Tout indice économique international qui place l’Amérique au sommet de l’échelle mondiale nous amène inévitablement à nous demander si un tel succès peut être attribué aux actions d’un dirigeant ou d’une administration en particulier. Avant de chercher la réponse dans le Rapport sur la compétitivité mondiale 2018,commençons par examiner les faits.
Tout d’abord, notons que cette année, nous avons pour la première fois adopté officiellement une nouvelle méthodologie pour mesurer la compétitivité. Il s’agit d’un changement radical : environ 66 % des indicateurs utilisés cette année sont nouveaux, ils couvrent des domaines tels que l’ouverture des entreprises aux idées perturbatrices, le niveau de compétences numériques de la population ou le type de hiérarchie au sein des entreprises (en termes d’horizontalité). Nous avons procédé à ces changements, car nous estimons qu’à l’avenir, des facteurs de ce type refléteront de plus en plus l’essence même de la force compétitive d’un pays, parallèlement à des indicateurs plus traditionnels tels que la qualité des infrastructures de transport et le bon fonctionnement des marchés.
Les États-Unis, qui comptent parmi les plus grands moteurs d’innovation au monde, ont une place de choix dans ce nouveau paysage concurrentiel. Le pays occupe la première place mondiale dans trois de nos douze piliers ; le dynamisme des entreprises, le marché du travail et le système financier. Il occupe la deuxième place dans deux autres : l’innovation (derrière l’Allemagne) et la taille du marché (derrière la Chine).
Cela contraste avec les fortunes des États-Unis recensées avec la méthodologie précédente ; ici, la dernière fois que le pays était en tête de l’indice remonte à 2008. L’environnement macro-économique incertain qu’a créé la crise financière n’est que l’un des facteurs ayant freiné le pays dans les années qui ont suivi.
Mais même si l’on utilise l’ancienne méthodologie, les États-Unis regagnent du terrain depuis quelques années ; au point où l’année dernière, le pays avait atteint la deuxième place du classement. Cela confirme la thèse selon laquelle bon nombre des conditions qui contribuent à la compétitivité ne peuvent être simplement acquises ou construites du jour au lendemain.
Tandis que 2018 marque une première dans l’adoption officielle de notre nouveau modèle de compétitivité, nous avons également revu nos données de 2017 pour voir comment les performances des pays ont varié d’une année à l’autre. Les États-Unis sont là aussi arrivés en tête, suggérant une fois de plus l’existence de forces à long terme soutenant leur ascension vers le sommet de la compétitivité ; preuve également que les performances de cette année ne sont pas une exception.
Il convient également de réfléchir à la manière dont nous obtenons les scores de chacune des 140 économies évaluées chaque année. Environ 70 % de la pondération de l’indice (un peu moins du nombre réel d’indicateurs) provient de données fournies par des organisations internationales telles que les Nations Unies, la Banque mondiale ou l’Union internationale des télécommunications. Il y a généralement un décalage de 2-3 ans entre les mesures et la publication.
Cela signifie-t-il que l’ascension des États-Unis ne peut être attribuée qu’aux réformes structurelles à long terme et aux innovations de son gouvernement précédent ? La réponse ici est un non catégorique : certaines des forces de l’Amérique sont mêmes antérieures à cette période. De même, nous ne pouvons pas non plus rejeter les efforts de l’administration actuelle : si 70 % de la pondération du rapport provient de données chiffrées, les 30 % restants représentent les points de vue des chefs d’entreprise américains : s’ils sont positifs quant à la compétitivité de l’Amérique, c’est que leurs points de vue sont basés sur la situation actuelle.
Il faut beaucoup de temps pour que la compétitivité s’installe, mais elle peut être renversée relativement rapidement. L’indice de compétitivité mondiale de 2019 pourrait être très différent si plusieurs des signes avant-coureurs que nous percevons en Amérique s’intensifient, par exemple des modifications des droits de douane, une perte de confiance dans l’indépendance du système judiciaire, une inégalité croissante des revenus ou un environnement moins propice à l’embauche de personnel étranger qualifié. Les dirigeants des États-Unis, passés et présents, peuvent tous être fiers de la place qu’occupe leur pays dans le monde aujourd’hui. Le véritable défi consistera à maintenir cette position demain.
Avec weforum