Monsieur le Directeur Général, veuillez-vous présenter aux lecteurs du Magazine PME PMI.
Je suis Dominique Kakou. Depuis le 22 août 2011, je suis le Directeur Général de la Compagnie Ivoirienne d’Electricité. Je suis diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Travaux Publics en 1982 et du CESAG (Centre Africain d’Etudes Supérieures en Gestion) en 1990. En juin 1982, j’ai commencé ma carrière comme fonctionnaire au Ministère des Travaux Publics, de la Construction et de l’Urbanisme, précisément à la Direction de l’Eau où j’ai occupé plusieurs postes de responsabilités. En octobre 1995, Monsieur Marcel ZadiKessy m’a demandé de m’occuper du suivi de la convention de concession pour le compte de la SODECI. En octobre 1998, j’ai intégré la Société Internationale de Gestion, d’Etudes et de Conseil où j’étais chargé de la consolidation des reportings de gestion des filiales du groupe Bouygues en Afrique et dans l’océan indien, de la conception et de l’élaboration du plan calcul pour la détermination de la rémunération de la CIE et de l’évaluation de la comptabilité analytique des filiales et autres sociétés intégrées au périmètre. En février 2001, j’ai été nommé Directeur Adjoint, puis Directeur du Budget et Contrôle de Gestion de la CIE. En juin 2008, je suis devenu Directeur Général Adjoint, en charge du pôle Administration, Gestion et Finance. Et comme je le mentionnais d’entrée, le conseil d’administration, réuni en session extraordinaire à Paris le 22 août 2011, a décidé de me confier la responsabilité de l’entreprise, en me nommant Directeur Général.
Sur le plan matrimonial, je suis marié et père de trois enfants.
Si l’on vous demandait de présenter succinctement la Compagnie Ivoirienne d’Electricité (CIE) que diriez-vous ?
La Compagnie Ivoirienne d’Electricité est née en 1990. Elle est liée à l’Etat de Côte-d’Ivoire par une convention de concession de type affermage. A travers cette convention, la CIE détient la responsabilité exclusive de l’exploitation des systèmes de transport et de distribution de l’énergie électrique en Côte d’Ivoire. Elle a également en charge l’exploitation des 6 barrages hydroélectriques du pays, d’une centrale thermique à gaz, ainsi que de plus de soixante petites centrales thermiques disséminées sur l’ensemble du territoire national en zone rurale.
La CIE exploite un parc hydroélectrique comprenant 5 sites (6 barrages) pour une puissance installée de 600 MW (environ 1800 GWh/an), une centrale thermique de 100 MW (4 turbines à combustion), 66 centrales isolées et un réseau de transport et de distribution de plus de 41 800 Km.
La CIE, malgré un contexte difficile en Côte d’Ivoire depuis l’année 2000, a su maintenir les performances essentielles notamment en matière de fourniture et de continuité de service.
Aujourd’hui, la CIE gère 1,2 million de clients. Elle réfléchit sans cesse pour innover et faciliter le quotidien de ses clients. C’est ainsi qu’a été développé et déployé le concept du « prépaiement » auprès de plus de 100 000 clients. Elle met également à la disposition de sa clientèle des moyens modernes (téléphonie mobile) de paiement et des réseaux de revendeurs adaptés en zone urbaine et rurales.
Décidée à se développer, tout en s’inscrivant dans le processus de développement durable, la CIE s’est engagée dans la démarche Qualité Sécurité Environnement (QSE) et la responsabilité sociétale. Aujourd’hui, la centrale de production thermique et l’ensemble du périmètre hydroélectrique de la CIE sont certifiés Qualité Sécurité Environnement ISO 9001, OHSAS 18001, ISO 14001. Demain, nous irons plus loin, avec l’ensemble des structures certifiées.
La CIE assure la gestion des mouvements d’énergie au plan national et régional pour plus de 7000 GWh/an à travers un dispatching. C’est une entreprise qui est consciente de ses responsabilités régionales et qui entend jouer pleinement sa partition dans l’ambition de notre pays à devenir le hub énergétique en Afrique de l’ouest. La CIE a su ainsi faire valoir son expertise en Afrique de l’Ouest en exportant et en gérant des contrats d’achat/vente d’électricité au Ghana, Togo, Benin, Burkina Faso, Mali pour le compte de l’Etat de Côte d’Ivoire.
La CIE est une société privée, filiale du Groupe FINAGESTION
A votre prise de fonction, quel était l’état des lieux ?
A ma prise de fonction, le 22 août 2011 en tant que Directeur Général, la CIE devait faire face aux graves dommages qu’elle a subis durant la crise postélectorale de 2011. A la sortie de cette crise, la CIE avait perdu plus de 200 véhicules volés ou détruits ; certaines de nos agences commerciales avaient été saccagées et beaucoup d’outillage d’exploitation avaient été volés, soit un préjudice estimé à plus de 5 milliards de F CFA en valeur de remplacement. Le processus de facturation et de recouvrement (relève, facturation, distribution des factures) à Abidjan, après voir connu plusieurs mois d’arrêt à cause des risques encourus par nos collaborateurs, devait être repris le plus rapidement malgré des moyens d’exploitation insuffisants du fait des vols et autres saccages que nous avons subis. C’est donc dans une situation difficile de reprise d’activité après la crise postélectorale de 2011 que j’ai pris mes fonctions.
Cela dit, j’ai trouvé en place une entreprise bâtie sur des fondements solides, des collaborateurs auxquels le Président Zadi a donné une véritable culture du travail maintenue et entretenue par mes prédécesseurs.
Quel bilan faites-vous de votre gestion depuis votre arrivée à la tête de la CIE ?
1- Normalisation du recouvrement des factures dans le district d’Abidjan
Le premier défi auquel j’ai dû faire face était la normalisation du recouvrement des factures dans le district d’Abidjan. La fermeture des banques lors de la crise, n’avait pas permis à beaucoup de nos clients de s’acquitter de leurs factures. L’impact sur la trésorerie de la CIE avoisinant les 20 milliards de F CFA, il fallait absolument retrouver des niveaux de recouvrement acceptables. Au même moment, il fallait mobiliser des ressources financières importantes pour investir massivement dans le renouvellement des moyens d’exploitation qui avaient été volés ou détruits. Grâce à la mobilisation de toute l’entreprise, un plan d’actions a été élaboré avec la mise en place de facilités de paiement pour les clients qui avaient accumulé plusieurs factures impayées et la suspension des pénalités de retard pendant 3 mois. A fin décembre 2011, 90% des arriérés avaient été recouvrés, les 10% restants l’ayant été sur le premier semestre 2012. Sur ce premier point, le bilan est donc positif: en moins de 4 mois la situation a été normalisée.
