Le secteur des pêches et de l’aquaculture occupe une place stratégique dans l’économie ivoirienne au regard de la problématique de la sécurité alimentaire. Ce secteur représente 3,1 % du PIB agricole et 0,74 % du PIB total. En Côte d’Ivoire, la consommation nationale de poisson est estimée à 320 000 tonnes/an pour une production locale moyenne de 42 102 tonnes en 2010.
L e poisson est la principale source de protéines animales du consommateur ivoirien, situant la consommation per capita entre 11 et 14 kg/hab/an. La demande nationale en produits halieutiques reste donc forte et soutenue. Mais, les eaux maritimes ivoiriennes sont naturellement pauvres, notamment en raison de l’étroitesse du plateau continental. Toutefois, depuis les années 1950, les pêches industrielles chalutière, sardinière et crevettière se sont développées. Elles sont soutenues par la pêche artisanale qui se pratique en mer, en lagune et en eau continentale. L’aquaculture en eau douce et en lagune pénètre progressivement le secteur agricole. Une position géographique avantageuse et une politique volontariste de développement de l’industrie halieutique ont contribué à l’implantation d’une dynamique industrie thonière, faisant ainsi du port de pêche d’Abidjan le premier port thonier de la côte ouest africaine.
- LE SOUS SECTEUR DE LA PÊCHE
- La production
En 2005, la production ivoirienne de produits halieutiques était estimée à 43.532 tonnes, avec une proportion de 59% pour la pêche artisanale, 39% représentant la part de la pêche industrielle et une très faible contribution de l’aquaculture. Sur la période 2000-2005, les débarquements ont régulièrement baissé, passant de 81 523 t (2000) à 43 532 t (2005), soit une diminution de 47%. La production nationale reste largement dominée par la pêche artisanale dont les principaux acteurs sont des pêcheurs étrangers ressortissant de la sous-région ouest africaine. La production nationale se caractérise par une tendance à la baisse amorcée depuis l’année 2001 et qui semble se maintenir durablement. Pour satisfaire la demande interne (consommation domestique et besoins des industries), il est recouru à l’importation.
- La structuration de la pêche
La pêche ivoirienne comprend les composantes classiques que sont la pêche industrielle et la pêche artisanale.
– La pêche industrielle
La pêche industrielle est subdivisée en pêche industrielle chalutière, sardinière, thonière et crevettière. Les Unités de pêche opèrent sous licence délivrée par les autorités ivoiriennes. La pauvreté naturelle en ressources halieutiques des eaux maritimes ivoiriennes limite la performance des unités de pêche.
Le taux moyen de motorisation des embarcations sur l’ensemble du littoral est de 22%. Les équipages constitués à plus de 90% de ghanéens utilisent de grandes pirogues adaptées au franchissement de la barre. La production est dominée par les petits pélagiques (sardinelle).
– La pêche artisanale lagunaire
Elle emploie des engins de pêche moins sophistiquées et peu coûteux en investissement (pirogues monoxyles ou en planches, pagaies et divers engins (fi lets maillants, nasses, bambous, éperviers). Les principales espèces pêchées sont constituées d’ethmalose, de mâchoiron, de Tilapia, de crevette et de crabe des lagunes. Les débarquements se situeraient entre 14 217t (1990) et 25 491t (2000). La contribution de la lagune Aby est signifi cative et se situe à plus de 60%.
– La pêche artisanale continentale
Elle est pratiquée dans les rivières, les fl euves et les lacs de barrages hydro-électriques, hydro- agricoles et agro-pastoraux du nord par des communautés de pêcheries généralement dominées par les étrangers. La production estimée à 13 146 tonnes est largement inférieure au potentiel de production des plans d’eau (30 000 tonnes). De fréquents confl its intercommunautaires opposent souvent les communautés ivoiriennes et étrangères pour le contrôle de la ressource. Les pratiques de pêche illicites y sont légion. Le tilapia et l’hétérotis représentent 50% à 70% des débarquements.
- La commercialisation des produits de pêche
La commercialisation des produits de la pêche comporte deux circuits principaux: le circuit des produits frais et le circuit des produits transformés.
Les productions chalutière et sardinière sont vendues à la criée aux mareyeurs agréés. Le poisson de premier choix et la crevette sont vendus dans de grands hôtels d’une part, et conditionnés pour être exportés vers l’Europe d’autre part. En ce qui concerne la pêche artisanale, l’analyse du fonctionnement du marché des produits de la pêche met en évidence deux segments principaux qu’on pourrait appeler le marché primaire et le marché secondaire. Le premier segment se déroule uniquement au débarquement et concerne les produits frais (poissons, mollusques, crustacés), tandis que le marché secondaire représente le second niveau de transactions commerciales et concerne aussi bien les produits frais que transformés, contrairement au marché primaire. Cependant, du point de vue organisationnel, il se scinde en marché de gros ou d’expédition et en marché de détail ou domestique.
