Peu de pays délivrent des passeports « domestiques » et « internationaux » à leurs citoyens. La Russie, l’Ukraine et la Corée du Nord figurent parmi eux, et il est facile de deviner que si une personne a besoin d’un document spécifique pour traverser la frontière, alors l’État contrôle complètement ce mouvement, ce qui était le cas en URSS.
Passer à travers la porte
Historiquement, un passeport (qui dérive du français, et signifie « passer par la porte de la ville ») était un document de voyage qui permettait à un citoyen d’un certain duché, royaume, pays, à vous de voir, de traverser les frontières d’État, d’entrer dans des villes étrangères, etc.
Pour quitter le territoire de la Moscovie, par exemple, il fallait demander un « rouleau de voyageur » qui était délivré par le tsar, et il était disponible uniquement pour les nobles et les marchands les plus riches. Ce rouleau était le seul document permettant de distinguer les véritables voyageurs des vagabonds, qui risquaient la détention.
Parchemin de voyageur datant du XVIe siècle, émis par le tsar Ivan le Terrible.
VFP/Wikipedia
À partir du XVIIIe siècle, la Russie a publié des documents internes pour contrôler la migration dans le pays. À cette époque, le servage y régnait, et les serfs fugitifs étaient traqués et rendus à leurs propriétaires. Voyager sans document interne était très périlleux.
Document de voyage intérieur du XIXe siècle, délivré sur ordre de l’empereur Alexandre Ier.
Pas pour tout le monde
Après la révolution industrielle et des transports de la seconde moitié du XIXe siècle, la nécessité de contrôler les migrations internes était une priorité. Le gouvernement tsariste s’est heurté à ce problème, tout comme les Soviétiques par la suite, et un système de timbres d’enregistrement est apparu.
Les résidents des villes soviétiques ont d’abord reçu des passeports domestiques dans les années 1930, mais les résidents ruraux n’ont obtenu ce droit que dans les années 1960 – l’État ne voulait pas que les paysans quittent leurs villages et hésitait à leur délivrer des passeports. Tous les citoyens soviétiques ont reçu un passeport domestique en 1974.
Contrairement aux passeports russes contemporains, ces passeports soviétiques indiquaient l’ethnie du propriétaire, ce qui entraînait parfois des discriminations. Un tampon d’enregistrement qui lie un citoyen à son lieu de résidence apparaît toujours dans les passeports russes.
Les passeports de voyage
Touristes soviétiques à Bruxelles, Belgique, 1958
Vasily Yegorov/TASS
L’État soviétique surveillait de près chaque personne qui partait à l’étranger. Les délégations officielles, les équipes sportives, les orchestres et les troupes de ballet étaient supervisés par des officiers du KGB, qui voyageaient avec eux, veillaient à ce qu’il n’y ait pas de défections ou empêchaient à quiconque de révéler des secrets d’État.
Ceux qui se rendaient à l’étranger en voyage d’affaires ou en vacances recevaient des passeports de voyage internationaux spéciaux, connus sous le nom de « passeports étrangers » – une tradition qui perdure aujourd’hui encore. Pourquoi ? Premièrement, de nombreux citoyens soviétiques avaient des passeports étrangers au moment de l’effondrement de l’URSS, et ces passeports devaient rester valides pour ne pas détruire l’ensemble du système douanier de l’État. Lorsque leur validité a expiré, ils ont été échangés contre les nouveaux passeports de voyage internationaux russes.
En Biélorussie, le système soviétique a été aboli dans les années 1990, et aujourd’hui les citoyens du pays ont un seul passeport qui fait office de pièce d’identité nationale et de document de voyage international.
Qu’est-ce qu’un passeport intérieur russe?
Passeport intérieur russe
Lyubimov Andrey/Moskva Agency
En ce qui concerne le passeport intérieur russe, sa fonction est proche de la carte d’identité que possèdent la plupart des Occidentaux. Aux États-Unis, un permis de conduire assure cette fonction; dans la plupart des pays européens, une carte d’assurance médicale peut servir de pièce d’identité. Ainsi, la plupart des Occidentaux ont eux aussi deux cartes d’identité – un passeport international et une carte d’identité nationale.
Un citoyen russe est formellement obligé de toujours avoir son passeport sur lui. Cependant, la loi sur les passeports stipule que le document doit être « gardé en sécurité », et c’est pourquoi de nombreux Russes portent avec eux des photocopies de leurs passeports. Même si la récupération de son passeport perdu est maintenant beaucoup plus facile avec les sites Web gouvernementaux offrant un accès aux services de l’État, personne ne souhaite passer trop de temps sans passeport. Comme nous l’avons écrit, il y a beaucoup d’endroits en Russie où vous pourriez soudainement avoir besoin de montrer un passeport interne.
Une employée de l’Entreprise fédérale unitaire d’État Goznak contrôle la qualité des passeports biométriques tout juste réalisés et destinés à des citoyens russes, au sein du Centre de personnalisation de Goznak, à Moscou.
Cependant, seule une minorité de Russes ont besoin d’un document de voyage international. Selon une enquête du Centre Levada de 2014, un chiffre étonnant de 76% des Russes n’ont jamais été en dehors de l’ex-Union soviétique. Seulement 7% voyagent à l’étranger chaque année ; 8% le font deux fois ou trois fois par an. En outre, 67% des Russes de plus de 55 ans n’ont jamais été à l’étranger et, au total, seulement 30% ont un passeport valide.
Mais avant de pleurer sur le fait que la plupart des Russes n’ont jamais été à l’étranger, vous devez savoir que, par exemple, 64% des Américains n’ont jamais quitté leur pays d’origine, pour une raison similaire. Pour les habitants de la Sibérie, du Grand Nord russe ou de l’Extrême-Orient, parcourir le monde avec un revenu annuel extrêmement modeste est pratiquement impossible. Les distances sont simplement trop grandes.
Avec russiabeyond