2- Redressement du ratio de facturation et la fraude sur l’électricité
Le deuxième défi, sur lequel j’ai mobilisé toute la CIE, est celui du redressement du ratio de facturation, qui est le rapport entre l’énergie électrique qui est facturée et celle que nous livrons aux clients. Depuis 2002, nous constatons un développement important de la fraude sur l’électricité. La fraude prend la forme notamment de raccordements directs sur le réseau électrique le plus souvent dans les quartiers périurbains et de manipulations sur le tableau de comptage. Après plusieurs années où ce phénomène avait été contenu, la fraude a pris des proportions inquiétantes en 2011 à la faveur de la crise qui n’a pas permis à la CIE de faire ses contrôles. Le ratio de facturation a chuté de près de 4,6 points à 72,9% au cours de cette seule année. Une stratégie de lutte contre la fraude, mobilisant d’importantes ressources matérielles, humaines et financières a été définie dès 2012. A fin 2012, nous étions remontés à 76,4% soit une progression de 3,5 points en douze mois. La tendance a été inversée même si cela reste insuffisant. Pour 2013, nous visons un objectif de 80% avec la poursuite et le renforcement de nos actions menées depuis 2012.
A ce sujet, je tiens à dire notre détermination à lutter contre ce fléau. La fraude prive le secteur de l’électricité d’importantes ressources qui permettraient de combler en partie les importants retards d’investissements, de renouvellements et de renforcements des réseaux qui ont pour conséquence notamment une forte dégradation de la qualité de la fourniture durant la saison sèche ou la demande est plus forte.
3- Redéploiement de la CIE dans les ex-zones dites CNO (Centre, Nord et Ouest)
En plus de ces deux défis qu’il fallait absolument relever pour assurer la pérennité de l’entreprise, il a fallu opérer le redéploiement dans les zones dites CNO qui correspondent a peu près aux Directions Régionales de la CIE Centre, Nord et Ouest. Après l’éclatement de la crise de 2002, une grande partie des équipes techniques et commerciales ont été redéployées dans le Sud. Je tiens à rappeler que la CIE n’a voulu licencier aucun de ses collaborateurs pour des raisons économiques liées à la crise, et a maintenu ses activités durant toute la période de 2002 à 2011 afin d’assurer l’accès des populations à l’électricité et empêcher ainsi une grave crise sanitaire. Cela n’a pas été facile notamment durant les périodes les plus critiques, mais nous sommes fiers d’avoir assuré notre mission de service public durant toute cette période et d’avoir ainsi contribuer à protéger des vies humaines et à sauvegarder les réseaux électriques dans ces régions de notre pays parce que sans alimentation électrique, ces réseaux auraient été sans aucun doute détériorés ou emportés. Dès la fin de la crise et sans attendre le redéploiement de l’administration, nous avons procédé au recrutement et à la formation de nouveaux collaborateurs pour renforcer les effectifs dans ces régions. Nous avons par ailleurs remis en état nos bases techniques à Man et à Bouaké pour redéployer les services techniques chargés de la maintenance des réseaux de transport et des réseaux moyenne tension, rééquipé en moyens d’exploitation ces services techniques, renforcé les opérations de maintenance. Je peux dire aujourd’hui que le redéploiement de toutes nos activités en zone CNO est effectif. Les résultats techniques et commerciaux sont encourageants, le ratio de facturation et le taux de recouvrement ont fortement progressé et nous devrions bientôt avoir des niveaux de résultats similaires à ceux des Directions Régionales de l’Intérieur hors les régions CNO, à part l’Ouest où nous rencontrons encore des difficultés.
Malgré ces résultats qui semblent satisfaisants, beaucoup reste encore à faire.
En effet, notre ambition c’est d’être le leader en Afrique en matière de distribution et de commercialisation d’énergie l’électricité, une référence dans le domaine de la Production et du Transport d’énergie. Nous sommes aujourd’hui effectivement reconnus par nos paires comme étant une référence réelle, à ce titre nous recevons beaucoup de délégations de sociétés d’électricité de la sous région avec qui nous partageons notre expérience. Mais nous ne nous satisfaisons pas de nos résultats. Nous avons conscience de pouvoir mieux faire. C’est pour cela que nous avons lancé le processus de certification Qualité Sécurité Environnement de nos métiers du Transport et de la Distribution après avoir obtenu la certification de nos activités de Production d’électricité en 2012. Ce label de qualité reconnu internationalement sera un gage du professionnalisme de la CIE et nous permettra de progresser encore et d’améliorer nos performances.
La SOGEPE (Société de Gestion du Patrimoine du secteur de l’Electricité), l’Autorité Nationale de Régulation de l’Electricité (l’ANARE), la SOPIE (société d’opération ivoirienne d’électricité) sont autant de structures opérant dans votre secteur. Quels sont vos rapports avec elles ?
Le service public de l’électricité est la prérogative de l’Etat qui contrôle le système à travers deux ministères: le Ministère du Pétrole et de l’Energie et le Ministère de l’Economie et des Finances. La tutelle ‘’opérationnelle’’ du secteur de l’énergie est assurée par le Ministère du Pétrole et de l’Energie aidé dans sa tâche par ses démembrements. Ce sont : la Direction Générale de l’Energie (DGE), la Société des Energies de Côte d’Ivoire (CI-ENERGIES) qui a repris en 2012 les activités de SOGEPE et SOPIE dissoutes et l’Autorité Nationale de Régulation de l’Electricité (ANARE). L’Etat est le propriétaire des infrastructures (barrages hydroélectriques, réseaux électriques…). Dans le fonctionnement du système électrique ivoirien, l’Etat, à travers toutes ces structures est chargé de: Définir la politique énergétique nationale; planifier les investissements ; réaliser les investissements pour accroître les ouvrages de production (construction des barrages hydroélectriques, centrales thermiques, etc.); réaliser les investissements pour renforcer le réseau de Transport et de Distribution de l’énergie électrique (construction de lignes de Transport d’énergie, de postes de Transport et de Distribution d’énergie, etc.) ; renouveler les équipements du patrimoine (barrages, postes et lignes électriques, etc.) ; décider de la politique de l’électrification rurale ; fixer le tarif de l’électricité.
La CIE dans l’exécution de sa mission principale qui est de fournir aux clients une électricité et un service de qualité dans le cadre de la délégation reçue de l’Etat est en relation au quotidien avec les structures spécialisées de l’Etat (DGE, CI-ENERGIES et ANARE). La CIE joue, par ailleurs, un rôle de conseiller technique concernant le secteur auprès de l’Etat. Elle informe en permanence l’Etat de Côte d’Ivoire sur les difficultés de l’exploitation du système électrique et propose des solutions pour son adaptation à l’évolution des besoins en énergie électrique.
La CIE est également en relation permanente avec d’autres acteurs privés dans le secteur que sont les producteurs indépendants d’électricité (CIPREL, AZITO, AGGREKO) et les producteurs de gaz naturel (AFREN, FROXTROT, CNR).
