Le Fonds monétaire a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour l’économie mondiale. Le PIB devrait s’établir à 3,7% pour 2018 et 2019 à l’échelle de la planète. La surenchère des mesures protectionnistes et la situation des émergents inquiètent particulièrement les économistes de l’institution.
Les doutes se multiplient sur l’économie mondiale. Dans son dernier de bulletin de prévisions économiques, le Fonds monétaire internationale (FMI) table sur une croissance à 3,7% en 2018 et 2019, soit 0,2 point de moins que prévu en avril pour les deux années. Pour l’économiste en chef de l’institution internationale Maurice Obstfeld, « des nuages s’annoncent à l’horizon. La croissance s’est avérée moins équilibrée qu’on ne l’espérait. Non seulement certains des risques de dégradation que nous avions recensés dans notre dernier rapport sur les Perspectives de l’économie mondiale se sont matérialisés, mais de plus, la probabilité de nouveaux chocs sur notre prévision de croissance a augmenté. »
Moins optimiste, le FMI considère que plusieurs politiques économiques menées dans de grands pays industriels “sont intenables”. Avec de telles projections, le FMI s’aligne sur celles de l’OCDE qui prévoit également une croissance de 3,7% pour l’économie mondiale.
[“La politique commerciale reflète le contexte politique et le contexte politique est incertain dans plusieurs pays, ce qui représente des risques supplémentaires”, a averti au cours d’une conférence de presse l’économiste en chef du FMI Maurice Obstfeld. Crédits : Reuters.]
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Une croissance moins synchronisée
Après avoir connu une phase d’expansion vigoureuse à la fin de l’année 2017, l’activité mondiale a perdu “une partie de l’élan” au premier semestre 2018. Dans quelques pays développés, la croissance a connu une inflexion tandis que les pays émergents et les pays en voie de développement ont connu une croissance “plus ou moins similaire à celle observée en 2017.”
Outre un ralentissement de la croissance, les économistes basés à Washington notent que l’expansion mondiale devrait être moins “synchronisée”. Contrairement à 2017 où l’accélération de la croissance a été “la plus largement partagée à l’échelle internationale depuis 2010”, il semble que moins de pays devraient connaître une telle accélération cette année et en 2019, particulièrement chez les pays avancés. La position des pays dans le cycle présente des divergences.
“L’expansion culmine dans certains pays, alors que d’autres pays continuent de sortir d’une profonde récession.”
Exacerbation des tensions commerciales
S’il est encore difficile d’affirmer qu’il y a une véritable “guerre commerciale”, la remise en cause du multilatéralisme et la multiplication des mesures protectionnistes “représentent des menaces sérieuses sur le commerce mondial”. La montée en puissance des mesures restrictives au libre-échange et la renégociation de grands accords de libre-échange comme l’Alena ou des accords entre le Royaume-Uni et l’Union européenne “ont créé une incertitude généralisée à l’égard des coûts des futurs échanges.”
L’institution s’inquiète d’une exacerbation des tensions commerciales et des obstacles au commerce à l’échelle mondiale. Selon des simulations opérées par le fonds, le PIB mondial pourrait diminuer de 0,8% en 2020 et resterait en retrait d’environ 0,4% à long terme par rapport à un scénario sans tensions commerciales. Les risques pourraient évidemment avoir des conséquences divergentes en fonction des pays et de la place de ces pays dans les échanges extérieurs.
“Les perturbations causées par une intensification des restrictions aux échanges pourraient s’avérer particulièrement notables aux États-Unis et en Chine,avec des pertes de PIB de plus de 0,9% aux États-Unis et supérieures de 1,6% en Chine en 2019, et dans les pays partenaires commerciaux de l’Aléna, où le PIB devrait (selon les simulations) être inférieur de plus de 1,6% en 2020 qu’en l’absence de mesures tarifaires.”
