Bouchra Bayed a rejoint Maroc Entrepreneurs dès 2013, admirative du travail accompli par cette association emblématique qui rassemble 12 000 adhérents et 30 entités partenaires, marocaines et françaises. Présidente depuis février 2017, Bouchra Bayed détaille ici les actions menées par l’association en faveur de la diaspora marocaine qui veut entreprendre au pays. Autant de bonnes pratiques très inspirantes. Entretien.
Maroc Entrepreneurs incite les jeunes diplômés marocains vivant à l’étranger, et particulièrement les étudiants aux grandes écoles françaises, à retourner au Maroc pour y créer des entreprises. En quelle manière les accompagnez-vous ?
Bouchra Bayed – Maroc Entrepreneurs est une association à but
non lucratif, créée en 1999 à Paris. Elle regroupe aujourd’hui le plus grand réseau de cadres supérieurs et d’étudiants marocains au monde, avec plus de 12 000 membres. Maroc Entrepreneurs a pour vocation de contribuer au développement socio-économique du Maroc, à travers trois principaux leviers : faire découvrir l’univers de la création d’entreprise et l’actualité socio-économique du Maroc ; établir des synergies entre les entreprises basées au Maroc et les compétences marocaines à l’étranger ; encourager les Marocains résidant à l’étranger, ou des personnes fortement attachées au Maroc, à créer leur entreprise par le biais du programme « Tremplin Maroc ».
Que proposez-vous avec le programme « Tremplin Maroc » ?
Bouchra Bayed – Depuis sa création en 2007, Maroc Entrepreneurs a pu accompagner la création de plus de 60 projets vers le Maroc, et ces dernières années vers l’Afrique.
Tremplin Maroc est le fer de lance de l’association. Son ambition est de proposer aux entrepreneurs en herbe un cadre propice qui leur permettra de franchir toutes les étapes de la création d’entreprise, depuis le stade de l’idée à la définition d’un business plan concret et complet : étude de marché, positionnement, prévisions financières, etc.
Après quoi, nous les accompagnons pour développer leurs compétences grâce à des sessions de formation individualisées, dispensées par des experts en création d’entreprise, et enfin nous les aidons à accroître leur visibilité, à étendre leur réseau, à nouer des contacts privilégiés avec les partenaires investisseurs.
Avez-vous des liens formels avec des fonds d’investissement ?
Bouchra Bayed – Nous avons signé un partenariat en mars 2017 avec un fonds d’investissement de capital-risque pour le financement de startups au Maroc. Cette société de gestion de fonds en capital investissement souhaite s’insérer pleinement dans cette stratégie en structurant un fonds public-privé et nos porteurs de projet pourraient indubitablement en profiter.
Nous avons par ailleurs signé deux partenariats en décembre 2017. Le premier avec la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) (l’équivalent du Medef français) au travers de la 13e Région des Marocains entrepreneurs du monde (MeM by CGEM). Et le second avec l’Association des Femmes chefs d’entreprise du Maroc (AFEM).
Ces deux partenariats permettront à nos porteurs de projet de bénéficier d’un accompagnement, d’un mentorat et d’un appui financier – ou du moins l’accès aux bons interlocuteurs à même de financer leur projet.
Nous avons également eu l’honneur de renouveler notre partenariat avec Mazars Maroc qui fournit une aide précieuse aux lauréats du concours annuel « Tremplin Maroc ». Et nous avons aussi initié un partenariat avec la Caisse centrale de garantie (CCG, équivalent de la CDC française) notamment à travers le fonds Innov Invest.
Des exemples de créations d’entreprises que vous avez accompagnées ?
Bouchra Bayed – Je vous en citerai trois… Wastenergy, une Energy Service Company (ESCO), créée par Sara Bouchikhi, qui permet aux industriels et aux acteurs du tertiaire de réduire leur facture énergétique, en valorisant localement leur gisement de déchets en source d’énergie.
Wastenergy offre ainsi, à tout producteur de déchets souhaitant une énergie à bas coût et durable, une solution clé en main qui lui permet de réaliser des économies et lui épargne le « casse-tête » de la gestion des déchets.
Wastenergy place la dimension développement durable au cœur de sa solution, permet à ses clients de diminuer le recours aux énergies fossiles et participe à la dynamique de développement des énergies renouvelables initiée par le Maroc.
Deuxième exemple, celui de MOWII. Cette plateforme de financement participatif permet aux internautes, notamment ceux de la diaspora marocaine mais pas seulement, de soutenir financièrement des projets entrepreneuriaux économiquement viables et ayant un impact social et environnemental fort au Maroc. Fondée par le Franco-Tunisien Thameur Hemdane, l’entreprise est aujourd’hui connue sous le nom de « Afrikwity » [voir notre article : http://www.forumdesdiasporas.com/portrait-afrikwity]
Enfin, ethicPhone. C’est une plateforme unifiée proposant un service complet de téléphonie mobile, paiement, de transfert d’argent et de services à l’international à faible coût. Fondée par Mouhamed Diakité, eticPhone est la première application de paiement mobile pour la diaspora africaine en France.