La question du délestage est une préoccupation de la population Ivoirienne quelle sont les dispositions que vous prenez pour que cela soit un vieux souvenir ?
Oui, il y aurait beaucoup à dire sur le sujet mais nous allons aller à l’essentiel pour ne pas submerger vos lecteurs avec trop de détails techniques. Tout d’abord, il est bon de rappeler qu’au stade actuel de l’évolution technologique de l’industrie électrique, l’électricité n’est pas stockable en grande quantité. C’est donc une production « juste à temps » qu’il faut réaliser 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Ainsi, à l’instant où un client allume une ampoule électrique ou un climatiseur, le besoin supplémentaire doit être immédiatement disponible à partir d’une centrale de production qui peut être à plusieurs centaines de kilomètres de là. La cause des délestages résulte donc essentiellement de l’inadéquation à un moment donné des infrastructures électriques pour satisfaire la demande. La crise énergétique que nous avons vécue en 2010 avec des délestages importants était due à une insuffisance de l’offre de production ; cependant les insuffisances de capacité au niveau des réseaux de transport et de distribution d’électricité peuvent également conduire à des délestages de consommation.
Comme je vous l’ai déjà indiqué, la planification du système électrique à moyen et long terme pour satisfaire la demande en électricité est de la responsabilité de l’Etat de Côte d’Ivoire. Ainsi, afin de résorber l’important déficit d’investissements accumulé ces dix (10) voire douze (12) dernières années et faire en sorte que les populations bénéficient d’une électricité en quantité et en qualité suffisantes, l’Etat de Côte d’Ivoire a engagé un vaste programme de renforcement des capacités de production, de transport et de distribution. Pour réaliser ces objectifs, une mobilisation de ressources financières importantes s’impose. La CIE accompagne l’Etat dans cette démarche et est prête à y contribuer. Dans cette perspective, elle a proposé à l’Etat une offre destinée à financer un programme d’investissements ciblés à réaliser sur une durée de 3 à 4 ans.
Et pourtant la CIE Produit l’électricité pour le Benin, le Burkina Faso, le Ghana, le Togo etc., comment comprendre alors le délestage en Côte d’Ivoire ?
C’est également une question récurrente et je voudrais rassurer les populations sur ce point. La politique menée au niveau du secteur de l’électricité a toujours été de satisfaire la demande domestique en priorité. Ce n’est que la marge excédentaire de la production qui est exportée vers les pays de la sous-région avec lesquels nous avons des interconnexions.
Quelles sont les grandes innovations apportées par la CIE ces dernières années ?
C’est d’abord le compteur à prépaiement, qui permet, à l’instar de la téléphonie mobile, de pouvoir acheter la quantité d’énergie que l’on souhaite. Il permet de mieux maîtriser ses consommations d’électricité et de payer au fur et à mesure ses consommations, ce qui répond aux problèmes rencontrés par nos clients lorsqu’ils doivent payer deux mois de consommation en une seule fois. Nous avons déployé depuis 2005 plus de 100 000 compteurs soit sur un peu plus de 8% de nos clients. Nous avons développé un réseau de revente permettant l’achat 24h/24 des recharges, et on peut dire que l’expérience est très positive. Nous allons poursuivre le déploiement de ce type de compteurs adaptés pour les zones rurales et les petits consommateurs en zones urbaines. Le déploiement devrait être favorisé par la mise en place d’un tarif spécifique linéaire plus compréhensible pour le client.
Ensuite, c’est la mise à disposition de nouveaux moyens de paiement pour nos clients pour leurs factures. Depuis 2011, avec nos partenaires Orange et la BIAO, nous offrons la possibilité de payer les factures de la CIE soit par le service Orange Money soit aux guichets des agences ou des DAB de la BIAO. Cette innovation connaît un véritable succès. Après moins d’un an de déploiement généralisé, nous sommes à plus de 12% des encaissements de notre chiffre d’affaires auprès de nos clients domestiques et professionnels qui passent par ce canal. Ce mode de paiement sera généralisé dans dix mois avec tous les partenaires qui voudraient nous faire des propositions dans ce sens conformément à notre cahier des charges.
Nous étudions actuellement toutes les possibilités qu’offre la technologie dans les domaines des smart grid (réseau intelligent) qui permettent d’intégrer des systèmes de télésignalisation et de télégestion sur les réseaux favorisant une réactivité accrue et un contrôle renforcé de l’exploitation du système électrique. Un partenariat a été récemment signé avec Bouygues Energies et Services, qui a la charge de la gestion de l’éclairage publique de la ville de Paris, et qui est un leader dans ce domaine, pour nous appuyer dans la mise en place de la télésignalisation sur les réseaux d’éclairage public d’Abidjan. Cela devrait nous permettre d’accroître nos performances en matière de gestion des réseaux, de réduire les consommations de l’Etat.
Beaucoup de familles qui bénéficiaient du tarif modéré domestique ont été basculées au tarif général domestique. Pourquoi ces mutations ?
Permettez-moi de rappeler que le tarif domestique modéré cinq (5) Ampères est un tarif social. Il est accordé à l’abonné économiquement faible pour répondre à ses besoins d’électricité domestique de base : éclairage, télévision, radio.
Ce tarif est subventionné contrairement aux autres tarifs domestiques. En effet, d’une part l’Etat renonce à la TVA sur la prime fixe et sur les consommations de la première tranche de 80 kWh/bimestre et d’autre part, cette première tranche est facturée à peu près à la moitié de la première tranche du tarif domestique général (10A).
Après quinze (15) ans d’application de cette mesure sociale, la situation a fortement évolué et les consommations d’une frange importante de ces abonnés ont atteint un niveau sortant du cadre social initialement défini.
Bien que ce tarif social soit réservé aux abonnés dont la consommation est limitée à 80 kWh par facture, l’Etat a toléré que les abonnés qui consomment jusqu’à 200 kWh par bimestre bénéficient toujours de cette faveur. A fin décembre 2012, la proportion des abonnés dont la consommation dépassait les 80kWh était de 70% dont 32% dépassaient le seuil de tolérance de 200 kWh avec une consommation moyenne de plus de 350 kWh par facture.
Vous conviendrez avec moi dans ces conditions que ces abonnés, répartis sur l’ensemble du territoire, bénéficient injustement d’un tarif social institué et subventionné par l’Etat au profit des couches sociales, économiquement faibles.
C’est pourquoi le Gouvernement a pris l’arrêté interministériel n°570/MMPE/MEF du 20 Décembre 2012 pour repréciser les conditions d’accès pour bénéficier du tarif domestique modéré 5A.
En application de cette mesure et depuis le 1er janvier 2013, les abonnés du Tarif domestique modéré 5A dont la consommation moyenne sur les 3 derniers bimestres est supérieure à 200 kWh, sont désormais basculés au Tarif Domestique Général 5A.
