J’ai eu trois accidents de circulation dans ma chienne de vie. Le premier, remonte à 8 années aujourd’hui. J’avais failli y passer. Le second remonte à 2013 et le troisième à 2015 qui m’a valu les deux pieds cassés, dont l’un déchiré, les bras écorchés profondément, la tête touchée et 5 jours dans le commat. Je regarde souvent ces épisodes de ma vie et je me pose une seule question : si j’étais mort depuis 2010 à quoi aurais-je servi aujourd’hui ? Telle est notre chienne de vie; face à nos souffrances qu’on essaie juste d’exulter aux yeux du monde, ils nous brandissent le spectre de la mort pour nous imposer une résignation. Mais telle est notre chienne de vie, un cheminement à pas ronflant vers le gros trou noir de son irrémédiable destinée; la mort. En 1986 Biya a fait assassiner plus de 200 officiers et sous-officiers nordistes. La même année, il a fait tester un gaz par les Israéliens à Wum qui a tué plus de 2000 vies humaines et animales. En 1990 il a abattu sa propre femme de sang froid parce qu’elle avait osé lui demander de quitter cette chose.
Mais Maman Jeanne Irène n’est pas morte seule, il a fait tuer aussi toutes les sœurs d’église et le prêtre qui eurent vu sa dépouille criblée de balle. En 1992 il a tué 6 personnes parce qu’elles avaient osé demander le multipartisme. En 1994, il fit assassiner Engelbert Mveng, confident de feu Irène Biya. Je ne veux pas compter ici tous les hommes religieux qui sont morts sous sa mains sataniques, ooh ils sont très nombreux. Je ne veux pas parler de Bibi Ngota, de Njawe et des autres, des neufs disparus de Bépanda ou encore des deux centaines de morts de la grève de 2008, des milliers de cadavres de nos frères anglophones ou de l’assassinat de Mgr Bala. Toute. . . une vie, un règne bâti sur un promontoire de cadavres maquillé avec des artifices aux couleurs de la démocratie ; multipartisme fabriqué : 500 partis de l’opposition mais un seul réel opposant, liberté illusoire de la presse, liberté illusoire d’expression, liberté illusoire de manifestation, démocratie mon gros oeil!
On vous frappe avec un tissu dans la bouche pour vous empêcher de crier mais là n’est pas le plus dur. Le plus dur, oui, le plus dur c’est justement d’avoir des yeux largement ouverts obligés regarder un peuple se satisfaire de sa propre misère, de ses propres souffrances. On viole une enfant, des gens applaudissent, d’autres s’en moquent ; on assassine un évêque ça n’émeut personne ; on emprisonne innocemment des gens et vous voyez des cancres qui s’en délectent, ô turpitude !
Comment fait-on pour s’adapter à une société profondément malade? Des gens dépensent des sommes faramineuses d’argent tous les mois pour soigner leurs propres mamans, grands mamans, grand-pères de 86ans, parfois moins, qui chient sur elles, pissent sur elles, ne distinguent plus rien, ne se souviennent plus de rien, arrivent à s’exprimer à peine, mais ce sont les mêmes qui au quotidien se battent pour nous imposer à la tête de notre pays un homme du même âge que leur maman, que leur papa ou grand!
Non, nous n’avons pas voté pour une image, non! Nous avons voté pour l’homme qui était avec nous, qui est venu nous sortir de nos cases jusqu’aux milieux de la nuit pour nous dire qu’il était là pour que nous changeons ensemble nos vies calamiteuses. Nous avons voté pour cet homme qui au lieu de prendre ses vacances en Europe et de se la couler douce quelque part sur une plage à Hawaï ou à Rio était avec nous sous la pluie, dans la boue; nous n’avons pas voté pour Biya qui a dépensé des centaines de millions de notre argent pour aller tenir sept minutes d’un discours vide et ridicule devant une population ciblée comme étant ses moutons, non; nous avons voté pour celui qui a failli se noyer en juillet dernier dans un courant d’eau à Poli alors qu’il allait à la rencontre des populations de là-bas tard dans la nuit, au grand mépris de l’insécurité qu’il fait dans ces villages perdus dans le vide et pris à travers les griffes trop épaisses de la précarité. Cet homme pour qui nous avons voté c’est bien Maurice Kamto. Monsieur Biya n’ayant pas d’électeurs pour sa cause a dû réveiller des morts par milliers, et même certains qu’il avait lui-même assassiné pour qu’ils lui accordent leurs votes. Et si les morts ont voté pour monsieur Biya c’est sûrement parce que désormais son royaume se trouve de l’autre côté du visage ; qu’il aille gouverner ces morts en espérant que ceux-ci à la place ne réclament pas justice contre son âme. Nous n’avons pas voté pour un homme pareil et pour nous notre président est bel et bien Maurice Kamto.
Des agents de sécurité qui n’ont hélas pas eu assez de compétences pour acquérir ne serait-ce que leur diplôme de CEPE ‘normalement’ en viennent aujourd’hui à nous menacer de mort pour peu qu’on refuse de reconnaître leur dieu comme étant celui du bas peuple, le nôtre. Avons-nous peur de mourir ? Sommes-nous encore en vie? Depuis 36années notre pays est une grosse tombe à la bouche largement ouverte vers les humeurs et les envies sanguinaires d’un seul homme. Pendant 36années cette tombe a bouffé sans se reposer l’estomac nos pères, nos mères, nos frères, nos sœurs, nos fils, nos filles. Certains ont d’abord été vidés de leur sang, d’autres de leurs organes et d’autres encore ont simplement servi de repas à la table de nos dirigeants. . . Avons-nous peur de mourir ?! Vraiment ? Les voyages routiers, c’est d’ailleurs tout ce que nous avons, dans notre pays sont devenus de longues épreuves qu’on affronte avec une grosse marge de possibilités d’échouer, que dis-je, de s’échouer en chemin sur les nids de notre fatalité : la mort. Combien sont-ils que nous perdons chaque jour parce que Biya et ses vampires utilisent l’argent de nos routes pour se payer la nuitée d’un hôtel à 25 millions de francs CFA ? Combien sont-ils que nous avons perdu parce que monsieur Biya utilise l’argent de nos vaccins, de nos kits, de nos hôpitaux pour envoyer ses très chers amis se soigner en Europe ? Et je pense au Docteur Faycal, paix à son âme, mort de suite d’une morsure de serpent ; l’antidote avait manqué dans les boîtes à pharmacie de notre pays. Et Monique Koumaté, et ses deux jumeaux ? Sont-ils vivants aujourd’hui ? Pourquoi ne le sont-ils pas ? La mort est une fatalité qui n’épargne pas celui qui tue, jamais !
Il faut bien mourir de quelque chose; je mourrai sûrement pour sauver mon pays; pour que mon âme côtoie dignement celle de Um Nyobe, de Moumié, de Ouandié, De Samba, de Bell, tous ces héros effacés de notre mémoire par 36années de spoliation et de dénie.
Allégeance à mon seul chef, son excellence Monsieur Maurice Kamto.