Le président nigérian a finalement accepté d’accéder aux revendications des principales centrales syndicales du pays qui menaçaient de déclencher une série de grèves sur l’épineuse question du rehaussement du salaire minimum. A la suite d’un accord entre le gouvernement et les syndicats, le salaire mensuel passera désormais de 18 000 nairas, soit 49,69 dollars, à 30 000 soit 82,82 dollars. La décision de Buhari intervient à quelques mois de la prochaine présidentielle, à laquelle il se présentera pour un second mandat. De quoi amplifier les surenchères politiques.
Les travailleurs nigérians peuvent crier victoire ! Le président Muhammadu Buhari a accepté de valider les travaux du comité mis en place en fin 2017 et chargé de présenter des propositions pour un nouveau salaire minium, principale revendication des différents syndicats du pays.
Après plusieurs mois de travaux, le comité est enfin parvenu à un accord de dernière minute, lundi 5 novembre dernier, à quelques heures du début d’une grève nationale lancée par les centrales syndicales, mais suspendue aussitôt l’accord paraphé dans la matinée du mardi 6 octobre. L’accord a été par la suite présenté dans la même journée du mardi 6 novembre au chef de l’Etat qui a immédiatement donné son aval pour sa transmission au Parlement aux fins d’adoption. Selon les termes de l’accord, le nouveau salaire minimum passera de 18 000 nairas (49,69 dollars) à 30 000 (82,82 dollars), alors que les syndicats exigeaient jusque-là un salaire minimum de 50 000 nairas, soit 164 dollars.
La balle est désormais dans le camp des parlementaires pour adopter la nouvelle loi sur les salaires que l’administration fédérale nigériane va bientôt élaborer, à la suite des travaux du Conseil exécutif fédéral (FEC) et du conseil économique national. La nouvelle réglementation devrait intégrer l’essentiel du contenu de l’accord auquel sont parvenus le gouvernement, les syndicats et l’association des gouverneurs des Etats fédérés du Nigeria.
«Nous devons tous nous tenir prêts dans un état de mobilisation totale au cas où des actions futures deviendraient nécessaires pour promouvoir la promulgation et la mise en œuvre rapides du nouveau salaire minimum», a ainsi déclaré à l’AFP, Peter Ozo-Eson, secrétaire général du Congrès du travail du Nigeria (CNL).
Il s’agit d’une manière pour les syndicats de maintenir la pression surtout dans le contexte actuel marqué par l’approche des élections de 2019, et qui est donc propice aux surenchères.
Surenchères politiques
Jusque-là, le gouvernement nigérian s’est montré quelque peu réticent à accéder à cette revendication de longue date des centrales syndicales. Malgré plusieurs menaces de battre le pavé, l’administration Buhari a toujours mis en avant la mauvaise situation des caisses de l’Etat pour rejeter la demande des syndicats.
Mardi dernier, alors qu’il recevant le comité tripartite composé des représentants du gouvernement, des syndicats et du secteur privé, le président Buhari n’a pas hésité à déclarer qu’il était totalement acquis aux revendications professionnelles et selon lui, ce rehaussement du salaire minimum est même devenu nécessaire pour de nombreuses raisons. Buhari a rappelé d’abord que la dernière révision a eu lieu en 2011, avant d’ajouter par la suite, que depuis, les produits de première nécessité ont connu une hausse significative.
Par ailleurs, le chef de l’Etat nigérian a également fait savoir que depuis 2011 de nombreux changements ont eu lieu, notamment sur le PIB qui a été recalculé pour faire du pays la plus grande économie d’Afrique.
«Nous avons enregistré des taux de croissance très forts et des performances exceptionnelles de nos marchés de capitaux, même si ces succès ne se sont pas produits dans les poches et les foyers de la majorité des Nigérians», a reconnu Buhari, avant d’ajouter que depuis trois ans, et donc son arrivée au pouvoir, son administration s’est attelée «à corriger ces lacunes, en travaillant pour l’émergence d’une économie diversifiée et inclusive».
Le président nigérian a listé une série d’actions menées par son administration pour améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs, avec «des ressources limitées». C’est ainsi que le gouvernement fédéral procède actuellement à éponger les arriérés de pension des retraités, tout en aidant financièrement les Etats fédérés à payer le salaire des travailleurs. La révision à la hausse du salaire minimum tant dans la fonction publique que dans le secteur privé vient donc s’inscrire dans la même dynamique.
Avec le nouvel accord, le président Buhari, candidat de l’APC, s’est ainsi offert «une paix sociale», surtout à la veille d’une campagne électorale propice aux surenchères. S’il reste à définir les modalités de la mise en œuvre des nouvelles mesures -un processus qui prendra certainement du temps- d’autres candidats à la présidentielle de 2019 se sont également précipités dans la brèche pour saisir cette opportunité. Le principal challenger de Buhari, l’ancien vice-président Atiku Abubakar, candidat du PDP, s’est par exemple dit réjoui de cet accord tout en demandant au Parlement d’accélérer le processus d’adoption des textes nécessaires pour une mise en œuvre rapide de l’accord sur le futur salaire minimum.
Avec la tribune afrique