Toutefois, il convient de rappeler que le tarif domestique modéré 5A n’est pas supprimé et demeure en vigueur pour les couches sociales économiquement faibles et dont la consommation est inférieure à 200 kWh par facture. Environ 50% des clients domestiques (soit environ 600.000) continuent d’en bénéficier.
Monsieur le Directeur Général, les populations se plaignent de la hausse des factures d’électricité, qu’en est-il réellement ?
La variation du prix nominal de l’électricité sur les dix dernières années a été faible (10%) pour les abonnés au tarif domestique général (10A et plus) tandis que les abonnés au tarif domestique modéré 5A n’ont connu aucune modification de tarif.
La dernière hausse du prix de l’électricité pour les ménages date de 2008. Depuis cette date, le Gouvernement n’a procédé à aucune augmentation des tarifs de l’électricité jusqu’en avril 2012 où il y a eu une hausse qui elle ne concernait uniquement que les abonnés industriels. Les ménages n’ont pas été touchés pour justement préserver leur pouvoir d’achat.
C’est un effort exceptionnel que le Gouvernement fait en faveur des populations car depuis 2005, le secteur de l’électricité subit de plein fouet l’envolée des prix du pétrole sur le marché international qui détermine le prix du gaz naturel utilisé pour la production de l’électricité (environ 73% de la production d’électricité est de source thermique). Ce qui a engendré un déficit de plus de 50 milliards FCFA par an que le Gouvernement a pris en charge.
Ceci dit, la facture d’un abonné peut effectivement augmenter parce que simplement sa consommation a augmenté. Vous voyez, les modes de vie changent. Les populations utilisent de plus en plus d’équipements électriques dont les prix d’acquisition ont fortement baissé ces dernières années. En outre, les mouvements de populations occasionnés par les différentes crises ont modifié la taille des ménages urbains, accroissant de ce fait leur consommation d’électricité.
Malgré tout, les tarifs de l’électricité en Côte d’Ivoire demeurent largement en dessous de ceux de la plupart des pays de la sous-région avec une qualité de service bien meilleure.
Quels sont les grands projets de la CIE ?
La CIE est une entreprise à l’écoute de ses clients. Cette écoute a permis à la compagnie d’apporter des innovations évoquées tout à l’heure, pour une meilleure qualité de service.
A côté de ces innovations, la CIE entend aller plus loin pour contribuer à permettre au Gouvernement de favoriser l’accès au plus grand nombre aux services de l’électricité.
Vous voyez, dans nos villages et même en ville, l’Etat essaie d’améliorer les conditions de vie des populations en procédant à des extensions du réseau pour leur apporter l’électricité. Mais, le constat amère que l’on peut faire c’est que les populations couvertes par ces extensions de réseau peinent à bénéficier des services d’électricité, à cause des conditions techniques (notamment la question de l’attestation de conformité des installations intérieures) mais également du coût et des modalités de paiement du branchement de leur maison.
La CIE envisage, en collaboration avec toutes les parties prenantes sensibles à ce sujet, de proposer à l’Etat un programme visant à faciliter les conditions de branchement aux populations. Ce programme qui est à l’étude, devrait permettre, dans une 1ère phase, de porter le nombre de ménages abonnés de 1 200 000 actuellement à 2 000 000 à l’horizon 2020.
Ce programme consistera à accorder des facilités aux populations de telle sorte que dans un village, avec un prix modique, les populations pourront avoir l’électricité chez elles à la maison.
Quels sont vos efforts pour satisfaire les besoins des consommateurs ?
En plus des innovations introduites pour faciliter le paiement des factures, nous avons porté nos efforts sur la maintenance. En effet les retards dans les investissements de renouvellement, de renforcement et d’extension des réseaux notamment à Abidjan couplés à la forte croissance des consommations engendrent de plus en plus d’interruption dans la fourniture de l’électricité dans les quartiers. En attendant la réalisation des investissements par l’Etat, nous avons renforcé les moyens des services de dépannage pour atténuer autant que possible les perturbations causées aux clients. C’est ainsi que depuis la fin 2012, nous avons revu notre organisation du dépannage et nos meilleurs techniciens ont été dédiés à ce service. Ils ont bénéficié d’une formation renforcée et de nouveaux moyens avec la création de cinq (5) nouvelles équipes de dépannage portant à dix-neuf (19) le nombre total d’équipes actives par jour, animées par soixante dix (70) agents.
Nous avons aussi mis un accent sur l’éclairage public qui souffre d’actes réguliers et répréhensibles de vandalisme et de vols. Parallèlement aux importants programmes d’investissements de l’Etat et des Bailleurs de Fonds sur les réseaux d’éclairage public, la CIE a renforcé les moyens d’exploitation pour améliorer son efficacité. Un accent tout particulier a été mis sur les grands axes d’Abidjan, avec une reprise notamment de la peinture des candélabres. L’éclairage public fait partie des installations urbaines d’une ville qui lui permettent de se mettre en valeur. La CIE veut participer au renouveau d’Abidjan avec les grands chantiers qui sont actuellement en cours.
Du côté de nos agences, nous avons entrepris depuis 2012 le relooking de nos agences dans la ville d’Abidjan dans un premier temps, afin d’améliorer l’accueil de nos clients. Le programme devrait s’achever d’ici fin octobre 2013 pour la partie façade, pré-accueil et les caisses. L’espace accueil réservé aux demandes d’informations, demandes de branchements et d’abonnements sera quant à lui relooké en 2014. Nous attachons une importance particulière à ce que nos clients se sentent bien dans nos agences commerciales et nous allons renforcer la formation des équipes commerciales dans l’écoute et le traitement des demandes et des réclamations de nos clients.
Quel est votre message à l’endroit de la population?
Je voudrais rappeler à la population que depuis 23 ans, la CIE a toujours été à leurs côtés, dans les meilleurs moments comme dans les moments les plus difficiles, pour améliorer leur confort et leur bien-être. La CIE a joué un rôle particulièrement important dans le processus du retour de la paix dans notre pays en s’efforçant de maintenir ses activités, malgré les conditions sécuritaires quelquefois limites, dans toutes les régions de la Côte d’Ivoire même au plus fort de la crise. Nous nous donnons les moyens d’être réactifs à travers des équipes mobilisées 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Comme vous le savez, notre slogan est : « la CIE dans le courant de votre vie », car nous savons l’importance de l’électricité dans la vie quotidienne de la population en général et de nos clients en particulier. Je voudrais donc que la population soit assurée que tout le personnel de la CIE est totalement mobilisé, que ce soit dans les villes ou dans les villages, pour leur fournir une électricité et des services de qualité. Ceci va s’améliorer chaque jour davantage.
Mais je voudrais aussi appeler la population à soutenir la CIE qui est leur entreprise, dans sa lutte contre la fraude, les branchements anarchiques, les vols des câbles, tous ces actes répréhensibles qui perturbent gravement l’alimentation des quartiers et fragilise le secteur de l’électricité.
