Ils se contestent la filiation avec le défunt prélat catholique qui était marié à une enseignante d’université.
Les actes de naissance des enfants présentés en vue de l’ouverture de la succession du prélat sont argués de faux.
Cela fait 16 ans que le prêtre catholique Latsi Mvogo André (c’est le nom que nous lui donnons) est décédé à Yaoundé. Sa succession a les allures d’une poudrière. Un monsieur, qui se présente comme son fils, a saisi le Tribunal de premier degré (TPD) de Yaoundé centre administratif d’un recours en rétractation. Il sollicite le retrait du jugement d’hérédité rendu par la juridiction le 30 octobre 2003. Le jugement attaqué déclare ouverte la succession du défunt prêtre. Et ce jugement désigne une certaine Alberte Sandrine (nous l’appelons ainsi pour masquer son identité), l’épouse du défunt prélat, coadministratrice des biens de la succession. Les fils supposés du feu prêtre, notamment un militaire, sont déclarés cohéritiers de la succession.
Le 22 octobre 2018, l’examen public du dossier a débuté avec l’audition des parties. En plantant le décor, l’avocat de l’un des enfants va expliquer que son client était mineur à l’époque où le jugement contesté a été rendu. Il pense que le tribunal a été induit en erreur en déclarant le militaire cohéritier. Ce dernier, explique-t-il, n’est pas le fils du défunt prélat. Il en veut pour preuve le fait que le militaire soit détenteur de trois actes de naissance comportant les noms de père, date et lieu de naissance distincts. En effet, dans l’un des actes de naissance, l’homme en tenue a pour père un certain Latsi Jean (nom donné par Kalara), dans l’autre, quelqu’un d’autre. Il est né tantôt en 1985, tantôt en 1986. Et dans le troisième acte de naissance dressé à la communauté urbaine de Yaoundé, le nom du militaire n’a qu’un seul prénom, contrairement aux deux autres actes de naissance où il porte deux prénoms.
Concubinage notoire
Le tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé Ekounou, saisi par le plaignant, a prononcé la nullité de deux des trois actes de naissance dont posséderait le militaire. Parmi les actes annulés, celui à base duquel le jugement attaqué s’est appuyé pour déclarer le concerné cohéritier du défunt prélat. Le jugement est confirmé par la Cour d’appel du Centre. L’avocat du plaignant a versé aux débats les copies (expéditions) des deux décisions de justice, entre autres. Le fils du prélat à l’origine de la procédure judiciaire a appuyé les déclarations de son avocat, en ajoutant que la justice a considéré comme légal le premier acte de naissance établi au désormais militaire.
L’intervention d’Alberte Sandrine a apporté plus d’informations dans les bagarres autour de l’héritage du prélat. «Je suis victime de l’amour que j’avais envers mon mari», a-t-elle lancé. Sans manquer d’affubler au plaignant les qualificatifs de «profiteur», «parasite» qui utilise de faux documents par «perfidie» et «fourberie» pour tromper le tribunal. Dans une longue prise de parole, elle a tenté de faire entendre un son de cloche différent. En effet, la dame raconte qu’elle a vécu en «concubinage notoire» avec le défunt prélat durant 14 ans. Leur fils aujourd’hui militaire est né à cette période, en 1985. L’information claire et nette. «J’ai accouché chez mes parents.» À cette époque, le père d’Alberte Sandrine s’est chargé de faire dresser l’acte de naissance à son petit-fils en mettant son nom sur le document comme père de l’enfant. Le même scénario s’est répété lorsque le défunt prêtre va à son tour dresser un acte de naissance à son fils en portant lui-aussi le nom de son papa à lui comme père de son enfant. En fin de compte donc, son enfant s’est retrouvé avec deux actes de naissance comportant plutôt les noms de ses grands-pères (maternel et paternel) comme père.
Biens accaparés
Pour relativiser le bricolage, Alberte Sandrine explique que son défunt mari a omis de mentionner son nom sur l’acte de naissance de leur fils au prétexte qu’étant ministre du culte, il ne devait pas user de sa filiation dans un document officiel. Le sujet connu de la famille n’a jamais posé de problème. L’acte de naissance utilisé par le militaire est celui établis par le défunt prélat. Selon la «veuve» du prélat, c’est le plaignant qui a lui-même conçu le troisième acte de naissance attribué à son fils pour le noircir. En 1996, Alberte Sandrine raconte qu’elle a officiellement épousé le prêtre devant le maire. Le prélat a définitivement accroché sa soutane le 14 mars 2002, jour de son décès. «Je l’ai connu [parlant du plaignant] trois jours après le décès de mon mari.»
Elle se souvient que lors du conseil de famille en prélude au jugement d’hérédité attaqué, il a été demandé à ce dernier de présenter la preuve de sa filiation avec le défunt prêtre. En vain. Elle confie que sa belle-famille l’a convaincue de ne pas présenter son acte de mariage au tribunal par crainte de salir la vie sacerdotale du défunt. C’est pourquoi le jugement attaqué ne lui reconnaît pas son droit de veuve (usufruit). Maman Sandrine pense que l’objectif du plaignant ne vise qu’à faire main basse sur l’héritage de l’ancien prélat. «J’ai été sa maman chérie de 2002 à 2012. Quand je lui ai produit la liste des biens, les problèmes ont commencé. Il veut tout accaparer.»
Une boulimie qu’elle combat. «Je lui ai donné la maison du village. J’ai même divisé la maison de Yaoundé en deux. Ça ne suffit pas ! Je suis à deux ans de la retraite. Tout le village est fatigué de lui ! J’ai souvent enfermé les gens qu’il envoie m’agresser.» Elle promet porter plainte contre le plaignant pour «contrefaçon», car il se prévaut d’un acte de naissance frauduleux faisant du défunt prélat son père. Son avocate a sollicité et obtenu un report d’audience pour apprêter les éléments de preuve à conviction à verser aux débats. Ce sera le 26 novembre 2018.
Avec 237 online