Inquiétude ? C’est le moins que l’on puisse dire. L’incarcération de Carlos Ghosn au Japon depuis plus de trois semaines retient le souffle de toute la team Renault. Hier dimanche 23 décembre, la justice japonaise a prolongé de dix jours sa garde à vue. Malgré tout, le groupe -coté sur Euronext- doit poursuivre son exploitation. C’est d’ailleurs la raison de l’intérim présidentiel assuré par Thierry Bolloré, directeur général adjoint. En Afrique où le géant français de l’automobile détient trois usines, les machines tournent toujours à 100%. En amont, des hommes d’expérience, positionnés depuis deux ans ou plus, assurent la continuité.
Ce mois de décembre, Fabrice Cambolive, «Monsieur Afrique» du groupe Renault, n’aura pas l’occasion de rendre compte au PDG Carlos Ghosn -aux côtés de tous les autres directeurs de régions et du comité exécutif du groupe- de la performance mensuelle régionale du géant français de l’automobile. Incarcéré depuis près d’un mois -une détention prolongée de dix jours ce dimanche 23 décembre- au Japon pour malversations présumées, Ghosn se fait en effet remplacer par son directeur général adjoint, Thierry Bolloré.
Rappelons qu’en Afrique, la marque au losange recherche ce qui la pousse intrinsèquement à l’international : «Tirer parti du dynamisme des marchés locaux», comme indiqué dans un document officiel. Sur le Continent, le constructeur automobile dispose d’une trentaine de représentations commerciales, fruits de partenariats avec des distributeurs locaux -parfois exclusifs-, exception faite de l’Afrique du Sud où le distributeur opère sous la dénomination Renault et appartient à 40% au groupe français.
Il y a six ans, Renault a donné une nouvelle dimension à sa présence africaine en implantant une usine géante à Tanger au Maroc -en plus de celle de Casablanca- et une autre en 2014 à Oran en Algérie où la firme prépare déjà sa seconde usine. Naturellement, l’arrestation de Ghosn alarme, mais les activités s’y poursuivent grâce aux sherpas du constructeur automobile français.
Fabrice Cambolive, le «Monsieur Afrique»
Impossible d’évoquer ces hommes clés de Renault en Afrique sans commencer par la tête, Fabrice Cambolive. Dans les rangs de la firme depuis plus d’un quart de siècle, ce quinquagénaire a pris ses fonctions de directeur des opérations Afrique et Moyen-Orient-Inde il y a à peine un an et demi. A la base, selon l’ordre d’organisation du groupe, il dépend de Thierry Bolloré, directeur général délégué. Cependant, Cambolive rend compte à Carlos Ghosn lors des rencontres de l’ «Operations Review», un comité qui rassemble tous les autres directeurs régionaux, le comité exécutif du groupe et les directeurs en charge de la performance et des achats.
Pendant une journée entière chaque mois, Cambolive dispose de temps pour présenter l’évolution des activités de Renault en Afrique, aussi bien industrielles que commerciales. Un exercice plutôt aisé pour ce lauréat de l’Ecole supérieure de commerce de Toulouse qui a été, entre autres, directeur commercial de la région Eurasie de Renault et préside le conseil d’administration de Renault au Brésil. Sur le Continent, il s’appuie sur ses relais sur place et touche du doigt la performance des implantations de Renault lors de ses voyages, comme en mars dernier en Algérie et au Maroc, ou encore en octobre dernier lorsqu’il accompagnait Ghosn pour une visite au royaume.
Marc Nassif, le pilote des affaires marocaines
Au Maroc, c’est Marc Nassif qui chapeaute depuis fin 2016 les activités de Renault, lesquelles sont aussi bien commerciales qu’industrielles avec les usines de Tanger et Casablanca. Le choix de ce technicien de 56 ans, devenu businessman aguerri, n’est pas fortuit. Arrivé chez le constructeur automobile il y a presque 35 ans en tant qu’ingénieur stagiaire chez la filiale américaine, il a touché à presque tout, entre ingénierie de produit, de process, qualité ou même le recrutement, avant de diriger des usines. Il a d’ailleurs à son actif de belles réussites, comme le lancement de la marque Renault en Inde ou la construction de l’usine du Brésil. Et pour la petite histoire, c’est dans cette unité qu’une voiture Nissan a été fabriquée dans une usine Renault pour la première fois.
Ses fonctions l’ont emmené à travailler un peu partout dans le monde, et pour ce natif du Caire qui se définit en «citoyen du monde», l’aventure marocaine est jusqu’ici un succès. Actuellement, 10% des véhicules vendus par Renault dans le monde sont produits dans les deux usines de Tanger et Casablanca. Fin novembre, Marc Nassif a co-présidé le lancement au Maroc de la Fondation Renault qui devrait porter au niveau local l’action philanthropique du géant français de l’automobile.
Jean François Gal, l’homme qui fait tourner la machine tangéroise
Plutôt discret, Jean François Gal, 48 ans, est l’œil de Marc Nassif à l’usine de Tanger dont il tient la direction générale. Sa mission est clé, car cette unité représente le cœur de l’activité de Renault au Maroc, mais aussi en Afrique. En effet, il s’agit de la plus grande implantation industrielle du géant français sur le Continent. Ingénieur électronicien de l’ICPI de Lyon et logisticien de l’ESSEC, Gal cumule 24 ans d’ancienneté chez Renault qu’il a rejoint d’abord en tant que logisticien avant de grimper les échelons.