Interview réalisée par
Maxwell
Monsieur le Directeur Général, veuillez-vous présenter aux lecteurs du Magazine PME PMI.
Je suis Dominique Kakou. Depuis le 22 août 2011, je suis le Directeur Général de la Compagnie Ivoirienne d’Electricité. Je suis diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Travaux Publics en 1982 et du CESAG (Centre Africain d’Etudes Supérieures en Gestion) en 1990. En juin 1982, j’ai commencé ma carrière comme fonctionnaire au Ministère des Travaux Publics, de la Construction et de l’Urbanisme, précisément à la Direction de l’Eau où j’ai occupé plusieurs postes de responsabilités. En octobre 1995, Monsieur Marcel ZadiKessy m’a demandé de m’occuper du suivi de la convention de concession pour le compte de la SODECI. En octobre 1998, j’ai intégré la Société Internationale de Gestion, d’Etudes et de Conseil où j’étais chargé de la consolidation des reportings de gestion des filiales du groupe Bouygues en Afrique et dans l’océan indien, de la conception et de l’élaboration du plan calcul pour la détermination de la rémunération de la CIE et de l’évaluation de la comptabilité analytique des filiales et autres sociétés intégrées au périmètre. En février 2001, j’ai été nommé Directeur Adjoint, puis Directeur du Budget et Contrôle de Gestion de la CIE. En juin 2008, je suis devenu Directeur Général Adjoint, en charge du pôle Administration, Gestion et Finance. Et comme je le mentionnais d’entrée, le conseil d’administration, réuni en session extraordinaire à Paris le 22 août 2011, a décidé de me confier la responsabilité de l’entreprise, en me nommant Directeur Général.
Sur le plan matrimonial, je suis marié et père de trois enfants.
Si l’on vous demandait de présenter succinctement la Compagnie Ivoirienne d’Electricité (CIE) que diriez-vous ?
La Compagnie Ivoirienne d’Electricité est née en 1990. Elle est liée à l’Etat de Côte-d’Ivoire par une convention de concession de type affermage. A travers cette convention, la CIE détient la responsabilité exclusive de l’exploitation des systèmes de transport et de distribution de l’énergie électrique en Côte d’Ivoire. Elle a également en charge l’exploitation des 6 barrages hydroélectriques du pays, d’une centrale thermique à gaz, ainsi que de plus de soixante petites centrales thermiques disséminées sur l’ensemble du territoire national en zone rurale.
La CIE exploite un parc hydroélectrique comprenant 5 sites (6 barrages) pour une puissance installée de 600 MW (environ 1800 GWh/an), une centrale thermique de 100 MW (4 turbines à combustion), 66 centrales isolées et un réseau de transport et de distribution de plus de 41 800 Km.
La CIE, malgré un contexte difficile en Côte d’Ivoire depuis l’année 2000, a su maintenir les performances essentielles notamment en matière de fourniture et de continuité de service.
Aujourd’hui, la CIE gère 1,2 million de clients. Elle réfléchit sans cesse pour innover et faciliter le quotidien de ses clients. C’est ainsi qu’a été développé et déployé le concept du « prépaiement » auprès de plus de 100 000 clients. Elle met également à la disposition de sa clientèle des moyens modernes (téléphonie mobile) de paiement et des réseaux de revendeurs adaptés en zone urbaine et rurales.
Décidée à se développer, tout en s’inscrivant dans le processus de développement durable, la CIE s’est engagée dans la démarche Qualité Sécurité Environnement (QSE) et la responsabilité sociétale. Aujourd’hui, la centrale de production thermique et l’ensemble du périmètre hydroélectrique de la CIE sont certifiés Qualité Sécurité Environnement ISO 9001, OHSAS 18001, ISO 14001. Demain, nous irons plus loin, avec l’ensemble des structures certifiées.
La CIE assure la gestion des mouvements d’énergie au plan national et régional pour plus de 7000 GWh/an à travers un dispatching. C’est une entreprise qui est consciente de ses responsabilités régionales et qui entend jouer pleinement sa partition dans l’ambition de notre pays à devenir le hub énergétique en Afrique de l’ouest. La CIE a su ainsi faire valoir son expertise en Afrique de l’Ouest en exportant et en gérant des contrats d’achat/vente d’électricité au Ghana, Togo, Benin, Burkina Faso, Mali pour le compte de l’Etat de Côte d’Ivoire.
La CIE est une société privée, filiale du Groupe FINAGESTION
A votre prise de fonction, quel était l’état des lieux ?
A ma prise de fonction, le 22 août 2011 en tant que Directeur Général, la CIE devait faire face aux graves dommages qu’elle a subis durant la crise postélectorale de 2011. A la sortie de cette crise, la CIE avait perdu plus de 200 véhicules volés ou détruits ; certaines de nos agences commerciales avaient été saccagées et beaucoup d’outillage d’exploitation avaient été volés, soit un préjudice estimé à plus de 5 milliards de F CFA en valeur de remplacement. Le processus de facturation et de recouvrement (relève, facturation, distribution des factures) à Abidjan, après voir connu plusieurs mois d’arrêt à cause des risques encourus par nos collaborateurs, devait être repris le plus rapidement malgré des moyens d’exploitation insuffisants du fait des vols et autres saccages que nous avons subis. C’est donc dans une situation difficile de reprise d’activité après la crise postélectorale de 2011 que j’ai pris mes fonctions.
Cela dit, j’ai trouvé en place une entreprise bâtie sur des fondements solides, des collaborateurs auxquels le Président Zadi a donné une véritable culture du travail maintenue et entretenue par mes prédécesseurs.
Quel bilan faites-vous de votre gestion depuis votre arrivée à la tête de la CIE ?
1- Normalisation du recouvrement des factures dans le district d’Abidjan
Le premier défi auquel j’ai dû faire face était la normalisation du recouvrement des factures dans le district d’Abidjan. La fermeture des banques lors de la crise, n’avait pas permis à beaucoup de nos clients de s’acquitter de leurs factures. L’impact sur la trésorerie de la CIE avoisinant les 20 milliards de F CFA, il fallait absolument retrouver des niveaux de recouvrement acceptables. Au même moment, il fallait mobiliser des ressources financières importantes pour investir massivement dans le renouvellement des moyens d’exploitation qui avaient été volés ou détruits. Grâce à la mobilisation de toute l’entreprise, un plan d’actions a été élaboré avec la mise en place de facilités de paiement pour les clients qui avaient accumulé plusieurs factures impayées et la suspension des pénalités de retard pendant 3 mois. A fin décembre 2011, 90% des arriérés avaient été recouvrés, les 10% restants l’ayant été sur le premier semestre 2012. Sur ce premier point, le bilan est donc positif: en moins de 4 mois la situation a été normalisée.
