Face au risque d’une multiplication des taxes ou des interdictions frappant le plastique vierge, ainsi qu’au rejet croissant de cette matière par les consommateurs, la stratégie consistant à miser sur le recyclage ne suffit plus, estime la banque britannique HSBC. Coca-Cola lui paraît particulièrement bien placé pour profiter des opportunités d’un retour aux bouteilles réutilisables.
Campagnes d’information autour de la pollution marine, restrictions législatives, voire nouvelles contraintes venant des investisseurs… Les metteurs sur le marché d’emballages en plastique, et notamment les producteurs de boissons, sont depuis quelques temps sollicités de toutes parts à opérer un changement de modèle. Si les anciennes stratégies de réponse (communication, lobbying, recours juridiques) continuent de dominer, des tentatives d’adaptation commencent timidement à émerger.
Mais les actions des principales sociétés mondiales productrices de boissons restent encore trop axées sur le seule recyclage, en négligeant ainsi l’objectif d’une réduction du plastique, déplore un rapport publié en septembre 2018 par HSBC.
Les trois objectifs de Coca-Cola jugés insuffisants
Ainsi Coca-Cola, qui avec ses embouteilleurs figure selon la banque britannique parmi les entreprises les plus exposées aux risques de taxes sur le plastique ou de dommages à sa réputation, s’est fixé en janvier 2018 trois objectifs à l’horizon 2030 : collecter chaque année l’équivalent de la quantité d’emballages mis sur le marché, les rendre recyclables à 100% et intégrer au moins 50% de matières recyclées dans ses bouteilles en plastique.
En 2017, au niveau mondial, elle a “rerempli ou collecté l’équivalent de 59% des bouteilles et canettes vendues”,selon HSBC. PepsiCo a aussi multiplié par six la quantité de bouteilles et canettes collectées entre 2014 et 2017 aux États-Unis, et travaille pour augmenter la quantité de plastique recyclé incorporé, aujourd’hui de 9% aux États-Unis et de 16% en Europe, affirme le rapport.
Or, sans compter qu’elles ne sont pas encore suffisamment développées en Asie, d’où vient la grande majorité de la pollution marine, ces actions “ne limitent toutefois pas l’exposition des embouteilleurs à d’éventuelles taxes sur le PET, ni éliminent le lien que les consommateurs feront entre les boissons embouteillées dans du PET et des océans asphyxiés”,note HSBC.
“Du PET vierge est toujours présent dans les bouteilles qui incorporent celui recyclé”, souligne en effet la banque.
“Un véritable intérêt commercial, et non pas seulement éthique”
HSBC conseille alors aux metteurs sur le marché de se tourner vers une solution susceptible de “mieux répondre à toutes ces menaces” : les bouteilles réutilisables. “Une réduction de la consommation de plastique peut être un vrai facteur de différenciation dans l’esprit des consommateurs et des distributeurs”, et Coca-Cola peut particulièrement profiter de cette opportunité, pointe le rapport.
Alors que la majorité des embouteilleurs de PepsiCo ont, en effet, fait dans le passé “l’erreur stratégique de démanteler leurs usines de bouteilles réutilisables, en privilégiant des installations de bouteilles PET à usage unique moins chères et plus rapides”, les embouteilleurs de Coca-Cola dans les marchés émergents “ont pour la plupart maintenu des capacités de remplissage de bouteilles réutilisables”. Sur ce marché, ils ont même pris des parts à PepsiCo, pour qui il serait donc aujourd’hui plus difficile d’y revenir. HSBC cite notamment des usines de l’écosystème de Coca-Cola au Brésil : les bouteilles réutilisables (parfois en PET consigné) y dépassent 20% des emballages mis sur le marché par Cola FEMSA, alors que “Coca-Cola Andina vient de terminer à Rio de Janeiro la construction d’une méga-usine avec une capacité considérable de réutilisation de bouteilles en verre”.
Or, “une fois que les consommateurs ont des bouteilles de Coca-Cola vides dans leurs celliers, et les clients dans leurs espaces de stockage, il est improbable qu’ils investissent dans des bouteilles consignées d’un concurrent”, souligne HSBC, qui estime donc que ce retour aux bouteilles réutilisables “a un véritable intérêt commercial, et non pas seulement éthique”.
Une solution pour chaque problème logistique
Les entreprises de Coca-Cola en Amérique latine ont de surcroît “trouvé la clé pour surmonter les problèmes”logistiques qui, selon nombre d’embouteilleurs, s’opposeraient à un retour aux bouteilles réutilisables : l’organisation et le temps que demandent la collecte et le tri des bouteilles, les grands espaces occupés par les emballages vides et par les machines pour les laver, l’utilisation d’importantes de quantités d’eau, la nécessité d’une adaptation des processus industriels au remplissage, la paresse des consommateurs, etc.
Des bonnes pratiques ont en effet émergé, note HSBC : le traitement et la réutilisation des eaux usées des machines de lavage, l’utilisation d’énergie solaire pour assurer l’autonomie énergétique des usines de remplissage, le recours à divers niveaux de la chaîne logistique de technologies permettant de compenser les coûts liés à l’augmentation de la main d’oeuvre, le lancement de campagnes soulignant les bénéfices économiques pour les consommateurs qui ne paient plus pour l’emballage – intéressants notamment en période de crise économique -, ainsi que pour les magasins, qui vendent des produits recherchés car plus durables.
Le recours à des plates-formes digitales simplifiant les livraisons peut également encourager les consommateurs, sans compter que pour Coca-Cola, les bouteilles en verre ont déjà aujourd’hui une valeur patrimoniale, et que nombre de restaurants et bars gèrent déjà la consigne de bouteilles de bière. Mais surtout, pour être “honnête”, le calcul financier doit prendre aussi en compte le risque de taxes, voire d’un refus par les consommateurs du plastique, martèle HSBC.
Avec la tribune afrique