La ville de New York a remplacé plus de 400 cabines téléphoniques par des bornes Wi-Fi. Les riverains se plaignent d’attroupements et de monopolisation des kiosques.
C’est ce qu’on appelle une fausse bonne idée. En janvier, New York annonçait fièrement remplacer une partie de ses vieilles cabines téléphoniques par des bornes Internet. Plus de 400 appareils ont déjà été installés dans la ville. Ils sont dotés d’une connexion Wi-Fi gratuite, de ports USB pour recharger un téléphone portable et d’un écran pour accéder momentanément à Internet. Mais l’expérience n’a pas ravi tout le monde. En neuf mois, les riverains se sont plaints d’attroupements autour des bornes, utilisées pour regarder des films, écouter de la musique. Des utilisateurs apportent parfois des chaises pour s’installer sur le trottoir pour profiter de leur divertissement. Plusieurs commerçants proches des appareils ont dénoncé des personnes monopolisant les écrans des bornes pour regarder des films pornographiques en pleine rue, raconte le New York Times.
Un projet juteux
Le problème est tel que plusieurs personnalités locales ont demandé le retrait des bornes. «Ces kiosques sont souvent monopolisés par des individus qui en font des espaces privés, en s’adonnant à des activités comme écouter de la musique vulgaire, consommer de la drogue et de l’alcool, et regarder des films pornographiques», avait dénoncé en août Corey Johnson, membre du conseil municipal de New York, qui réclamait la suppression de plusieurs bornes «problématiques» sur la très fréquentée huitième avenue. La mairie de New York a décidé d’opter pour une option intermédiaire, en retirant les écrans des kiosques déjà installés.
Officialisé en 2014, le projet LinkNYC est géré par un consortium d’entreprises de nouvelles technologies. On y retrouve Qualcomm, spécialiste des connexions mobile et des télécommunications, CIVIQ Smartscapes, entreprise dédiée aux villes connectés, et Intersection, propriété de plusieurs entreprises dont une filiale d’Alphabet, la maison mère de Google. Le consortium a précisé qu’il doterait les bornes de nouveaux services afin de compenser ces changements. Les écrans pourraient faire leur retour à l’avenir, mais avec «des limitations». Le navigateur Internet des bornes disposait déjà d’un filtre pour empêcher ses utilisateurs de fréquenter des sites illégaux ou interdits aux moins de 18 ans, visiblement pas toujours efficace.
Malgré ces difficultés, le déploiement des bornes ne devrait pas être ralenti ou interrompu. Plus de 7500 de ces appareils doivent être installés à New York. Il s’agit d’un projet juteux pour ses constructeurs et la municipalité. Chaque kiosque affiche des publicités, dont les revenus sont partagés entre le consortium et la mairie de New York. LinkNYC pourrait engranger jusqu’à 500 millions de dollars pendant les douze prochaines années, d’après les estimations du consortium.
Des craintes pour la vie privée
Outre les plaintes des riverains, le projet essuie aussi des polémiques autour du respect de la vie privée. Pour Sideway Labs, la filiale d’Alphabet qui produit les bornes, New York n’est que le début. Il vante désormais les capacité de ses kiosques à d’autres villes américaines. Ils peuvent surveiller les bouchons dans la rue, le passage des piétons, repérer des colis abandonnés ou traquer les appareils sans fil qui passent à proximité, d’après des informations révélées cet été par Re/Code. Ces fonctionnalités seraient offertes en option à chaque ville choissant de s’équiper de telles bornes. Après les plaintes d’une association de défense des libertés, les caméras des bornes LinkNYC ont d’ailleurs été désactivées.
Alphabet pourrait aussi utiliser certaines données pour son propre intérêt. Google Maps est doté d’une fonction de prévision du trafic, qui serait amélioré grâce à la surveillance des bouchons par ces bornes. Alphabet a par ailleurs de intérêts à équiper les villes en Wi-Fi, notamment dans le cadre du développement des objets connectés ou des voitures autonomes.
avec lefigaro