Donald Trump peut s’en vanter. Depuis qu’il est arrivé au pouvoir outre-Atlantique, fin 2016, les principaux indicateurs économiques aux Etats-Unis sont au vert. La croissance américaine a de quoi faire pâlir les dirigeants européens. Après avoir progressé de 4,2 % en rythme annuel au second trimestre, la production intérieure brute (PIB) a de nouveau progressé de 3,5 % au troisième trimestre.
Résultat, les Etats-Unis se rapprochent de leur phase d’expansion la plus longue depuis le milieu du 19e siècle.
“Tout juste entrés dans leur 113e mois de croissance ininterrompue, ils ne sont plus très loin du record de 120 mois enregistré pendant la ‘Grande modération’ des années 1990”, souligne Florence Pisani, directrice de la recherche économique chez le gérant de fonds Candriam, dans une note.
Côté emploi, l’économie américaine apparaît aussi en grande forme: à 3,7%, le taux de chômage a retrouvé son plus bas niveau depuis décembre 1969. “Le taux de confiance des consommateurs est proche de son point haut historique, les hausses de salaire retrouvent leur niveau d’avant-crise”, précise également Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank.
Et pourtant, la croissance américaine n’est pas éternelle et masque certaines faiblesses de l’économie du pays.
Voici ce qui pourrait nuire à sa bonne santé, selon Florence Pisani:
- Aucun des problèmes structurels auxquels l’économie américaine est confrontée, comme les inégalités, la faiblesse des gains de productivité et la “trajectoire inquiétante” de la dette publique, ne sont en passe d’être résolus.
- La politique budgétaire risque de peser à l’avenir sur l’économie: “jamais en temps de paix le poids de la dette fédérale n’a été aussi élevé et demain, le vieillissement (de la population, ndlr) et la hausse des coûts de la santé ne manqueront pas de l’alourdir encore davantage”.
- Les chiffres du troisième trimestre indiquent un essoufflement de l’investissement productif, ce qui risque de nuire à une reprise des gains de productivité.
En allégeant fortement la fiscalité sur les entreprises, Donald Trump disait vouloir stimuler l’investissement productif. “Il n’en a rien été: sur la première moitié de l’année, les entreprises ont consacré l’essentiel des baisses d’impôts au rachat de leurs actions”, note Florence Pisani. De plus, la politique commerciale agressive de l’administration Trump crée de l’incertitude et n’incite pas les entreprises à investir dans les prochains mois.
Christopher Dembik voit d’autres raisons encore qui pourraient affecter l’économie américaine et sa croissance:
- Les ventes automobiles “sont désormais en contraction”, comparé à l’année dernière, ce qui risque de compliquer la tâche des constructeurs pour écouler les modèles de 2018 et les nouveaux modèles de 2019.
- Le marché immobilier ralentit. “Les ventes de logements existants connaissent leur sixième mois consécutif de baisse. Sur les 20 dernières années, cela ne s’était produit qu’à trois reprises: en 1999 (avant l’éclatement de la bulle internet), en 2007 (pendant la crise immobilière) et en 2013.”
Selon l’économiste de Saxo Bank, ces deux segments économiques clés pour la dynamique de croissance (l’automobile et l’immobilier) “montrent de sérieux signes de fragilité”. Et cette évolution constitue “un signal de la fin de cycle aux Etats-Unis”.
Comme Florence Pisani, il note aussi l’importance du déficit budgétaire américain, qui “approche les 1000 milliards de dollars cumulés sur 12 mois”.
Le risque d’une récession au cours des deux prochaines années n’est pas à écarter, selon lui. “Il est rare que l’économie américaine connaisse un atterrissage en douceur qui permet plus facilement de repérer la fin de cycle.” Un décrochage de la croissance peut survenir rapidement, en l’espace de quelques trimestres.