- La transformation des produits de pêche
La transformation des produits de pêche comprend la transformation artisanale et la transformation industrielle.
– La transformation artisanale
Elle comprend le fumage, le salage et le séchage. Le fumage est la technique de transformation de poisson la plus utilisée sur tous les plans d’eau notamment dans les zones diffi ciles d’accès. Il permet une conservation durable du poisson.
– La transformation industrielle
Trois conserveries de thon d’une capacité de production annuelle de 110 000 tonnes, opèrent dans ce secteur. Les principaux produits fi nis sont les conserves de thon, les longes de thon. Toutefois, grâce à des investissements importants et à la mise en application du concept HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point), les usines sont aux normes sanitaires internationalement reconnues. Pour améliorer leur niveau de compétitivité sur le marché international, notamment européen, la Côte d’Ivoire a pris des mesures de soutien en leur conférant le statut d’entreprise franche de transformation des produits de pêche (la loi n° 2005-556 du 02 décembre 2005).
– La transformation des sousproduits
Les sous-produits de l’industrie thonière sont valorisés par la production de farine de poisson destinée à la fabrication d’aliments de bétail.
- Les politiques mises en œuvre
Les objectifs globaux de développement de la pêche n’ont guère changé depuis les années 1960, à savoir: (i) fournir une alimentation saine et abondante aux populations; (ii) procurer des recettes
d’exportation à l’Etat; et, (iii) assurer une gestion durable des ressources halieutiques. Toutes les initiatives de promotion et de développement de la pêche contribuent à les atteindre. Toutefois, les stratégies pour l’atteinte de ces objectifs ont évolué en passant de l’interventionnisme (Etat providence) à la responsabilisation progressive des acteurs à la gestion du secteur. Aussi, afi n de favoriser l’expansion et la pérennité des activités, l’Etat a t-il mis en œuvre des mesures fi scales incitatives au nombre desquelles on a : (i) l’exonération des taxes du matériel de pêche pour les armements; (ii) la détaxe du carburant destiné aux activités de pêche; (iii) la création d’une zone franche permettant de conférer aux entreprises de transformation, le statut d’entreprise franche de transformation des produits de pêche par l’adoption de la loi n° 2005-556 du 02 décembre 2005, dont la lenteur de la mise en œuvre aff ecte les résultats d’exploitation.
- 6 Les organisations professionnelles
Les pêcheurs artisans, les armateurs, les pisciculteurs, les mareyeurs, les transformatrices, les importateurs de poisson congelé et les conserveries se sont inscrits dans une dynamique d’organisation pour un dialogue plus fécond avec les administrations et les partenaires à travers divers associations et regroupements de type corporatistes. Ainsi, ont vu le jour diff érents groupements et coopératives dont les principales faitières sont :
– la FENACOPECI : la Fédération Nationale des Coopératives de Pêche de Côte d’Ivoire
– l’ANAQUACI : l’Association Nationale des Aquaculteurs de Côte d’Ivoire
– l’UAPF : l’Union des Armateurs à la Pêche Fraîche.
1.7 Le suivi, le contrôle et la surveillance des ressources
Le suivi, le contrôle et la surveillance des zones de pêche ne sont pas assurés de manière satisfaisante. La situation de crise a fait concen trer les eff orts de l’Etat sur la surveillance du territoire terrestre au détriment de la mer dont le champ reste libre pour la pêche illicite, non déclarée et non règlementée. D’importants eff orts restent à fournir pour l’application des mesures de gestion et de conservation des ressources halieutiques ivoiriennes. Des navires de pêche pirates sont fréquemment signalés dans les eaux sous juridiction ivoirienne. Cinq (05) arraisonnements ont été effectués en avril 2009.
- Les infrastructures et équipements
La Côte d’Ivoire dispose de deux (2) ports de pêche : Abidjan et San-Pedro. Le port de pêche d’Abidjan est la structure majeure. La capacité et la qualité de ses infrastructures en fait le premier port thonier de l’Afrique de l’Ouest. En revanche, le port de San-Pedro, aménagé pour la pêche artisanale, a un faible tirant d’eau et ne peut recevoir les navires de pêche. Le sous-secteur de la pêche artisanale, malgré sa contribution signifi cative à la production nationale, est défi citaire en infrastructures (aires de débarquement peu aménagées) et en équipements (absence d’eau potable, de chambres froides et de fabriques de glace).
- Les faiblesses et les contraintes
La Côte d’Ivoire dispose d’un potentiel de pêche relativement important malheureusement limité par la faible productivité des plans d’eau. Les faiblesses auxquelles est confronté le secteur sont multiples et se situent à tous les niveaux. La faiblesse des moyens de travail (moyens logistiques, personnel, moyens fi nanciers, etc.) des administrations chargées des pêches limite les activités de planifi cation, de suivi évaluation et de mise en œuvre de la réglementation. L’incertitude relative à la connaissance des potentialités des ressources halieutiques, les tendances à la surexploitation des stocks, le manque d’infrastructures, la faible capacité organisationnelle des acteurs, et l’ignorance de certaines dispositions législatives et réglementaires, constituent les principales limites à la productivité; La dégradation du milieu consécutive à la pollution à l’hydrocarbure, à la prolifération de végétaux aquatiques envahissants, à la base des phénomènes d’eutrophisation des plans d’eau, et surtout aux eff ets du changement climatique (remontées côtières d’eau froide), apparaît de plus en plus comme une contrainte majeure à la valorisation des plans d’eau.
