Au Caire, c’est une journée comme les autres, jusqu’à ce que la voix du vice-président Anouar el-Sadate interrompe les programmes radiophoniques et télévisuels pour annoncer la disparition du père de la République égyptienne.
Jusqu’à son dernier souffle, il aura fait de son pays le leader culturel, diplomatique et militaire du monde arabe. Le 27 septembre, Gamal Abdel Nasser conduisait encore au Caire, lors d’une session extraordinaire de la Ligue Arabe, une médiation réussie pour faire cesser les violents affrontements entre l’armée jordanienne et les membres de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), connus sous le nom de « Septembre noir ».
Le lendemain, alors qu’il vient de raccompagner à l’aéroport le roi Fayçal d’Arabie saoudite, il se sent faible et décide de se reposer dans sa résidence. Ses médecins accourent à son chevet, tentent une réanimation, mais il est déjà trop tard. À 18h15, Gamal Abdel Nasser rend l’âme à la suite d’un malaise cardiaque.
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Un séisme dans le monde arabe
L’émotion est considérable pour les Égyptiens. Hormis les personnalités des hautes sphères du régime, personne n’était au courant de la santé fragile du Raïs : près d’un an auparavant, en septembre 1969, Nasser avait déjà fait une attaque cardiaque à laquelle il avait réchappé.
C’est le vice-président et futur président égyptien, Anouar el-Sadate, qui annonce avec gravité à la radio égyptienne la funeste nouvelle. Le Caire, l’Égypte et le monde arabe se figent pendant quelques instants. Puis l’émotion populaire déferle dans les rues. L’affection des Égyptiens pour leur Raïs est réelle : trois ans plus tôt, en 1967, après la guerre des Six jours, lorsqu’il avait remis son éphémère démission, le 9 juin, le peuple égyptien était descendu en masse dans les rues tout en scandant le nom de son président pour exiger son retour.
Ce 28 septembre en début de soirée, tandis que les radios du monde arabe répètent en boucle des sourates funèbres, la foule redescend dans les rues, on scande, on crie, on hurle le nom du défunt. Mais cette fois, celui-ci ne reviendra pas.
Les hommages dans les chancelleries du monde sont unanimes pour saluer la grandeur et l’autorité du personnage. Les ennemis d’hier, sont devenus les admirateurs d’aujourd’hui.
Le Caire, mère du monde
Le 1er octobre, Le Caire reprend pour quelques heures sa place de « mère du monde », selon les paroles de Shéhérazade contant ses Mille et Une Nuits. L’inhumation de Nasser se fait avec une affluence encore jamais égalée. On parle de 5 millions de personnes accompagnant, sur les 10 km de procession, le cercueil recouvert du drapeau égyptien.
La marée humaine est indescriptible, les pleurs se mêlent à l’hystérie collective, aux malaises et aux cris en l’honneur du Raïs défunt. Chaque Égyptien essaye de toucher le cercueil disposé sur un affût de canon tiré par six chevaux, ou encore d’emporter avec eux un bout du drapeau égyptien. Tous les chefs d’État arabes sont présents, à l’exception du roi d’Arabie saoudite (grand rival idéologique et géopolitique de Nasser). L’émotion populaire est si intense que les chefs d’État, certains en pleurs, doivent être évacués.
Le peuple égyptien emmène le Raïs dans sa dernière demeure, la mosquée Al-Nasr, renommée plus tard par le nom de l’illustre président inhumé en son sein.
Retrouvez ci-dessous le reportage photos des obsèques de Gamal Abdel Nasser publié dans Jeune Afrique n°978 du 13 octobre 1970. N’hésitez pas à agrandir la fenêtre pour un plus grand confort de lecture en cliquant sur le bouton en bas à droite.
avec jeuneAfrique