoire discutée en ce moment par les juges de la Cour pénale internationale (CPI). Et son procès, prévu début 2019, pourrait redistribuer les cartes en Côte d’Ivoire. Acquitté, l’ex-président aurait toute liberté de prévoir, sur place, son retour dans la course.
Un échiquier politique que pourrait également rejoindre Guillaume Soro. Le président de l’Assemblée nationale n’a pas caché ses ambitions, en juillet, lors d’une interview accordée à France 24 et RFI. À la question de l’élection présidentielle en 2020, il a répondu qu’il allait y « réfléchir ». En ajoutant aussitôt : « Mais je n’imagine pas engager cette réflexion sans en parler d’abord et principalement avec le président Alassane Ouattara et ensuite avec Henri Konan Bédié. » Habile pour ne pas froisser ses pairs, tout en plaçant subtilement ses pions.
Avec le point afrique