II – LE SOUS SECTEUR DE L’AQUACULTURE
Durant les années 1990, la Côte d’Ivoire était la vitrine du développement de l’aquaculture en Afrique de l’Ouest, grâce aux résultats obtenus des projets appuyés par les partenaires techniques et fi nanciers. Des opérateurs privés avaient mis en place des élevages de poissons (Tilapia-Oréochromis niloticus) en cages dans les lagunes et l’Etat appuyait un programme en faveur de la pisciculture en milieu rural et même en milieu péri-urbain dans le Centre et le Nord du pays. Il y a eu également un début de développement vers la pisciculture commerciale intégrée avec écloseries et fabriques d’aliments pour le poisson. De nos jours, la situation de l’aquaculture a plutôt baissé de façon drastique. Les pisciculteurs ont produit seulement 1.200 t/an durant les dernières années alors que le pays possède des sites aquacoles considérables, dont 150.000 ha de lagunes, 350.000 ha de lacs et de nombreux bas-fonds propices à l’implantation d’exploitations aquacoles à hauts rendements. Selon diff érentes sources, il existerait près de 1 000 fermes piscicoles de petites et moyennes tailles. La superfi cie totale exploitée serait d’environ 500 ha. Le tilapia Oreochromis niloticus, est le poisson de choix de la plupart des pisciculteurs, mais d’autres espèces sont aussi élevées tels que O. aureus, Sarotherodon melanotheron, Chrysichthys nigrodigitatus et les silures, Heterobranchus longifi lis et Clarias gariepinus. Les poissons sont généralement triés à la main pour élever uniquement les mâles. Les eff orts déployés ont été focalisés sur la dimension technique des systèmes d’élevage au détriment de l’augmentation de la production. En plus, à la fi n des projets, le soutien continu des activités lancées n’a pas été assuré et les techniciens et cadres formés ont quitté le secteur pour d’autres activités. Les services d’encadrement et de vulgarisation qui étaient si bien organisés et qui ont si bien fonctionné, ont pratiquement disparu du paysage de l’aquaculture en Côte d’Ivoire. L’analyse du Plan Directeur de la Pêche et de l’Aquaculture révèle que plusieurs facteurs freinent le développement de l’aquaculture en Côte d’Ivoire. Il s’agit notamment :
– du faible niveau de préparation technique des aquaculteurs
– de l’absence de mécanisme de fi nancement adapté à des initiatives individuelles et privées
– de l’inaccessibilité aux crédits – du faible niveau de professionnalisation et d’autonomisation des acteurs
– du manque de disponibilité d’alevins de qualité et en quantité
– du manque d’aliments de qualité et en grandes quantités pour les poissons – de la mauvaise organisation du secteur rendant diffi cile la commercialisation du poisson
– du manque de suivi technique par des vulgarisateurs expérimentés.
III – CONCLUSIONS PERSPECTIVES
Dans le secteur de la pêche, des avancées signifi catives avaient été obtenues, mais le secteur a subi une tendance baissière de ses performances depuis une vingtaine d’année, créant une réduction du patrimoine halieutique, une pauvreté accrue dans les communautés riveraines des plans d’eaux, mais également une réduction considérable des activités de services et d’exportation de produits de pêche. L’aquaculture ivoirienne possède d’énormes potentialités de développement dues à son champ d’exploitation à forte productivité avec une demande très importante, bien qu’elle soit concurrencée par le poisson d’importation. Il apparaît de larges possibilités de positionnement sur les marchés, à condition que les producteurs disposent des moyens pour améliorer la qualité de leurs produits et pour mieux maîtriser les circuits et les débouchés commerciaux. Cependant, il existe des contraintes variées auxquelles il faut apporter des solutions appropriées dans le cadre du partenariat Public-Privé. Les perspectives résident dans la mise en œuvre du Plan Directeur de Développement de la Pêche et de l’Aquaculture (PDPA), dont l’objectif principal est de développer de manière durable et profi table les pêches et l’aquaculture dans le cadre de la politique nationale de développement économique, de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté, à long terme (horizon 2025). La nouvelle politique de gestion du secteur visera à mettre en place des systèmes d’amé- nagement et de gestion durable concertée. Ces axes stratégiques sont :
– la gestion durable et responsable des ressources halieutiques – l’accroissement des parts de marché des productions intérieures – la valorisation optimale des capacités – la promotion du développement de l’aquaculture