2- Redressement du ratio de facturation et la fraude sur l’électricité
Le deuxième défi, sur lequel j’ai mobilisé toute la CIE, est celui du redressement du ratio de facturation, qui est le rapport entre l’énergie électrique qui est facturée et celle que nous livrons aux clients. Depuis 2002, nous constatons un développement important de la fraude sur l’électricité. La fraude prend la forme notamment de raccordements directs sur le réseau électrique le plus souvent dans les quartiers périurbains et de manipulations sur le tableau de comptage. Après plusieurs années où ce phénomène avait été contenu, la fraude a pris des proportions inquiétantes en 2011 à la faveur de la crise qui n’a pas permis à la CIE de faire ses contrôles. Le ratio de facturation a chuté de près de 4,6 points à 72,9% au cours de cette seule année. Une stratégie de lutte contre la fraude, mobilisant d’importantes ressources matérielles, humaines et financières a été définie dès 2012. A fin 2012, nous étions remontés à 76,4% soit une progression de 3,5 points en douze mois. La tendance a été inversée même si cela reste insuffisant. Pour 2013, nous visons un objectif de 80% avec la poursuite et le renforcement de nos actions menées depuis 2012.
A ce sujet, je tiens à dire notre détermination à lutter contre ce fléau. La fraude prive le secteur de l’électricité d’importantes ressources qui permettraient de combler en partie les importants retards d’investissements, de renouvellements et de renforcements des réseaux qui ont pour conséquence notamment une forte dégradation de la qualité de la fourniture durant la saison sèche ou la demande est plus forte.
3- Redéploiement de la CIE dans les ex-zones dites CNO (Centre, Nord et Ouest)
En plus de ces deux défis qu’il fallait absolument relever pour assurer la pérennité de l’entreprise, il a fallu opérer le redéploiement dans les zones dites CNO qui correspondent a peu près aux Directions Régionales de la CIE Centre, Nord et Ouest. Après l’éclatement de la crise de 2002, une grande partie des équipes techniques et commerciales ont été redéployées dans le Sud. Je tiens à rappeler que la CIE n’a voulu licencier aucun de ses collaborateurs pour des raisons économiques liées à la crise, et a maintenu ses activités durant toute la période de 2002 à 2011 afin d’assurer l’accès des populations à l’électricité et empêcher ainsi une grave crise sanitaire. Cela n’a pas été facile notamment durant les périodes les plus critiques, mais nous sommes fiers d’avoir assuré notre mission de service public durant toute cette période et d’avoir ainsi contribuer à protéger des vies humaines et à sauvegarder les réseaux électriques dans ces régions de notre pays parce que sans alimentation électrique, ces réseaux auraient été sans aucun doute détériorés ou emportés. Dès la fin de la crise et sans attendre le redéploiement de l’administration, nous avons procédé au recrutement et à la formation de nouveaux collaborateurs pour renforcer les effectifs dans ces régions. Nous avons par ailleurs remis en état nos bases techniques à Man et à Bouaké pour redéployer les services techniques chargés de la maintenance des réseaux de transport et des réseaux moyenne tension, rééquipé en moyens d’exploitation ces services techniques, renforcé les opérations de maintenance. Je peux dire aujourd’hui que le redéploiement de toutes nos activités en zone CNO est effectif. Les résultats techniques et commerciaux sont encourageants, le ratio de facturation et le taux de recouvrement ont fortement progressé et nous devrions bientôt avoir des niveaux de résultats similaires à ceux des Directions Régionales de l’Intérieur hors les régions CNO, à part l’Ouest où nous rencontrons encore des difficultés.
Malgré ces résultats qui semblent satisfaisants, beaucoup reste encore à faire.
En effet, notre ambition c’est d’être le leader en Afrique en matière de distribution et de commercialisation d’énergie l’électricité, une référence dans le domaine de la Production et du Transport d’énergie. Nous sommes aujourd’hui effectivement reconnus par nos paires comme étant une référence réelle, à ce titre nous recevons beaucoup de délégations de sociétés d’électricité de la sous région avec qui nous partageons notre expérience. Mais nous ne nous satisfaisons pas de nos résultats. Nous avons conscience de pouvoir mieux faire. C’est pour cela que nous avons lancé le processus de certification Qualité Sécurité Environnement de nos métiers du Transport et de la Distribution après avoir obtenu la certification de nos activités de Production d’électricité en 2012. Ce label de qualité reconnu internationalement sera un gage du professionnalisme de la CIE et nous permettra de progresser encore et d’améliorer nos performances.
La SOGEPE (Société de Gestion du Patrimoine du secteur de l’Electricité), l’Autorité Nationale de Régulation de l’Electricité (l’ANARE), la SOPIE (société d’opération ivoirienne d’électricité) sont autant de structures opérant dans votre secteur. Quels sont vos rapports avec elles ?
Le service public de l’électricité est la prérogative de l’Etat qui contrôle le système à travers deux ministères: le Ministère du Pétrole et de l’Energie et le Ministère de l’Economie et des Finances. La tutelle ‘’opérationnelle’’ du secteur de l’énergie est assurée par le Ministère du Pétrole et de l’Energie aidé dans sa tâche par ses démembrements. Ce sont : la Direction Générale de l’Energie (DGE), la Société des Energies de Côte d’Ivoire (CI-ENERGIES) qui a repris en 2012 les activités de SOGEPE et SOPIE dissoutes et l’Autorité Nationale de Régulation de l’Electricité (ANARE). L’Etat est le propriétaire des infrastructures (barrages hydroélectriques, réseaux électriques…). Dans le fonctionnement du système électrique ivoirien, l’Etat, à travers toutes ces structures est chargé de: Définir la politique énergétique nationale; planifier les investissements ; réaliser les investissements pour accroître les ouvrages de production (construction des barrages hydroélectriques, centrales thermiques, etc.); réaliser les investissements pour renforcer le réseau de Transport et de Distribution de l’énergie électrique (construction de lignes de Transport d’énergie, de postes de Transport et de Distribution d’énergie, etc.) ; renouveler les équipements du patrimoine (barrages, postes et lignes électriques, etc.) ; décider de la politique de l’électrification rurale ; fixer le tarif de l’électricité.
La CIE dans l’exécution de sa mission principale qui est de fournir aux clients une électricité et un service de qualité dans le cadre de la délégation reçue de l’Etat est en relation au quotidien avec les structures spécialisées de l’Etat (DGE, CI-ENERGIES et ANARE). La CIE joue, par ailleurs, un rôle de conseiller technique concernant le secteur auprès de l’Etat. Elle informe en permanence l’Etat de Côte d’Ivoire sur les difficultés de l’exploitation du système électrique et propose des solutions pour son adaptation à l’évolution des besoins en énergie électrique.
La CIE est également en relation permanente avec d’autres acteurs privés dans le secteur que sont les producteurs indépendants d’électricité (CIPREL, AZITO, AGGREKO) et les producteurs de gaz naturel (AFREN, FROXTROT, CNR).
