Après les élections locales en Côte d’Ivoire, le bruit et la fureur se sont calmés, même si des contentieux électoraux demeurent non réglés – et il n’est pas sûr que le verdict à venir du Conseil constitutionnel parviendra à mettre d’accord les protagonistes qui s’en remettront à lui pour les départager. Mais on peut d’ores et déjà tirer les grandes leçons des dernières élections municipales et régionales du 13 octobre 2018 en Côte d’Ivoire… Une analyse exclusive de Théophile Kouamouo pour Afrique-sur7.fr.
Leçon numéro 1 des élections locales : le « pari RHDP » est perdu
On doit le dire tout net : le PDCI d’Henri Konan Bédié est – au-delà de l’addition des différentes communes et régions gagnées par les uns ou par les autres, qui n’a pas beaucoup de sens – le grand gagnant de ce scrutin. Il n’a pas été englouti par le RHDP. Un grand nombre de ses cadres demeurés fidèles au successeur d’Houphouët-Boigny ont triomphé de la machine financière, administrative et – il faut le dire – répressive du régime Ouattara. Bien entendu, le cas le plus emblématique est le Plateau, la commune du pouvoir, que le pouvoir voulait récupérer à toute force au profit de Fabrice Sawégnon. Au point où des observateurs ont vu son ombre derrière les déboires de Noël Akossi Bendjo, maire PDCI « historique », révoqué par l’administration Ouattara, dans le but manifeste de faire place nette. Las. C’est Jacques Ehouo, un « bon petit » de Bendjo, qui a finalement remporté la mise. Humiliant au passage « le chouchou » du Palais présidentiel, au terme d’un rocambolesque feuilleton à la Commission électorale. Comme lors des dernières législatives à Cocody avec Yasmina Ouégnin, la jeunesse pro-PDCI s’est mobilisée pour barrer la route aux alassanistes. Et force est de constater qu’elle se forge une combativité et des réflexes militants qui seront forcément utiles quand arrivera le « grand gnaga » de 2020.
Le lent affaiblissement du camp Ouattara
Les conditions dans lesquelles les récentes élections ont été organisées sont le signe de la frilosité qui s’est emparée d’Alassane Ouattara, de son clan et de son parti. Alors qu’en août dernier, il promettait – en tentant le coup du bon roi magnanime – la modification de la composition d’une Commission électorale condamnée par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, il choisissait finalement de maintenir son « avantage comparatif », c’est-à-dire un Youssouf Bakayoko désormais délesté de toute crédibilité. Comme s’il était urgent de surprendre les alliés-adversaires du PDCI et de les vaincre, y compris dans le cadre d’un combat truqué. Objectif ? Construire, à l’international, un récit où son parti tient le bon bout et est « majoritaire » dans le pays.
Mais la réalité se rappelle toujours au meilleur communicant. De facto, le RDR rebaptisé RHDP est quasiment aussi isolé qu’avant la rébellion armée du 19 septembre 2002. Il s’est aliéné le PDCI, le FPI et même les soroïstes (dont il faut noter les revers électoraux à Abobo et à Fresco). Dans l’impasse, il sait qu’il lui reste une armée désormais façonnée à son image et fort peu républicaine, ainsi que les institutions électorales pour les batailles à venir. A priori, la première demeurera à sa main. Jouera-t-il le jeu de la réforme de la CEI réclamée à cor et à cri ? Remerciera-t-il « son » Youssouf Bakayoko, qui a tout arrangé à son profit depuis 2010 ? Rien n’est moins sûr.
Après les élections locales, un avenir en forme de points d’interrogation…
Car 2018 est, dans l’esprit de tous, un « échauffement » dans la perspective du « vrai match » en 2020. Et à l’aune de cette échéance, rien n’est réglé. Le PDCI reprend du poil de la bête, mais parviendra-t-il à trouver un candidat validé par Bédié, par tous les barons qui attendent leur heure, et par la base ? Et si Bédié lui-même, enhardi par les récents succès, se mettait à vouloir être candidat pour récupérer, plus de 20 ans après, le fauteuil qui lui a été volé un certain 24 décembre ? Ouattara l’a prévenu : une telle perspective le jetterait lui aussi dans une bataille qui, du coup, n’obéirait à aucune norme civilisée.
Face à des adversaires qui, depuis au moins 2002, réagissent plus à sa stratégie qu’ils n’élaborent la leur, Ouattara peut toujours se rendre illisible pendant un certain temps et frapper un grand coup, en sponsorisant au final une figure inattendue, qui pourrait même venir du PDCI pour mieux l’achever. Car le FPI – tendance majoritaire c’est-à-dire Sangaré – ne brille pas non plus par sa propension à l’initiative politique et à la construction d’alliances. Après avoir boyccotté toues les élections qui ont suivies sa perte du pouvoir, il ne s’est pas non plus lancé dans la bataille pour les élections locales. Il attend pour se réorganiser sur le terrain un Laurent Gbagbo otage des amis de M. Ouattara ; ce qui signifie que c’est le même Ouattara qui tient dans ses mains l’agenda de son rival le plus craint. Une hirondelle ne fait pas le printemps. Une élection dans une démocrature africaine peut-elle produire autre chose qu’un buzz passager ?
Avec afrique-sur7