Sur invitation du cabinet civil du chef d’État camerounais Paul Biya, deux responsables de Facebook ont séjourné au Cameroun entre le 6 et le 16 août 2018. Pris en charge par l’État, madame Aïda Ndiaye, responsable des relations publiques de l’Afrique francophone et Lukas Holzer venant directement des États-Unis, ont tenu des réunions secrètes avec les responsables de répression du régime dont le Secrétariat d’État à la Défense, la Sûreté Nationale, les ministères de la Défense, de l’Administration Territoriale et de la Communication.
Le prétexte de base est ” l’éradication des fake news” , alors qu’aucune proposition de loi n’est jamais passée à l’Assemblée Nationale camerounaise à ce sujet . Plus curieux, les responsables de Facebook ont slalomé la société civile et les leaders de l’opposition pour n’arpenter que les couloirs du régime trois fois élu champion du monde de la corruption, et actuellement condamné par l’ONU et le Département d’État américain pour ses multiples atteintes aux droits de l’homme. Paul Biya avait coupé internet et les réseaux sociaux durant quatre mois, provoquant ainsi le courroux du président des États-Unis Donald Trump qui avait menacé sur la tribune des Nations Unies les dictateurs africains qui se lançaient dans de telles pratiques.
En toute clandestinité, en piétinant les lois et positions diplomatiques des États-Unis , Facebook est allé signer des arrangements secrets tarifiés avec le régime Biya pour museler l’opposition, les journalistes et activistes, en bloquant ou en verrouillant la fréquentation comptes et pages des influenceurs des réseaux sociaux, à la veille, pendant, et après l’élection présidentielle d’octobre 2018 au Cameroun. En plus, grâce à son système de 80 applications, les coordonnées GPS et les adresses IP, Facebook peut permettre aux services secrets du régime dictatorial de Biya de localiser tous les activistes. Danger!
Au départ, Facebook a été acceuilli avec un simplisme enchanteur comme un instrument de communication et d’aspiration émancipatrice. Mais, au fil du temps, le réseau social s’est mué en outil de capitalisme de chercheurs d’or et deals fumants de la Silicon Valley. Selon le fondateur Mark Zuckerberg, 87 millions d’utilisateurs ont été victimes de la divulgation de leurs données personnelles qui ont été transmises par Facebook à la firme britannique Cambridge Analytica (CA) qui était chargée de la campagne de Donald Trump. Facebook a aussi été accusé pour l’interférence de la Russie dans l’élection américaine. Ainsi, Mark Zuckerberg a été sommé de s’expliquer devant le Sénat et le Congrès Américain en avril 2018.
Déjà en France et en Belgique, Facebook avait été traîné en justice et avait écopé des amendes pour avoir utilisé un cookie appelé ” datr ” qui l’alerte lorsque quelqu’un visite un site internet. Présenté par la Commission Européenne tel Oncle Picsou s’enrichissant avec les méthodes des Dalton, Mark Zuckerberg s’est confondu en excuses dans un courrier adressé à l’institution européenne le 6 avril 2018.
Depuis le 25 mai 2018, Facebook est obligé de s’aligner sur la nouvelle législation de l’Union Européenne appelée Règlement sur la Protection des Données Personnelles ( RPDP). De tous ces scandales et de la nouvelle loi, Facebook perd 3 millions d’utilisateurs chaque jour en Europe. Entre le premier et deuxième trimestre de cette année, il a déjà perdu 279 millions d’usagers.
En chute libre en Europe et aux États-Unis, voilà pourquoi Facebook se replie en Afrique francophone, ouvrant le bal par la plus ancienne dictature, le Cameroun, régime fonctionnant avec les codes d’un gang des truands. Au Cameroun, Facebook devient le concierge et le censeur du gouvernement contre les détracteurs , alors que le premier amendement de la Constitution américaine et l’article 19 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme adoptée lors de l’Assemblée Générale de l’ONU le 10 décembre 1948, reconnaissent à tout individu le droit de ? répandre sans considération de frontière, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit?.
Aux États-Unis, Donald Trump avait fait bloquer sur Twitter certains de ses détracteurs qui le traitaient de ? corrompu, incompétent, autoritaire?. Une plainte a été déposée contre lui par le ‘ Knight Institute’, une organisation de défense de la liberté d’expression. Le chef d’État américain a été condamné le 23 mai 2018 par une magistrate fédérale de New-York, la juge Naomi Rice, qui lui a interdit de bloquer ses opposants. Mais voici une entreprise américaine, Facebook, plombée par les affaires, embourbée dans les mêlées judiciaires chez elle et en Europe, qui vient se lancer dans des pratiques infâmes et anticonstitutionnelles, pour soutenir un dictateur génocidaire qui a déclaré la guerre à son peuple et dont l’armée fusille les femmes avec les bébés. Facebook vient de s’embourber davantage en se montrant à la solde d’un tyran dont l’argent n’a pas d’odeur . À l’initiative de Patrice Nouma, Seme Ndzana, des journalistes et activistes souvent injustement bloqués par Facebook, une plainte diligentée par un célèbre avocat, est en cours aux États-Unis . Comme le disait Joseph Joubert en 1842: ? La justice est le droit du plus faible ?.
Avec actucameroun