Selon une étude de France Stratégie, publiée ce mardi, les inégalités touchant les femmes et les descendants d’immigrés sur le marché du travail pèsent lourd sur la richesse nationale.
«Chacun doit comprendre que la lutte contre les discriminations n’est pas un gadget», a lancé, mardi, Myriam El Khomri, à l’occasion de la remise d’un rapport de France Stratégie sur le coût économique des discriminations. La ministre du Travail a promis d’être intraitable avec les entreprises identifiées dans une campagne de testing et qui ne prendraient pas des mesures sérieuses pour lutter contre de possibles pratiques discriminatoires.
«Pas un gadget», en effet, puisque, selon le rapport de France Stratégie, think tank rattaché à Matignon, le manque à gagner lié aux discriminations dans son scénario privilégié s’élève à 150 milliards d’euros, soit 6,9% du PIB (base 2015). Ce scénario considère l’effet positif à attendre d’un meilleur accès aux postes qualifiés des populations discriminées conduisant à une réduction des écarts de salaires entre les différentes catégories tout en maintenant les différences de niveau d’éducation, d’accès à l’emploi et du nombre d’heures travaillées. S’ajoute également l’effet d’un plus grand accès à l’emploi des catégories discriminées. Parmi les quatre scénarios que France Stratégie a analysés, Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie estime que le scénario retenu est «prudent et s’appuie sur des hypothèses réalistes à long terme».
Le manque à gagner peut même aller jusqu’à 310 milliards d’euros, ce qui correspond à une augmentation de PIB de 14,1%! Dans ce cas, on tient compte des effets du scénario privilégié en incluant les effets d’une convergence des durées hebdomadaires de travail entre toutes les catégories de population et des niveaux d’éducation entre populations au niveau du Bac. «Il correspond à un scénario de très long terme», précise l’étude.
Marché du travail
Mais de quelles catégories de population parle-t-on? En raison des données disponibles, l’étude se concentre sur les discriminations selon le sexe et l’origine géographique, mais elle propose également des éclairages sur les discriminations liées au lieu de résidence et au handicap. Après analyse, l’étude conclut que ce sont les femmes qui sont les plus pénalisées, quelle que soit leur origine. Viennent ensuite les hommes natifs des DOM et les descendants d’immigrés d’Afrique (y compris Maghreb).
Quatre dimensions d’inégalités sont donc observées: trois concernent le marché du travail (accès à l’emploi, accès au temps plein, niveau de salaire) et une le système éducatif (proportion de bacheliers). Le marché du travail est en effet le lieu où les discriminations sont les plus pénalisantes dans la mesure où l’insertion dans l’emploi conditionne l’intégration sociale (accès au logement, aux soins, à un réseau social, etc.). Elles coûtent donc cher à l’économie. Plus de la moitié (54 %) des dossiers de réclamations déposés auprès du Défenseur des droits dans le domaine de la discrimination concernent l’emploi, rappelle France Stratégie.
Les femmes, facteurs essentiels de croissance
Dans la totalité des scénarios proposés, la contribution des femmes au gain varie de 83 à 99% de PIB. Dans le scénario le plus prudent, 97% de l’effet sur le PIB s’explique par une hausse de l’accès des femmes à l’emploi et aux postes élevés. Pour les hommes, ils contribueraient entre 1 et 17% (scénario 4).
«Quelle que soit leur ascendance migratoire, les femmes ont un taux d’activité en moyenne inférieur de 10 à 15 points à celui des hommes», elles n’accèdent toujours pas aux postes à responsabilité et les femmes originaires du continent africain sont particulièrement défavorisées, présentant un niveau de chômage plus élevé que la moyenne et «un moindre accès au CDI à temps plein», souligne le rapport. Côté salaires, les femmes gagnent systématiquement moins que les hommes sans ascendance migratoire directe, avec des écarts de rémunération d’environ 12%.
Les hommes originaires du continent africain sont aussi perdants. «A caractéristiques égales, ils ont un taux d’activité plus faible (-4 points) et un taux de chômage significativement plus important (+7 points) que les hommes sans ascendance migratoire». Ils restent défavorisés sur le plan des salaires mais moins que les femmes.
*A noter que pour évaluer les gains économiques à attendre d’une réduction des discriminations, France Stratégie a choisi d’analyser les écarts entre la situation d’un groupe discriminé et celle d’une population de référence, à partir d’enquêtes statistiques puis de mesurer le gain associé à la réduction de ces écarts. Cette méthodologie a ses limites puisque «la comparaison de la situation d’un groupe potentiellement discriminé et d’une population de référence fait apparaître des inégalités qui s’expliquent pour partie par des différences de caractéristiques, à la fois objectives et observées, entre ces groupes: le niveau de diplôme, l’origine sociale, l’âge, par exemple», peut-on lire dans le rapport. On considérera généralement que cette part d’inégalités, ainsi expliquée, ne renvoie pas à des phénomènes discriminatoires.
avec lefigaro