Directeur général de CIENA pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient, Locoh Donou François est un Africain qui brille loin du continent. Il pense que l’Afrique doit compter sur elle-même.
François Locoh Donou est l’un de ces milliers de talents africains qui brillent loin du continent. Un des rares qui arrivent à concilier leurs engagements professionnels avec leur passion d’Africain. De père togolais, ce panafricain de cœur et d’âme occupe les fonctions de directeur général et vice-président Europe, Afrique, Moyen-Orient et Amérique latine au sein d’une grande multinationale d’origine américaine. Il s’agit de CIENA, l’un des leaders mondiaux des plateformes de réseaux de communication, fournisseur bien connu de matériel de télécommunications qui a pour clients France Telecom, Deutsche Télécom, British Telecom… Mais au Togo, François Locoh Donou, c’est un agriculteur passionné.
Beaucoup d’efforts
Comment ce Togolais, ancien pensionnaire de l’Ecole primaire et secondaire au Collège protestant de Lomé, qu’il quittera à treize ans pour la France, a-t-il pu en arriver là ? C’est le fruit de beaucoup d’efforts et d’abnégation au sein de CIENA, où il est entré pour la première fois en 1997 comme consultant technique. C’est aussi le résultat d’un parcours académique et professionnel riche et sans ambages.
Après son baccalauréat C obtenu au Lycée Chatenay-Malabry (Paris) en 1988, beaucoup de perspectives étaient ouvertes pour le jeune Togolais. Il optera pour « la voie royale », les classes préparatoires puis l’Ecole d’ingénieurs à Marseille. Quelques diplômes plus tard, après son Master spécialisé en télécommunications optiques à l’ENST, suivi de cinq années d’expériences professionnelles, le voilà sur le chemin du MBA qu’il décrochera en 2002 à la Stanford Graduate School of Business.
En bon habitué de l’univers des mathématiques, il déroule son raisonnement à coups de chiffres et de déductions. « L’agriculture d’abord. L’agro-industrie ensuite, pour créer plus de richesses en milieu rural, pour créer une classe moyenne… »
Son parcours professionnel est tout aussi riche. Après quelques années dans la recherche et le développement, son employeur l’envoie faire un transfert de technologie à Boston début 1996. Il fera le tour des capteurs et de l’industrie chimique en deux ans. De quoi largement lui donner envie de changer de cap vers l’industrie télécoms, alors en forte croissance et source d’attraction des jeunes talents. Il intègre CIENA en 1997 comme consultant technique avant ventes. CIENA était en ce temps une petite entreprise américaine spécialisée dans les réseaux à fibres optiques, qui connaîtrait de 1997 à 2001 une croissance fulgurante.
En moins de quatre ans, le chiffre d’affaires décolle, grimpant jusqu’à 15 milliards de dollars. Apprécié par ses supérieurs, le jeune Africain est envoyé en Europe en 1998 où il occupe les postes de manager avant ventes Europe, puis directeur général Allemagne.
Après son MBA en 2002, il rejoint le siège à Washington et prend le poste de vice-président marketing au niveau mondial. Il occupera ensuite la fonction de responsable des ventes internationales hors Amérique du Nord, puis est affecté à Londres comme directeur général et vice-président pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient.
A ce titre, il a pour responsabilité l’expansion des ventes dans ces marchés. Sa performance chez CIENA a été reconnue par la profession et le magazine de télécommunications Global Telecom Business l’a inclu (cette année) dans la liste des 40 personnalités de moins de 40 ans les plus en vue dans le secteur.
L’amour du pays
Malgré la distance, François Locoh Donou se déclare « très attaché au pays, comme beaucoup de mes compatriotes ». Bien que sa carrière l’ait amené dans les télécoms, son combat pour le développement de l’Afrique se situe dans un champ beaucoup plus basique : l’agriculture. C’est là le sujet qui l’anime. « Une agriculture plus moderne pour nourrir nos peuples d’abord et exporter vers les continents qui ne pourront pas se nourrir d’ici 2050, vers l’Asie et le Moyen-Orient. » En bon habitué de l’univers des mathématiques, il déroule son raisonnement à coups de chiffres et de déductions. « L’agriculture d’abord. L’agro-industrie ensuite, pour créer plus de richesses en milieu rural, pour créer une classe moyenne… » Il y a aussi cette sorte de profession de foi qu’il tire sans doute de ses nombreux séjours outre-Atlantique : « Le secteur privé doit être le principal moteur de croissance pour nos économies africaines. »
Contrairement à beaucoup d’intellectuels et de hauts cadres de la diaspora qui ont coupé racine avec le continent en dehors des ONG « politisées » qui pullulent sur les bords de la Seine et de la Tamise, François Locoh Donou ne se contente pas d’élaborer des théories.
Son engagement pour l’Afrique s’est matérialisé par la création d’entreprises privées dans le secteur de l’agriculture. Histoire de mettre en pratique sa conviction profonde qu’« avec un peu de capitaux, une passion pour l’agriculture et une gestion rigoureuse, on peut créer des entreprises agricoles prospères qui élèvent le niveau de revenus des paysans, créent de l’emploi et font entrer l’Afrique dans l’économie mondiale ».
Des idées aux actes
L’intérêt de François Locoh Donou pour l’Afrique, et le Togo en particulier, s’est matérialisé par la création de deux sociétés privées aujourd’hui opérationnelles : la Ferme de l’Espoir (aviculture) et Cajou Espoir (transformation et distribution de noix de cajou). Ces sociétés représentent plusieurs centaines de millions de FCFA d’investissements qu’il a réunis auprès d’investisseurs soucieux de promouvoir un développement équilibré de régions défavorisées en Afrique.
La Ferme de l’Espoir est une entreprise de production d’œufs (12 000 pondeuses en élevage) qui sont vendus sur le marché local. Cette entreprise emploie aujourd’hui quinze personnes. Quant à Cajou Espoir, il s’agit d’une entreprise de transformation de noix de cajou qui emploie 150 personnes à Tchamba, 400 km au nord de Lomé, dans une des régions les plus pauvres du Togo et qui compte 50% de chômeurs. « Nos amandes sont aujourd’hui vendues au Ghana, au Bénin et au Nigeria. Nous pensons commencer à exporter vers l’Europe en 2010. Cajou Espoir est une entreprise à forte croissance – profitable – qui exploite une matière première agricole togolaise (la noix de cajou) et crée un produit a valeur ajoutée pour l’export. Un exemple simple et concret du développement par le secteur privé et l’agriculture. » Avec Cajou Espoir, le Togo, qui récolte 6000 tonnes de noix de cajou par an, exporté à l’état brut sans aucune transformation, a sans doute trouvé un début de solution. « Si le Togo transformait sur place cette manne, 5000 emplois seraient créés. Ce qui est important dans un pays de 5 millions d’habitants », rappelle M. Locoh Donou. Ces deux entreprises ont été inspirées à François Locoh Donou par le livre de Piere Merlinl’Espoir pour l’Afrique Noire. Un livre dont le message n’est pas sans rappeler le mot d’ordre de la génération Obama : l’Afrique doit compter sur elle-même pour vaincre le sous-développement.
avec lesafriques