Dix ans après, Benoît Bringer revient sur la crise financière de 2008 et ses conséquences planétaires.
Une belle bande de crapules. Mais des crapules qui portent des costumes sur mesure et détiennent des dizaines de millions de dollars sur leurs comptes bancaires. Des hommes de pouvoir, sans scrupule, mus par l’appât du gain. A côté de ces patrons de grandes banques américaines et de certains de leurs tradeurs, le célèbre Gordon Gekko, interprété par Michael Douglas dans Wall Street, d’Oliver Stone, fait figure de tout petit joueur.
Bien construit, riche en témoignages inédits (anciens salariés de banques d’affaires, lanceurs d’alertes, régulateurs bancaires), un passionnant documentaire – Ils ont plongé le monde dans la crise – revient avec précision sur le tourbillon financier de 2008 et ses désastreuses conséquences à l’échelle mondiale.
Dix ans après, le constat est accablant : les principaux coupables, les gros poissons du type Richard Fuld, ancien patron détestable d’arrogance et de brutalité de la banque d’affaires Lehman Brothers, n’a pas été mis en prison alors que certains sous-fifres y ont été jetés. Si 324 hommes et femmes du monde financier ont été condamnés après la crise de 2008, aucun dirigeant de Wall Street ne figure parmi eux !
Comptes truqués
« Des banquiers, des financiers et des responsables politiques sont à l’origine de cette crise financière à forte dimension criminelle. En encourageant à outrance l’accession à la propriété, les politiques américains ont appuyé sur la gâchette », résume un témoin, rappelant que certaines banques accordaient des prêts immobiliers à des clients qui ne donnaient aucune indication sur leurs revenus ! Les fameux « prêts Ninja » (pour no income, no job, no assets, « ni revenus, ni travail, ni actifs »). Au final, des profits colossaux côté criminels en col blanc et la misère pour des millions de pauvres, jetés dans la rue après le cataclysme des prêts toxiques, les fameux subprimes.
« Les titans de Wall Street n’ont pas été inquiétés. Les vrais coupables sont toujours impunis », déplore un témoin. Un constat rendu aussi possible par la façon dont Wall Street et les responsables politiques américains ont travaillé ensemble. Et par le fait que la justice des Etats-Unis préfère les transactions aux procès.
Les grosses banques d’affaires telles Merrill Lynch, Citigroup, Goldman Sachs, JPMorgan ou Bear Stearns ont donc payé de grosses pénalités. Mais contrairement à l’Islande où vingt-six banquiers ont été mis en prison après la crise de 2008, leurs patrons ont échappé à toute sanction. Un exemple parmi d’autres ? Robert Rubin, président de Citigroup, a quitté la banque avec 17 millions de dollars et 37 millions en stock-options.
Seul établissement mis en faillite : Lehman Brothers, à l’époque quatrième banque d’investissement au monde, qui avait accumulé 693 milliards de dollars de dettes « pourries ». Mais son patron, Richard Fuld, qui avait notamment demandé à ses troupes de truquer les comptes, n’a jamais été sous les verrous et continue de spéculer aujourd’hui à la tête d’un prospère fonds d’investissement.
En analysant minutieusement les mécanismes frauduleux ayant permis à des personnages sans scrupule de s’enrichir tout en jetant à la rue des milliers de gens (le fameux système de transformation de prêts immobiliers dangereux en produits financiers toxiques), le documentaire se révèle une salutaire piqûre de rappel.
Et, selon de nombreux signaux, l’énorme crise de 2008 risque bien de se reproduire. « Les tradeurs sont prêts à prendre des risques pour garder leurs styles de vie luxueux. On retrouve beaucoup de narcissisme et de troubles de la personnalité antisociale à Wall Street. Il y a ce sentiment d’être au-dessus des lois, d’avoir tous les droits. Ce besoin de domination et de pouvoir », souligne Jonathan Alpert, psychothérapeute de financiers.
Un métier qui a de l’avenir…
Ave lemonde