La question du délestage est une préoccupation de la population Ivoirienne quelle sont les dispositions que vous prenez pour que cela soit un vieux souvenir ?
Oui, il y aurait beaucoup à dire sur le sujet mais nous allons aller à l’essentiel pour ne pas submerger vos lecteurs avec trop de détails techniques. Tout d’abord, il est bon de rappeler qu’au stade actuel de l’évolution technologique de l’industrie électrique, l’électricité n’est pas stockable en grande quantité. C’est donc une production « juste à temps » qu’il faut réaliser 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Ainsi, à l’instant où un client allume une ampoule électrique ou un climatiseur, le besoin supplémentaire doit être immédiatement disponible à partir d’une centrale de production qui peut être à plusieurs centaines de kilomètres de là. La cause des délestages résulte donc essentiellement de l’inadéquation à un moment donné des infrastructures électriques pour satisfaire la demande. La crise énergétique que nous avons vécue en 2010 avec des délestages importants était due à une insuffisance de l’offre de production ; cependant les insuffisances de capacité au niveau des réseaux de transport et de distribution d’électricité peuvent également conduire à des délestages de consommation.
Comme je vous l’ai déjà indiqué, la planification du système électrique à moyen et long terme pour satisfaire la demande en électricité est de la responsabilité de l’Etat de Côte d’Ivoire. Ainsi, afin de résorber l’important déficit d’investissements accumulé ces dix (10) voire douze (12) dernières années et faire en sorte que les populations bénéficient d’une électricité en quantité et en qualité suffisantes, l’Etat de Côte d’Ivoire a engagé un vaste programme de renforcement des capacités de production, de transport et de distribution. Pour réaliser ces objectifs, une mobilisation de ressources financières importantes s’impose. La CIE accompagne l’Etat dans cette démarche et est prête à y contribuer. Dans cette perspective, elle a proposé à l’Etat une offre destinée à financer un programme d’investissements ciblés à réaliser sur une durée de 3 à 4 ans.
Et pourtant la CIE Produit l’électricité pour le Benin, le Burkina Faso, le Ghana, le Togo etc., comment comprendre alors le délestage en Côte d’Ivoire ?
C’est également une question récurrente et je voudrais rassurer les populations sur ce point. La politique menée au niveau du secteur de l’électricité a toujours été de satisfaire la demande domestique en priorité. Ce n’est que la marge excédentaire de la production qui est exportée vers les pays de la sous-région avec lesquels nous avons des interconnexions.
Quelles sont les grandes innovations apportées par la CIE ces dernières années ?
C’est d’abord le compteur à prépaiement, qui permet, à l’instar de la téléphonie mobile, de pouvoir acheter la quantité d’énergie que l’on souhaite. Il permet de mieux maîtriser ses consommations d’électricité et de payer au fur et à mesure ses consommations, ce qui répond aux problèmes rencontrés par nos clients lorsqu’ils doivent payer deux mois de consommation en une seule fois. Nous avons déployé depuis 2005 plus de 100 000 compteurs soit sur un peu plus de 8% de nos clients. Nous avons développé un réseau de revente permettant l’achat 24h/24 des recharges, et on peut dire que l’expérience est très positive. Nous allons poursuivre le déploiement de ce type de compteurs adaptés pour les zones rurales et les petits consommateurs en zones urbaines. Le déploiement devrait être favorisé par la mise en place d’un tarif spécifique linéaire plus compréhensible pour le client.
Ensuite, c’est la mise à disposition de nouveaux moyens de paiement pour nos clients pour leurs factures. Depuis 2011, avec nos partenaires Orange et la BIAO, nous offrons la possibilité de payer les factures de la CIE soit par le service Orange Money soit aux guichets des agences ou des DAB de la BIAO. Cette innovation connaît un véritable succès. Après moins d’un an de déploiement généralisé, nous sommes à plus de 12% des encaissements de notre chiffre d’affaires auprès de nos clients domestiques et professionnels qui passent par ce canal. Ce mode de paiement sera généralisé dans dix mois avec tous les partenaires qui voudraient nous faire des propositions dans ce sens conformément à notre cahier des charges.
Nous étudions actuellement toutes les possibilités qu’offre la technologie dans les domaines des smart grid (réseau intelligent) qui permettent d’intégrer des systèmes de télésignalisation et de télégestion sur les réseaux favorisant une réactivité accrue et un contrôle renforcé de l’exploitation du système électrique. Un partenariat a été récemment signé avec Bouygues Energies et Services, qui a la charge de la gestion de l’éclairage publique de la ville de Paris, et qui est un leader dans ce domaine, pour nous appuyer dans la mise en place de la télésignalisation sur les réseaux d’éclairage public d’Abidjan. Cela devrait nous permettre d’accroître nos performances en matière de gestion des réseaux, de réduire les consommations de l’Etat.
Beaucoup de familles qui bénéficiaient du tarif modéré domestique ont été basculées au tarif général domestique. Pourquoi ces mutations ?
Permettez-moi de rappeler que le tarif domestique modéré cinq (5) Ampères est un tarif social. Il est accordé à l’abonné économiquement faible pour répondre à ses besoins d’électricité domestique de base : éclairage, télévision, radio.
Ce tarif est subventionné contrairement aux autres tarifs domestiques. En effet, d’une part l’Etat renonce à la TVA sur la prime fixe et sur les consommations de la première tranche de 80 kWh/bimestre et d’autre part, cette première tranche est facturée à peu près à la moitié de la première tranche du tarif domestique général (10A).
Après quinze (15) ans d’application de cette mesure sociale, la situation a fortement évolué et les consommations d’une frange importante de ces abonnés ont atteint un niveau sortant du cadre social initialement défini.
Bien que ce tarif social soit réservé aux abonnés dont la consommation est limitée à 80 kWh par facture, l’Etat a toléré que les abonnés qui consomment jusqu’à 200 kWh par bimestre bénéficient toujours de cette faveur. A fin décembre 2012, la proportion des abonnés dont la consommation dépassait les 80kWh était de 70% dont 32% dépassaient le seuil de tolérance de 200 kWh avec une consommation moyenne de plus de 350 kWh par facture.
Vous conviendrez avec moi dans ces conditions que ces abonnés, répartis sur l’ensemble du territoire, bénéficient injustement d’un tarif social institué et subventionné par l’Etat au profit des couches sociales, économiquement faibles.
C’est pourquoi le Gouvernement a pris l’arrêté interministériel n°570/MMPE/MEF du 20 Décembre 2012 pour repréciser les conditions d’accès pour bénéficier du tarif domestique modéré 5A.
En application de cette mesure et depuis le 1er janvier 2013, les abonnés du Tarif domestique modéré 5A dont la consommation moyenne sur les 3 derniers bimestres est supérieure à 200 kWh, sont désormais basculés au Tarif Domestique Général 5A.
