Après l’OPEP, le Qatar va-t-il quitter le Conseil de Coopération du Golfe? Alors que se tenait ce mardi 11 décembre à Riyad sa 39e édition, l’émir du Qatar n’a pas daigné se rendre sur place. La crise entre Doha et Riyad paraît de plus en plus irréversible et le petit émirat semble tenir sa revanche face à son puissant voisin.
Depuis la crise régionale de juin 2017, lors de laquelle l’Arabie saoudite et ses alliés ont imposé un blocus au Qatar, la situation diplomatique ne s’est pas améliorée entre les pays du Golfe. Ce lundi 10 décembre, en clôture du 39e Conseil de Coopération du Golfe (CCG), aucune mention n’a été faite de la crise interne qui oppose certains de ses membres au Qatar. Pour rappel, le CCG est composé de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, de Bahreïn, du Koweït, d’Oman et du Qatar. Et les trois premiers nommés, accompagnés de l’Égypte, ont déclaré depuis près d’un an et demi une véritable guerre politique et diplomatique à leur richissime voisin qatari. Une guerre bien loin de s’atténuer, comme l’illustrent les derniers évènements.
Alors que l’Arabie saoudite est fortement critiquée depuis le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi et pour sa gestion de la guerre au Yémen, le Qatar, qui a tenu bon malgré un sévère blocus, se venge. En effet, après l’annonce de son retrait de l’OPEP le 3 décembre dernier, Doha n’a envoyé que le numéro deux de sa diplomatie au CCG, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Sultan al-Merrikhi. Une décision de l’émir Tamim ben Hamad Al Thani, souverain du Qatar qui n’a pas plu à l’obligé de Riyad. En effet, le ministre des Affaires étrangères du Bahreïn, Khalid Ben Ahmed Al-Khalifa, a publiquement critiqué Doha:
«Le Qatar aurait dû accepter les demandes justes et être au sommet»
De manière plus explicite, le représentant du pouvoir bahreïnien, qui a été sauvé d’une révolution de Printemps par Riyad et ses alliés, dénonce le nouveau coup de semonce de Doha. Cette absence «royale» a en effet pour but de discréditer une entité tenue par l’Arabie saoudite. Une institution qui tarde à faire ses preuves —alors qu’elle a été créée en 1981- et dont la puissance militaire reste faible, malgré l’intervention à Bahreïn en 2011. La raison? Les divergences stratégiques et politiques entre membres.
Riyad domine donc cette organisation et Doha compte bien l’affaiblir. Ainsi, alors que la crise s’éternise, l’Émir Al Thani a préféré ignorer la main tendue par Riyad, un geste permettant de spéculer sur un retrait de la CCG et donc sur l’éclatement de l’organisation dont les membres ont des aspirations trop hétéroclites. En effet, alors que l’Arabie saoudite essaye d’imposer son leadership et ses visions géopolitiques au reste du groupe, si les Émirats et Bahreïn suivent, le Qatar s’est émancipé et le Koweït, tout comme Oman, jouent les équilibristes et tentent des arbitrages sans trop prendre parti.
Mais alors que cette crise aurait dû être le cœur des discussions de ce sommet annuel, elle a été totalement ignorée. La déclaration finale et son appel «à préserver la puissance, l’unité et la force du CCG» ne manque pas d’ironie. Doha s’est donc plaint de ce communiqué final et a appelé ses «collaborateurs» à «s’attaquer aux vrais problèmes du CCG».
S’il sera intéressant de suivre la possible réaction de l’Arabie saoudite devant un tel affront, il convient de préciser qu’après avoir été mis au ban de la communauté internationale par Riyad, Doha surfe sur la situation critique où se trouve actuellement le pouvoir saoudien et surtout son prince héritier, Mohammed ben Salmane. En effet, le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi continue de faire des vagues, notamment aux États-Unis et les terribles conditions humanitaires au Yémen n’ont jamais été autant au cœur de l’actualité.
La rencontre actuelle en Suède entre belligérants locaux n’a d’ailleurs été possible que grâce à l’aval de Riyad, très probablement à cause de la pression croissante qu’elle subit.
Mais en plus de la fragilité de CCG, l’Arabie saoudite a éprouvé une nouvelle déconvenue. En effet, son ennemi qatari a annoncé le 3 décembre dernier qu’il quitterait l’OPEP le 1er janvier prochain.
Si Doha entend par cette décision renforcer sa position d’acteur géoéconomique sur le marché pétrolier mondial, elle défie une nouvelle fois l’autorité de Riyad, qui domine le cartel de l’OPEP.
La crise entre les pays de la Péninsule arabique est donc très profonde. Et si elle risque de perdurer, elle semble dans l’immédiat se limiter à un face-à-face entre l’Arabie saoudite et ses affidés d’une part et le Qatar; le Koweït et Oman ont jusqu’à présent réussi à ne pas choisir de camp.
En effet, le Qatar est encore le seul pays à se dresser face à son puissant voisin. En revanche, cette contestation semble plaire aux ennemis de Riyad, puisqu’Ankara et Téhéran pourraient former une véritable alliance avec Doha pour nuire à leur rival de plus en plus contesté au Proche et au Moyen-Orient.
Avec sputnik