En Côte d’Ivoire, le sacrement du mariage est souvent l’occasion pour les couples de réunir famille et amis autour d’une fête. Mais le coût élevé de ces fêtes dissuade certains couples d’aller devant l’autel. Certains attendent d’avoir économisé assez pour se marier.
C’est avec un pincement au cœur qu’Irène, 38 ans, regarde les autres communier tous les dimanches. Cette catholique d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, ne communie plus depuis près de dix ans. « Mon époux et moi vivons ensemble depuis notre mariage coutumier en 2008. Mais n’étant pas mariée religieusement, je n’ai pas le droit de communier… », déplore-t-elle. Après son mariage coutumier, le couple avait prévu d’attendre deux ans avant de se marier civilement et religieusement, le temps d’épargner assez d’argent pour convier toute la famille et les amis. Mais leur projet a dû être plusieurs fois reporté. « Je suis tombée enceinte de notre fille aînée et nos économies ont servi à prendre un autre appartement, puis à d’autres menues dépenses. »
Privilégier les besoins des enfants
Le couple n’a ensuite plus réussi à épargner suffisamment pour s’offrir la fête de ses rêves. « Nous avons eu un deuxième enfant, il fallait privilégier leurs besoins. » Alors, à quand le mariage religieux ? Irène hausse les épaules. Son compagnon n’est plus très pressé de l’emmener devant l’autel. « Il trouve qu’il y a d’autres priorités. D’autant plus qu’il n’est pas aussi pratiquant que moi. À bien y penser, je me dis que j’aurais dû attendre de me marier religieusement avant de m’installer avec lui. Fête ou pas. »
Comme Irène et son mari, les couples sont de plus en plus nombreux, en Côte d’Ivoire, à retarder l’organisation de leur mariage religieux, après s’être mariés une première fois, selon la coutume. Les époux estiment alors qu’ils n’ont pas les moyens d’organiser une fête assez digne du sacrement. Ils sont considérés par l’Église catholique comme vivant en concubinage, et ils sont donc empêchés, dans les paroisses, d’accéder à la communion ou au sacrement de réconciliation.
Mariages groupés ou en cercle restreint
Le père Hilaire Sylvain Manglé est doctorant en théologie pastorale, spécialiste de la catéchèse. Pour lui, l’organisation de mariages groupés avec une fête commune organisée en paroisse pourrait être une solution pour limiter les dépenses. « Mais certaines personnes n’en veulent pas car les invités sont limités », explique-t-il.
« Nous avions organisé un mariage en commun dans ma paroisse quand j’étais curé à Abobo. Les couples devaient juste payer 50 000 francs CFA. Ils avaient un gâteau commun et un car les emmenait à l’église, explique ce prêtre du diocèse d’Abidjan. Les paroissiens étaient un peu sceptiques sur la possibilité d’organiser plusieurs mariages à la fois, mais nous avons finalement réussi. »
L’autre possibilité est d’organiser des mariages en cercle restreint. « J’ai déjà célébré un mariage avec comme toute dépense deux bières que nous avons partagées avec les mariés à la fin de la messe. La fête ne doit pas servir de prétexte pour retarder le mariage religieux », estime quant à lui le père Norbert Éric Abekan.
3 millions, sinon rien
Mais certains fiancés ne sont pas prêts à réduire le nombre de leurs invités. Sylvie, 29 ans, n’envisage pas de se marier sans recevoir toutes ses connaissances et amis. « Quand on demande à une femme quel est le plus beau jour de sa vie, elle évoque invariablement son mariage. Je ne m’imagine donc pas me marier en catimini », tranche-t-elle.
Pour elle, le mariage ce n’est pas seulement deux personnes qui s’unissent. « Ce sont deux familles qui s’unissent, deux destinées qui se lient. » Cela fait maintenant quatre ans qu’elle vit avec son compagnon. Le couple épargne pour avoir au moins les 3 millions de Francs CFA (4 600 €) qu’elle estime nécessaires pour organiser une fête. « En plus des habits et de la coiffure, il faut louer une salle pour la réception, organiser un repas, sans parler du gâteau, des dragées… Le lendemain du mariage, il faut aussi inviter les personnes qui ont aidé à l’organisation pour un petit partage en cercle restreint. » Elle insiste : « Je ne pense pas qu’on puisse se marier en catimini. »
Source: Africa.la-croix.com