Elle offre une gamme de solutions innovantes pour relier la diaspora africaine domiciliée en France et les personnes vivant en Afrique en isolement extrême, sans accès à l’électricité ou toute infrastructure de services similaires.
Comment faire pour faciliter encore la prise d’initiative des candidats entrepreneurs de la diaspora ?
Bouchra Bayed – Les mesures incitatrices mises à disposition des entrepreneurs de la diaspora n’ont cessé de se multiplier ces cinq dernières années. Les pays d’origine ont intégré le rôle prépondérant de ces potentiels investisseurs dans le développement socio-économique.
D’ailleurs, une nouvelle vague d’entrepreneurs d’origine marocaine a adopté le principe de la colocalisation, en vogue depuis 2012. Ces chefs d’entreprise ont souhaité partager leurs compétences et créer une chaîne de valeurs profitables aux deux rives. Il serait donc intéressant pour les pays d’origine de continuer sur cette lancée en mettant en place des outils innovants et répondant aux besoins des entrepreneurs, toutes générations confondues.
À titre d’exemple, adopter une stratégie entrepreneuriale pédagogue : mettre en place davantage de relais d’information, de formation, de coaching, de financement en fonction des profils d’entrepreneurs, de l’activité, de la maturité du projet.
La mise en place de la 13e Région MeM by CGEM est un exemple illustrant parfaitement cette volonté du Royaume d’attirer plus d’investisseurs franco-marocains issus de la diaspora dans une seule et unique région virtuelle [Le Maroc compte en réalité 12 régions, la « 13e » région désigne en fait la communauté des Marocains de la diaspora, que l’on appelle ici les MRE, les Marocains résidant à l’étranger, ndlr]. L’un des objectifs étant d’échanger et de partager les différentes expériences et expertises afin de créer un écosystème favorisant le développement économique et social.
Les écueils ne se réduisent pas non plus à des problématiques propres au pays d’accueil. L’entrepreneur sera également amené à faire preuve d’adaptabilité, de patience et d’opiniâtreté. L’entrepreneuriat est une motivation qui se préserve et se nourrit.
Parlons un peu de vous… Vous êtes originaire d’une famille d’entrepreneurs de Casablanca, vous êtes diplômée d’un Master Finance d’entrerprise de l’École de de Management de Normandie… avez-vous le sentiment d’incarner un exemple de/pour la diaspora ?
Bouchra Bayed – Oui, j’espère incarner un exemple de la diaspora marocaine. Le chemin parcouru n’a été pas linéaire. J’ai eu la chance d’avoir des parents clairvoyants, qui ont investi en nous – je suis l’aînée d’une fratrie de trois enfants – et qui nous ont épaulés tout au long de notre parcours. Il me faudra une autre vie pour les remercier de leur investissement et de leur confiance.
Que vous apporte votre double culture ?
Bouchra Bayed – La double culture a été un réel atout pour moi, qu’il s’agisse de mon parcours estudiantin ou professionnel. Mais, elle se construit tout au long d’une vie.
J’ai remarqué davantage la richesse de cette différence durant mes missions humanitaires, quand j’étais étudiante. J’avais plus de facilité que d’autres à dialoguer avec les enfants d’origine marocaine, algérienne ou tunisienne, lors des heures de soutien scolaire pour des jeunes issus de quartiers défavorisés. Ou encore durant les missions humanitaires pour les enfants malgaches, ou des familles et enfants en situation difficile au Maroc.
Cela m’a par ailleurs poussée à m’intéresser de près au rôle des jeunes de la diaspora dans la participation à la vie active. Je suis à ce titre membre de la commission « Youth, Peace and Security » à la suite d’un appel à candidatures où j’ai été sélectionnée, avec 44 autres jeunes européens par les Nations Unies en septembre 2017, et cela en partie grâce à cette double nationalité / double culture.
Envisagez-vous de devenir un jour entrepreneur(e)… au Maroc, ou ailleurs en Afrique ?
Bouchra Bayed – Je suis actuellement Consultante senior en organisation et Transformation, au sein d’un cabinet de Conseil international… Mais effectivement, j’aspire à me lancer cette année dans une première aventure entrepreneuriale, en lien avec mon actuelle activité professionnelle. Une aventure dans laquelle la France et le Maroc seront parties prenantes…
Avec Africa.Presse.Paris