Outre ces pays fortement exposés, le protectionnisme américain peut également avoir des effets indirects sur la chaîne de valeur de la production mondiale. Selon une étude Coface publiée ce mardi, le protectionnisme américain pourrait“avoir des effets de contagion significatif sur les chaînes de valeur mondiales.” “Les États-Unis pourraient même être touchés par leurs propres mesures”, a rappelé l’économiste Mélina London lors d’un point presse.
Un net ralentissement dans les pays avancés
Les signes de ralentissement devraient être très visibles dans les pays avancés. Le FMI prévoit en effet un coup de frein de la croissance passant de 2,4% en 2018 à 2,1% en 2019, après 2,3% en 2017.
En zone euro, cet essoufflement est déjà bien marqué cette année par rapport à 2017 (2% contre 2,4%) et devrait se poursuivre en 2019. Le FMI ajoute qu’il a révisé à la baisse ses prévisions pour l’union monétaire. À l’intérieur de la zone, les prévisions de croissance pour l’Allemagne (1,9%), la France (1,6%) et celle de l’Espagne (2,7%) ont toutes été révisées à la baisse. En revanche, les économistes maintiennent leurs projections pour l’Italie à 1,2% pour 2018 et 1% pour 2019 tandis que le gouvernement italien table sur un taux supérieur à 1,6% pour l’année prochaine.
L’exception américaine
L’économie américaine devrait poursuivre son expansion en 2018. Selon les experts du FMI, le PIB mondial devrait augmenter de 2,9% cette année contre 2,2% en 2017. En revanche, elle devrait s’infléchir l’année prochaine à 2,5%. Le FMI a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2019 en raison notamment des mesures protectionnistes imposées sur des produits chinois et les mesures de rétorsion mise en oeuvre contre la puissance asiatique.
La relance budgétaire de l’économie promue par l’administration de Donald Trump a permis de stimuler l’activité américaine à court terme mais les risques de déséquilibres s’amplifient. La réforme fiscale menée par le gouvernement du milliardaire et la relance des dépenses devraient encore creuser le déficit américain en raison notamment “du vieillissement de la population” précise le fonds.
Par ailleurs, les risques de surchauffe se multiplient avec une montée de l’inflation et un relèvement des taux plus rapide que prévu. Ce qui pourrait avoir des conséquences sur l’économie mondiale :
“Comme l’économie américaine fonctionne déjà au-dessus de son potentiel, une politique budgétaire expansionniste pourrait se solder par une inflation non anticipée, ce qui pourrait provoquer un relèvement des taux d’intérêt plus rapide que prévu actuellement aux États-Unis, un durcissement des conditions financières mondiales et une nouvelle appréciation du dollar, avec des répercussions potentiellement négatives sur l’économie mondiale.”
Inquiétudes chez les émergents
La situation dans les pays émergents inquiète les experts de Washington. Pour les pays émergents et les pays en développement, l’organisation internationale a révisé à la baisse ses prévisions de croissance par rapport à celles de juillet dernier (-0,2 pour 2018 et -0,4 pour 2019). Elle devrait se stabiliser à 4,7% pour l’ensemble de ces pays. Le durcissement de la politique monétaire américaine conjugué aux incertitudes sur le plan du commerce international pourraient aggraver la situation de pays comme l’Argentine, le Brésil ou encore la Turquie, déjà confrontés à de graves difficultés sur le plan national.
Lors d’une conférence de presse ce mardi, l’économiste en chef chez Coface Julien Marcillly a rappelé que “les devises émergentes tels que le peso argentin ou le réal brésilien sont toujours sous pression […] Les entreprises doivent faire face à un choc macroéconomique sévère.”
L’endettement des ménages et des entreprises qui ont bénéficié de conditions de financement favorables pendant des années pourrait “constituer une ligne de faille éventuelle” souligne de son côté Maurice Obstfeld.
Sur le plan politique, la montée très rapide du candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro à l’élection présidentielle brésilienne, pourrait encore ajouter des incertitudes chez les chefs d’entreprise et les investisseurs. Le programme de l’ex-capitaine de l’armée de l’air demeure très flou. Loin de se stabiliser, la situation politique en Amérique latine plonge le continent dans un avenir très incertain.
Avec la tribune afrique