Le deuxième, évêque métropolitain de Yaoundé, réaffirme la nécessité pour l’Eglise de rester politiquement neutre, après les réserves émises par son homologue de Douala et non président de la Conférence épiscopale, quant à la transparence du scrutin présidentiel.
Lors d’une conférence de presse qu’il a donnée le 24 octobre dernier, soit deux jours après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 07 octobre dernier, l’archevêque métropolitain de Douala et non moins président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (Cenc), Mgr Samuel Kleda, a émis un certain nombre de réserves quant à la transparence du processus ayant conduit à la réélection de Paul Biya. « L’Eglise, a estimé le prélat, demande qu’une élection soit transparente, libre ; et ce sont les citoyens qui choisissent. Ils sont capables d’élire quelqu’un et de le démettre quand il ne répond plus à leurs aspirations. Si quelqu’un est élu de manière transparente, c’est à partir de ce moment qu’on dit que Dieu lui a donné le pouvoir ». Or, a-t-il poursuivi, dans le contexte camerounais en particulier et africain en général, «on a l’impression qu’avant d’aller aux élections, on connaît déjà les résultats ». Mgr Samuel Kleda a la ferme conviction que l’élection présidentielle « donne l’occasion à un peuple de s’exprimer et de faire des choix concernant la gestion de son propre pays. L’électeur voudrait que quelque-chose change sur sa situation et il choisit un dirigeant qui pourra le faire. Si je prends l’Extrême-Nord, le Rdpc a eu 89%. Cela me fait beaucoup réfléchir dans ce sens que cette région est aujourd’hui la moins développée au Cameroun. Dire que ces gens qui souffrent presque chaque année pendant la période de soudure […] ont voté à 89%, ça me pose sérieusement un problème. On dirait qu’il y a beaucoup d’analphabètes, des gens qui ne sont pas capables par eux-mêmes d’analyser et qu’on profite de cette situation ».
Opposition
Autre curiosité du dernier scrutin présidentiel aux yeux de l’archevêque métropolitain de Douala, le score à la soviétique de Paul Biya dans les régions du Nord-Ouest (81,4% de voix) et du Sud-Ouest (77,69% de voix). « Je regarde encore la zone anglophone où les résultats du parti au pouvoir sont très élevés. Alors, quand il s’agit des élections, au moment où on n’a pas pu battre campagne là-bas, d’où viennent tous ces pourcentages du parti au pouvoir? Ce sont les questions que je me pose concernant cette élection, comme devrait le faire tout Camerounais. Ça veut dire que tous les problèmes que nous cherchions à résoudre avant les élections seront là et ne trouveront pas de solutions, étant donné que tout va continuer normalement. Ce sont les questions que je me pose en tant qu’évêque, en tant que président de la Conférence épiscopale ». Depuis cette déclaration, Mgr Samuel Kleda est pris en grippe par la presse à capitaux publics et certains médias privés qui l’accusent pratiquement de rouler pour l’opposition.
Mgr Bala
Même au sein de l’Eglise catholique qui est au Cameroun, l’on se désolidarise de sa sortie pour le moins virulente sur la présidentielle. Ainsi de son homologue archevêque métropolitain de Yaoundé, Mgr Jean Mbarga, qui reste convaincu que « la religion dans une société est politiquement neutre ». « On peut, juge-t-il, dire apolitique, pour la simple raison que la religion chrétienne, musulmane, ou autre, met les hommes, tous les hommes, chaque homme, en relation avec Dieu. Et pour jouer ce rôle de rassemblement des enfants de Dieu, il faut être tout à tous, comme dit Saint-Paul », explique-t-il dans une interview accordée à Cameroon tribune, hier lundi. Mgr Jean Mbarga est ferme : « le Cameroun a voté des lois et des procédures qui humanisent et légalisent le processus d’accès aux postes de responsabilité, notamment à la présidence de la République. A partir du moment où ce processus a joué son rôle, inéluctablement, la personne qui en sort élue est légalement constituée, et a droit à la reconnaissance de tous les citoyens […] Les tensions électorales finissent avec la proclamation des résultats ».
Dans cette sortie qui a tout l’air d’avoir été suscitée par le pouvoir, le prélat trouve que le Conseil constitutionnel « a fait une entrée magistrale dans la scène politique et publique » du Cameroun. Ces sons de cloches discordants au sein du clergé sont loin de relever de l’inédit. Les deux prélats étaient déjà en opposition sur le décès dans des conditions demeurées troubles de Mgr Jean-Marie Benoît Bala, en juin 2016. Samuel Kleda, persuadé que l’évêque avait été « brutalement assassiné », était pour la manifestation de la vérité avant l’organisation des obsèques. Jean Mbarga, quant à lui, prônait la retenue et appelait ses confrères à faire confiance à la justice.