Dans une tribune publiée sur sa page facebook, le père Ludovic Lado analyse de façon brève la situation post électorale au Cameroun. Le prêtre Jésuite assimile la « révolution » prônée par un certain parti politique d’opposition à une simple « agitation ». L’homme de Dieu regrette le manque de leadership au sein de la classe politique d’opposition, il soutient que « seules les synergies » peuvent venir à « bout d’un monstre comme le régime Biya »
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L’une des conclusions de mes lectures assidues de Ghandi et de Martin Luther King est qu’on peut facilement confondre agitation et révolution. Je crains que ce ne soit le cas au Cameroun aujourd’hui. Une révolution s’organise autour d’un leadership visible, soudé et crédible, capable de mobiliser les masses en prenant, à ses risques et périls, les devants des manifestations pour une cause tout aussi crédible.
Aux lendemains des élections, je ne vois rien de cela au Cameroun. Ce que certains appellent révolution n’est que de l’agitation, c’est-à-dire une série d’actions de contestation, certes, mais sans leadership et sans coordination. Voilà notre talon d’Achille au Cameroun, l’atomisation des forces de résistance. C’est le principal socle de la résilience du régime Biya.
Le refus de du hold-up électoral qui semble être la cause est certes noble mais souffre sur le terrain de la division de l’opposition camerounaise. C’est encore ce qui a favorisé le hold-up électoral, précisément l’atomisation des forces progressistes, qui plombe les velléités de révolution. L’actuelle agitation au Cameroun est dominée par les militants d’un seul parti, lesquels sont convaincus d’avoir remporté l’élection présidentielle mais ne sont pas confortés dans leur certitude par les autres leaders politiques.
Et quand on ajoute à cela la surenchère tribaliste bien alimentée sur les réseaux sociaux par les suppôts du régime et qui est désormais symbolisé par les néologismes clivant de « tontinard et « sardinard », l’adhésion populaire est invraisemblable.
Le jour où les Camerounais réussiront à organiser à Douala et à Yaoundé des marches conduites par l’essentiel des leaders des forces progressistes, prêts à recevoir des coups, à se faire arrêter, et même à être tués, le peuple aura le courage de sortir soutenir la libération du Cameroun. Un parti politique isolé, fut-il, dynamique, ne provoque pas une révolution. Il peut tout au plus reproduire le scénario Jean Ping du Gabon voisin.
Seules les synergies viennent à bout d’un monstre comme le régime Biya. Synergies à plusieurs niveaux : entre les forces progressistes de la diaspora, entre les forces progressistes du Cameroun et enfin entre les forces progressistes du Cameroun et de la diaspora. Tout cela s’organise. Je ne vois rien de cela au Cameroun. Je vois plutôt quelques actions isolées de militants d’un parti politique, quelques actions d’éclat par quelques vétérans de la diaspora militante, mais rien qui porte à croire que Paul Biya ne prêtera pas serment à Yaoundé le 06 novembre 2018.
Comparons un tout petit peu la révolution anglophone à l’agitation francophone : d’un côté, vous avez un leadership organisé, une adhésion populaire, une inscription dans la durée, des actions coordonnées, une certaine communion entre la diaspora et le terrain, une mobilisation financière, des leaders persécutés, etc. De l’autre côté, c’est le règne de l’informel. Tant que les forces progressistes du Cameroun refuseront de travailler en synergie, les forces d’inertie qui, elles, sont bien organisées, auront le dessus.
L’unité fait la force tandis que la division affaiblit. Voila la dure vérité qui mérite la méditation des Camerounais.
Avec camerounweb