Elu président du Brésil, le nationaliste Bolsonaro a axé sa campagne sur la sécurité et la lutte anti-corruption. Outre un alignement sur la politique nord-américaine, il a promis de réduire la dette par une vague de privatisations.
«Nous allons changer ensemble le destin du Brésil», a déclaré le soir du 28 octobre, Jair Bolsonaro, après l’annonce de sa victoire au deuxième tour de la présidentielle. «Nous ne pouvons plus continuer à flirter avec le socialisme, le communisme, le populisme de gauche», a ajouté le candidat nationaliste, qui l’a emporté sur son adversaire de gauche Fernando Haddad.
Décrit comme un «fasciste» et accusé d’autoritarisme, d’homophobie ou encore de racisme par ses adversaires, présenté comme un «Trump tropical» par la presse internationale, Bolsonaro a promis, le soir du 28 octobre, de défendre «la Constitution, la démocratie, la liberté». «Ceci n’est ni la promesse d’un parti, ni la parole vaine d’un homme, mais c’est un serment devant Dieu», a-t-il ajouté.
Si ses déclarations polémiques, et notamment son soutien à la junte à la tête du pays de 1964 et 1985, ont quelque peu éclipsé ses propositions de campagne, le représentant du Parti social-libéral (PSL) a porté un projet politique et économique résolument de droite, axé sur la sécurité et la lutte anti-corruption.
Sécurité : faciliter le port d’arme et muscler les interventions des forces de l’ordre
Jair Bolsonaro se veut restaurateur de l’ordre dans un pays qui a connu 60 000 homicides en 2017. Pour ce faire, il propose un assouplissement de la législation sur le port d’armes, afin que les «bons citoyens» puissent assurer leur protection. «Les armes sont des instruments qui peuvent être utilisés pour tuer ou pour sauver des vies. Ça dépend de qui s’en sert», a-t-il notamment fait valoir.
Il a également promis d’assurer la «protection juridique» des policiers s’ils font usage de leur arme en service, arguant : «Si jamais l’un de nous, civil ou militaire, est attaqué et riposte par 20 coups de feu, il doit être décoré et non condamné.»
Enfin, le représentant du PSL s’est engagé à mettre fin aux programmes de libération conditionnelle ou d’aménagement de peine. Il souhaite par ailleurs l’abaissement de la majorité pénale de 18 à 17 ans.
Corruption : former un «gouvernement décent»
La lutte contre la corruption a constitué l’autre cheval de bataille de Jair Bolsonaro durant la campagne : «Nous voulons un gouvernement décent, différent de tout ce qui nous a plongé dans la crise éthique, morale et budgétaire», a-t-il martelé.
Car il s’agit bien d’un fléau endémique au Brésil : selon France Inter, plus de la moitié des candidats de ces élections générales (les Brésiliens votent à la fois pour leur président, la plupart de leurs parlementaires et les représentants des Etats fédérés) étaient encore sous le coup d’une procédure judiciaire. Une situation illustrée, notamment, par le scandale de corruption ayant éclaboussé le président sortant, Michel Temer. Dans ce contexte, Jair Bolsonaro a pu se targuer de n’avoir, à ce jour, jamais fait l’objet de poursuites judiciaires pour corruption.
Société : conservatisme et lutte contre le «marxisme» scolaire
Conservateur assumé, Jair Bolsonaro s’est fait le porte-voix des groupes de pression dits «Balles, Bible et Bœuf», réunissant partisans du port d’arme, évangéliques et propriétaires terriens. Sur les questions sociétales précisément, le candidat du PSL a promis d’opposer son véto à toute tentative d’assouplissement de la loi sur l’avortement en vigueur, bien que ce point n’était pas mentionné dans son programme. Au Brésil, l’IVG n’est autorisée qu’en cas de viol, de risque pour la mère ou de grave malformation du cerveau du fœtus.
En matière d’éducation, le nationaliste souhaite «plus de mathématiques, plus de sciences et de portugais […] sans endoctrinement ni sexualisation précoce». Il a affirmé vouloir promouvoir l’enseignement par correspondance dans les localités difficiles d’accès, pour «aider à combattre le marxisme», que prôneraient des enseignants, et pour faire des économies. Il s’est également dit favorable à la réduction des quotas raciaux dans les universités (visant à aider les minorités).
Economie : privatisations et libre-échange
Jair Bolsonaro doit placer aux commandes d’un nouveau super-ministère de l’Economie son conseiller Paulo Guedes, qui prône une simplification «brutale» des taxes et de nombreuses privatisations, avec pour objectif de réduire de 20% l’importante dette brésilienne (plus de 77% du PIB). Le programme économique du candidat nationaliste prévoit également la création d’un système parallèle de retraite par capitalisation.
Par ailleurs, à une époque de remise en cause de la globalisation économique un peu partout en Occident, le candidat brésilien se montre plutôt partisan du libre-échange. D’après le quotidien brésilien Folha de S.Paulo, Jair Bolsonaro compte ouvrir davantage l’économie brésilienne au commerce international, via des accords bilatéraux de réduction des tarifs douaniers.
Politique étrangère : dans les pas de Donald Trump ?
«Nous allons arrêter de faire l’éloge de dictatures assassines [en référence au Venezuela] et de dénigrer des démocraties importantes comme les Etats-Unis, l’Italie ou Israël», a fait savoir Jair Bolsonaro.
En avril dernier, déjà, le nationaliste déclarait vouloir faire tout son possible pour que le gouvernement vénézuélien «soit démis de ses fonctions», selon des propos rapportés par la Folha de S.Paulo. Selon ce journal, Jair Bolsonaro défend l’idée de sanctions à l’encontre de Caracas.
Le favori de la présidentielle entend également marcher dans les pas de Donald Trump sur le dossier israélo-palestinien, en transférant l’ambassade du Brésil en Israël, de Tel Aviv à Jérusalem. De plus, Jair Bolsonaro a fait savoir qu’il fermerait l’ambassade de Palestine à Brasilia (le Brésil reconnaît depuis 2010 la Palestine comme Etat indépendant).
De telles décisions et orientations constitueraient des ruptures avec la tradition diplomatique brésilienne. L’actuel le ministre des Affaires étrangères et du Commerce extérieur du Brésil, le centriste Aloysio Nunes, néanmoins, avait récemment tempéré cette perspective : «La politique étrangère ne sera pas modifiée par l’humeur du président», selon le chef de la diplomatie, cité par le journal O Estado de S. Paulo, mettant également en avant les divergences sur les questions internationales traversant le parti de Jair Bolsonaro, le PSL.
Avec RT France