Toutefois, il convient de rappeler que le tarif domestique modéré 5A n’est pas supprimé et demeure en vigueur pour les couches sociales économiquement faibles et dont la consommation est inférieure à 200 kWh par facture. Environ 50% des clients domestiques (soit environ 600.000) continuent d’en bénéficier.
Monsieur le Directeur Général, les populations se plaignent de la hausse des factures d’électricité, qu’en est-il réellement ?
La variation du prix nominal de l’électricité sur les dix dernières années a été faible (10%) pour les abonnés au tarif domestique général (10A et plus) tandis que les abonnés au tarif domestique modéré 5A n’ont connu aucune modification de tarif.
La dernière hausse du prix de l’électricité pour les ménages date de 2008. Depuis cette date, le Gouvernement n’a procédé à aucune augmentation des tarifs de l’électricité jusqu’en avril 2012 où il y a eu une hausse qui elle ne concernait uniquement que les abonnés industriels. Les ménages n’ont pas été touchés pour justement préserver leur pouvoir d’achat.
C’est un effort exceptionnel que le Gouvernement fait en faveur des populations car depuis 2005, le secteur de l’électricité subit de plein fouet l’envolée des prix du pétrole sur le marché international qui détermine le prix du gaz naturel utilisé pour la production de l’électricité (environ 73% de la production d’électricité est de source thermique). Ce qui a engendré un déficit de plus de 50 milliards FCFA par an que le Gouvernement a pris en charge.
Ceci dit, la facture d’un abonné peut effectivement augmenter parce que simplement sa consommation a augmenté. Vous voyez, les modes de vie changent. Les populations utilisent de plus en plus d’équipements électriques dont les prix d’acquisition ont fortement baissé ces dernières années. En outre, les mouvements de populations occasionnés par les différentes crises ont modifié la taille des ménages urbains, accroissant de ce fait leur consommation d’électricité.
Malgré tout, les tarifs de l’électricité en Côte d’Ivoire demeurent largement en dessous de ceux de la plupart des pays de la sous-région avec une qualité de service bien meilleure.
Quels sont les grands projets de la CIE ?
La CIE est une entreprise à l’écoute de ses clients. Cette écoute a permis à la compagnie d’apporter des innovations évoquées tout à l’heure, pour une meilleure qualité de service.
A côté de ces innovations, la CIE entend aller plus loin pour contribuer à permettre au Gouvernement de favoriser l’accès au plus grand nombre aux services de l’électricité.
Vous voyez, dans nos villages et même en ville, l’Etat essaie d’améliorer les conditions de vie des populations en procédant à des extensions du réseau pour leur apporter l’électricité. Mais, le constat amère que l’on peut faire c’est que les populations couvertes par ces extensions de réseau peinent à bénéficier des services d’électricité, à cause des conditions techniques (notamment la question de l’attestation de conformité des installations intérieures) mais également du coût et des modalités de paiement du branchement de leur maison.
La CIE envisage, en collaboration avec toutes les parties prenantes sensibles à ce sujet, de proposer à l’Etat un programme visant à faciliter les conditions de branchement aux populations. Ce programme qui est à l’étude, devrait permettre, dans une 1ère phase, de porter le nombre de ménages abonnés de 1 200 000 actuellement à 2 000 000 à l’horizon 2020.
Ce programme consistera à accorder des facilités aux populations de telle sorte que dans un village, avec un prix modique, les populations pourront avoir l’électricité chez elles à la maison.
Quels sont vos efforts pour satisfaire les besoins des consommateurs ?
En plus des innovations introduites pour faciliter le paiement des factures, nous avons porté nos efforts sur la maintenance. En effet les retards dans les investissements de renouvellement, de renforcement et d’extension des réseaux notamment à Abidjan couplés à la forte croissance des consommations engendrent de plus en plus d’interruption dans la fourniture de l’électricité dans les quartiers. En attendant la réalisation des investissements par l’Etat, nous avons renforcé les moyens des services de dépannage pour atténuer autant que possible les perturbations causées aux clients. C’est ainsi que depuis la fin 2012, nous avons revu notre organisation du dépannage et nos meilleurs techniciens ont été dédiés à ce service. Ils ont bénéficié d’une formation renforcée et de nouveaux moyens avec la création de cinq (5) nouvelles équipes de dépannage portant à dix-neuf (19) le nombre total d’équipes actives par jour, animées par soixante dix (70) agents.
Nous avons aussi mis un accent sur l’éclairage public qui souffre d’actes réguliers et répréhensibles de vandalisme et de vols. Parallèlement aux importants programmes d’investissements de l’Etat et des Bailleurs de Fonds sur les réseaux d’éclairage public, la CIE a renforcé les moyens d’exploitation pour améliorer son efficacité. Un accent tout particulier a été mis sur les grands axes d’Abidjan, avec une reprise notamment de la peinture des candélabres. L’éclairage public fait partie des installations urbaines d’une ville qui lui permettent de se mettre en valeur. La CIE veut participer au renouveau d’Abidjan avec les grands chantiers qui sont actuellement en cours.
Du côté de nos agences, nous avons entrepris depuis 2012 le relooking de nos agences dans la ville d’Abidjan dans un premier temps, afin d’améliorer l’accueil de nos clients. Le programme devrait s’achever d’ici fin octobre 2013 pour la partie façade, pré-accueil et les caisses. L’espace accueil réservé aux demandes d’informations, demandes de branchements et d’abonnements sera quant à lui relooké en 2014. Nous attachons une importance particulière à ce que nos clients se sentent bien dans nos agences commerciales et nous allons renforcer la formation des équipes commerciales dans l’écoute et le traitement des demandes et des réclamations de nos clients.
Quel est votre message à l’endroit de la population?
Je voudrais rappeler à la population que depuis 23 ans, la CIE a toujours été à leurs côtés, dans les meilleurs moments comme dans les moments les plus difficiles, pour améliorer leur confort et leur bien-être. La CIE a joué un rôle particulièrement important dans le processus du retour de la paix dans notre pays en s’efforçant de maintenir ses activités, malgré les conditions sécuritaires quelquefois limites, dans toutes les régions de la Côte d’Ivoire même au plus fort de la crise. Nous nous donnons les moyens d’être réactifs à travers des équipes mobilisées 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Comme vous le savez, notre slogan est : « la CIE dans le courant de votre vie », car nous savons l’importance de l’électricité dans la vie quotidienne de la population en général et de nos clients en particulier. Je voudrais donc que la population soit assurée que tout le personnel de la CIE est totalement mobilisé, que ce soit dans les villes ou dans les villages, pour leur fournir une électricité et des services de qualité. Ceci va s’améliorer chaque jour davantage.
Mais je voudrais aussi appeler la population à soutenir la CIE qui est leur entreprise, dans sa lutte contre la fraude, les branchements anarchiques, les vols des câbles, tous ces actes répréhensibles qui perturbent gravement l’alimentation des quartiers et fragilise le secteur de l’électricité.
Interview réalisée par
Maxwell