Le commerce informel a pris un véritable envol dans les rues de Libreville, la capitale gabonaise, au cours de ces dernières années et constitue une activité lucrative qui brasse plusieurs milliards de F CFA par an, selon une estimation du ministère des Finances et de l’Economie. En plus d’échapper au contrôle de l’Etat, il dérange les pouvoirs publics.
Le secteur informel jadis presque inexistant est réellement apparu avec l’inflation galopante qui a débuté en 1986. Au cours de la période 1993-1995, les prix avaient augmenté de 32,4 à 35,6 % et dans une proposition moindre entre 1995 et 1996. Le commerce informel a créé des vagues d’inflation spontanément entretenues par des commerçants désireux de s’enrichir sur le court terme.
« La crise qui frappe le Gabon s’était amplifiée après la dévaluation du franc CFA survenue en 1994. Aujourd’hui, à cause de la chute du prix du baril de pétrole et l’épuisement des réserves pétrolières, la crise met en péril une large partie du tissu économique avec pour conséquence la baisse des recettes de l’Etat », commente Michel Nzamba, contrôleur des impôts.
La crise économique fait émerger une politique fiscale de proximité
Il y a quelques années, le commerce informel constituait essentiellement le domaine d’intervention des Ouest-Africains et des voisins Camerounais. Depuis peu, les Gabonais s’y sont intéressés. Devenus très nombreux, les commerçants des rues concurrencent dangereusement avec les magasins légalement installés. Les produits coûtent chers au Gabon car ils sont le plus souvent importés. Le pays qui est peuplé d’un peu moins de deux millions d’habitants n’est pas encore arrivé à assumer totalement son autosuffisance alimentaire. Pour freiner l’augmentation des prix, le gouvernement avait récemment revu à la baisse une liste de produits de première nécessité car la vie chère ne permet plus aux populations les plus démunies de vivre décemment au quotidien.
« Le secteur informel a servi à quelques opérateurs qui n’ont pu obtenir des crédits, de monter des affaires à structure et à gestion urbaine », a expliqué Colette Mezui, une enseignante reconvertie dans la vente des bijoux importés du Benin.
Aujourd’hui, les femmes qui sont parties de l’informel et qui ont réussi, régularisent leurs activités pour justifier la provenance de leurs capitaux. Même si elles ont du mal à s’adapter aux règles fiscales du pays.
« Pendant ce temps, les autorités du pays essayent également de réorganiser le paysage entrepreneurial en renforçant leur rôle d’incitateur de création d’entreprises, en éliminant les distorsions sur le marché et en faisant émerger le dynamisme du système productif », selon un agent de banque.
« Le commerce informel représente un manque à gagner fiscal important pour l’Etat et malgré la chasse aux commerçants et commerçantes de la rue par la police municipale, l’activité informelle s’est bien installée et fait partie du quotidien », constate un contrôleur de la mairie de Libreville, dont le service est chargé d’éloigner les vendeurs ambulants des édifices publics.
Paradoxalement, ce sont les fonctionnaires qui sont les meilleurs clients du secteur informel car initialement limité à la rue, le commerce informel a gagné les bureaux où certains fonctionnaires achètent parfois à crédit. Effectivement, la population parmi laquelle des agents de l’Etat, trouve son compte.
Avec la vie chère et la flambée incessante des prix, certains Gabonais découragés d’attendre indéfiniment un emploi à la fonction publique, premier employeur du pays, se sont découverts des vocations d’investisseurs et tout est devenu prétexte à faire du commerce.
Avec financial