Rapport de l’Union européenne sur la Côte d’Ivoire première partie. Rapport des chefs de mission de l’Union européenne sur la situation politique en Côte d’Ivoire (avril 2018). « Derrière une façade rassurante, des signaux qui incitent à la vigilance ». La titraille est de la rédaction. NDLR
Sept années après la case postélectorale qui succédait a près de dix ans de partition du pays, la Côte d’Ivoire affiche l’image rassurante d’une stabilité retrouvée, ponctuée par des taux de croissance élevés (7,8% sur 2017, selon le FMI), un attrait important auprès des partenaires internationaux, et un retour sur la scène internationale (en devenant membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies en 2018).
Cependant pour Alassane Ouattara, les difficultés semblent s’accumuler autour d’un second mandat probablement plus difficile qu’envisagé initialement. En effet, si la situation ivoirienne reste globalement stable et suscite toujours l’optimisme des marchés et des bailleurs, plusieurs signaux préoccupants persistent en ces premiers mois de l’année 2018.
« Face à ces difficultés, les autorités se montrent hermétiques aux critiques internes ou extrêmes, et semblent désireuses de ne laisser aucun lieu de pouvoir leur échapper »
Au-delà d’une conjoncture difficile, ils révèlent les failles politiques importantes de la reconstruction post-crise, et les fragilités non résorbées d’un pays peut-être moins solide et démocratique que sa bonne image pourrait le laisser penser.
« Soro l’imprévisible »
Sur le plan politique, la majorité parait avoir renforcé toutes ses positions, comme dernièrement avec la préemption de la quasi totalité des sièges du nouveau Sénat. Mais paradoxalement, l’autorité du régime semble se fragiliser y compris dans son propre camp, qu’il s’agisse des accords entre partis politiques (confusion autour du parti unifié et, en arrière-plan, effritement de l’alliance Ouattara-Bédié), de la gestion des ambitions personnelles (avec le rôle toujours aussi important de l’imprévisible président de l’assemblée nationale Guillaume Soro), ou même d’options, autrefois inenvisageabtes mais progressivement devenues crédibles (troisième mandat de Ouattara, voire candidature de Bédié).
Face à ces difficultés, les autorités se montrent hermétiques aux critiques internes ou extrêmes, et semblent désireuses de ne laisser aucun lieu de pouvoir leur échapper, alors même que le cadre électoral soulève de plus en plus de questions.
En dépit d’un nouvel Eurobond (1,7 milliard d’euros) et d’un satisfecit global du FMI, la situation économique et sociale fait aussi naître quelques doutes à moyen terme : la logique réduction de la croissance suite à la chute des cours du cacao — environ un point de baisse en deux ans — réduit les marges de manœuvre budgétaires, alors que les chantiers de développeraient ne manquent pas.
« la population s’interroge de plus en plus ouvertement sur cette croissance qui ne lui semble pas ou peu bénéfique. Elle tolère d’autant moins les largesses financières dont bénéficient les cercles du pouvoir »
Même si elle est toujours considérée comme bien gérée, la dette publique a doublé en cinq ans (de 4,68 milliards en 2012 9 milliards de FCFA en 2016, soit de 34,2% à 46,3% du MB) et sa partie non officielle augmente davantage, tandis que le déficit public a augmenté de 50% en deux ans (a 4,2% du PIB.
Plus largement, la volonté régulièrement affichée de prendre des mesures structurelles pour améliorer le climat des affaires (réaffirmée lors de l’adoption du projet Compact des G20 avec l’Afrique en juin 2017) ne s’est jusqu’alors pas traduite par un processus de réformes suffisamment crédible.
L’incivisme des populations, conséquence de la mauvaise gouvernance des dirigeants
Parallèlement, les indicateurs sociaux stagnent (taux de pauvreté a 46% même si la statistique date de 2015), et la population s’interroge de plus en plus ouvertement sur cette croissance qui ne lui semble pas ou peu bénéfique. Elle tolère d’autant moins les largesses financières dont bénéficient les cercles du pouvoir.
Chaque occasion est saisie pour manifester, parfois violemment, un mécontentement confus bien réel centre les structures et représentants de l’Etat, en tant que symboles de prédation pour une partie de la population. De ce fait, la confrontation entre un pouvoir qui restreint progressivement les espaces d’expression, et une contestation sociale grandissante, n’augurerait rien de bon pour l’échéance de 2020.
Par ailleurs, un an après les mutineries de 2017, la réforme du secteur de la sécurité (RSS) semble toujours en chantier, même si plusieurs initiatives soutenues par certains partenaires de la Côte d’Ivoire ont permis des avancées significatives.
Avec ivoiresoir