Les rideaux du bureau principal de l’hôtel Intercontinental de Genève étaient tirés ce jour-là alors qu’un homme connu sous le nom « Le Général » vidait un sac en tissu blanc rempli de billets d’euros. Il était temps de payer pour l’un des plus anciens dirigeants au monde.
Pendant des semaines l’hôtel cinq étoiles avait, en effet, été contraint à une routine secrète au service de ses deux meilleurs clients originaires d’un pays pauvre d’Afrique centrale exportateur de pétrole.
Paul Biya, président du Cameroun depuis 1982, et son épouse, Chantal, passent tellement de temps en visites privées en Suisse que le personnel des couloirs dorés de l’Intercontinental les désigne par de simples noms de code : « Lui et Elle ».
« C’est comme s’ils étaient chez eux. Ils y vivent », a déclaré l’un des trois anciens cadres supérieurs qui assistaient régulièrement au rituel de paiement des factures.
Comme d’autres employés, ce cadre supérieur se souvient d’avoir signé un accord de confidentialité concernant les détails des séjours d’un mois de M. Biya : « Si les Camerounais ne viennent pas, l’hôtel fermera ».
La direction de l’hôtel Intercontinental a dit qu’elle ne ferait pas de commentaires sur les clients pour des raisons de confidentialité. « Nos employés ont reçu une formation complète pour ne pas divulguer d’informations », a déclaré un représentant.
Il n’est pas inhabituel en soi que les leaders mondiaux dépensent des dollars dans les hôtels de luxe. Ce qui distingue les escapades de M. Biya à Genève, c’est l’abondance de temps et d’argent comptant que lui et son entourage y passent. Le président a passé quatre années cumulées en voyages personnels depuis 1982, la grande majorité en Suisse, selon les données de vol recueillies par le site Internet Geneva Dictator Alert, et Organized Crime and Corruption Reporting Project, un groupe anticorruption qui a suivi ses voyages. Certaines années, il a passé un tiers de l’année hors de son pays d’origine.
« Il paie toujours en espèces », a déclaré Herbert Schott, directeur d’Intercontinental à la retraite qui a accueilli M. Biya pour la première fois en 1969.
M. Schott a accueilli pendant un quart de siècle des présidents américains et a offert à Ronald Reagan un matelas pour remplacer le matelas plus dur de la chambre de la Maison-Blanche. Mais confirme que M. Biya était son meilleur client. « Il préfère venir à Genève et s’asseoir et personne ne le dérangerait ».
« L’homme-lion, comme l’appellent les partisans de M. Biya, est actuellement le dirigeant élu le plus ancien du monde, si l’on compte son arrivée au poste de premier ministre en juin 1975 au Cameroun. Depuis 1982, il en est le président. Il est le dirigeant africain le mieux payé, avec un salaire officiel de 610 000 dollars par an (environ 35, 11 millions de F CFA), selon Africa Review, une revue périodique.
Avec sputnik