Gal a notamment été dans le top management de l’usine Renault à Palencia en Espagne et directeur logistique aval et contrôle de production chez Renault-Nissan. En poste à Tanger depuis trois ans, il veille au bon fonctionnement de l’unité pour qu’elle atteigne sa pleine capacité de production qui est de 340 000 véhicules par an, laquelle est en passe de le réaliser après avoir produit 300 479 véhicules en 2017.
Mohamed Bachiri, le Marocain qui règle l’unité casablancaise
Le 1er février 2015, il devient le premier Marocain à prendre la direction générale de la Société marocaine de construction automobile (Somaca) depuis le rachat de cette dernière en 2005 par Renault. Titulaire de l’European Excutive MBA de l’Ecole supérieure de commerce de Paris, Mohamed Bachiri, porte définitivement la casquette d’un expert en ressources humaines (RH) pour y avoir consacré une bonne partie de sa carrière, tant chez le groupe Lafarge Maroc où il a passé six ans que chez Renault Maroc qu’il a rejoint en 2006 en tant que DRH.
A l’occasion de l’inauguration de l’usine de Tanger en 2012, il a été décoré par le roi Mohammed VI pour sa contribution à l’essor du projet de développement du secteur de l’automobile dont le Maroc est désormais une référence en Afrique. Par ailleurs, il vient d’être élu vice-président de la Fédération automobile au Maroc qui rassemble les principaux acteurs du secteur. A la tête de la Somaca, il carbure récemment pour répondre à l’objectif d’augmentation de la capacité de l’usine de Casablanca, après avoir produit 75 811 véhicules l’an dernier.
Eric Basset, un expert du retail promeut les marques
Encore un enfant de la maison. Directeur général de Renault Commerce Maroc depuis deux ans, Eric Basset fait la promotion des marques du géant français de l’automobile sur le marché marocain, dont la présence commerciale est déployée à travers 90 points de vente et services, promis pour atteindre la centaine à fin décembre 2018, pour plus de 44% de parts de marché au premier trimestre de l’année en cours. Diplômé de L’Ecole supérieure de commerce de Chambéry, il démarre sa carrière en tant qu’attaché commercial dans le secteur bancaire.
Basset rejoint le géant de l’automobile en 1993, en intégrant sa filiale bancaire, Renault Commerce International (RCI-Finance). Depuis, il a navigué au sein du groupe et travaillé sous divers cieux, notamment à Singapour où il chapeautait la zone Asie Pacifique ; à Paris où il assurait le project management de la V6 de Renault en Europe ; en Ireland en tant que directeur pays ; et en République Tchèque pour la direction de l’Europe centrale. Avant de déposer ses valises à Casablanca, il dirigeait Renault Retail Group en Espagne. Début 2018, il présentait fièrement, aux côtés de Marc Nassif, les performances commerciales de Renault au Maroc dont le chiffre d’affaires s’est établi à 790 millions d’euros en 2017.
Claudio Vezzosi, le banquier de Renault au Maroc
Claudio Vazzosi est le président directeur général de RCI Finance Maroc, la filiale marocaine du groupe RCI Bank and Services -elle-même détenue à 100% par Renault- qui développe les offres de crédit automobile sur les marques Renault et Dacia. Juriste de formation, il travaille dans la banque avant d’intégrer, en 1995, Nissan en Italie où il assure plusieurs responsabilités autour du crédit. Son entrée chez Renault se concrétise en 2000 à l’occasion de l’Alliance Renault-Nissan. Il rejoint alors RCI Banque Italia en tant que directeur du crédit, avant de mettre le cap sur Paris pour diriger les opérations de crédit à la Banque de France.
André Abboud, un stratège aux commandes du marché algérien
C’est lui le patron de Renault en Algérie où en 2017, le géant de l’automobile a compté 835 millions d’euros de chiffre d’affaires. Avec plus de treize ans d’ancienneté chez Renault, il a rejoint le groupe automobile après une première carrière dont les détails restent peu connus, tellement l’homme est discret sur sa personne. Ce lauréat de l’Ecole centrale de Lyon a occupé plusieurs postes de directeur dans les rangs de Renault, avant de se voir confier les affaires algériennes en août 2017. Il a responsabilité de piloter la stratégie qui permettra au géant de l’automobile d’atteindre ses objectifs de montée en puissance sur ce marché d’Afrique du Nord, avec notamment l’entrée en service d’une nouvelle usine d’assemblage de véhicules en CKD (Complete Knock Down) prévue pour fin 2019, comme annoncé début 2018 par Fabrice Cambolive.
Jaco Oosthuizen, un pro qui tente de remonter la pente sud-africaine
Bien que la firme française ne détienne plus que 40% de Renault South Africa après avoir consenti, en 2013, à céder la majorité à son partenaire commercial historique, groupe Imperial (60%), cette filiale -exclusivement commerciale- compte pour le groupe français. D’autant plus que cette dernière a tendance a vigoureusement booster les ventes de Renault en Afrique, comme en 2015 où le constructeur français y a enregistré un volume de 591 000 véhicules vendus. Un record ! Depuis deux ans, c’est le Sud-africain Jaco Oosthuizen, un pro de l’industrie automobile locale, qui, en 17 ans, a eu l’occasion d’y intervenir à différente échelle, tant dans les services financiers, qu’au niveau du commerce de détail, de la fabrication ou encore de l’import et la distribution. Ce passionné des «redressements d’entreprises» prend un plaisir à conduire la performance de Renault South Africa qui, ces dernières années, a vu ses ventes quelque peu fléchir.
Avec la tribune afrique