Selon une étude des revenus déclarés par les députés européens, les activités secondaires des élus leur rapportent parfois plus que leur salaire de parlementaire. Trois Français figurent dans le top 10 des députés aux extras les plus lucratifs.
Légal et déclaré : le cumul d’activités est autorisé au Parlement européen. C’est justement à partir des déclarations de revenus des eurodéputés que l’ONG Transparency International EU a publié ce 10 juillet une étude analysant les enjeux liés aux emplois secondaires cumulés par les parlementaires de l’Union européenne. Trois Français figurent dans le top 10 de ce classement.
Entre 18 et 41 millions d’euros générés depuis 2014
Dans le détail, l’ONG bruxelloise démontre que si le cumul d’activités est perçu par certains comme «une façon de rester connecté aux réalités de leur électorat», la pratique est susceptible de mener à des situations de conflits d’intérêts. En 2011 par exemple, trois eurodéputés – un Roumain, un Slovène et un Autrichien – avaient été piégés par des journalistes qui s’étaient fait passer pour des lobbyistes et leur avaient offert une rémunération en échange d’amendements à faire voter dans le cadre de leur activité d’élus.
Si le scandale avait poussé l’institution européenne à créer un «code de conduite» en 2012, le rapport explique que la mesure n’a pas empêché la révélation de 24 cas de violation des règles d’éthiques mises en place, durant les cinq dernières années. Parmi ces deux douzaines de manquements, seul un a été suivi d’une mesure punitive.
Transparency International EU, dont le rapport a été financé par les fondations Open Society et King Baudouin, estime ainsi que depuis 2014, le cumul des revenus secondaires générés par les députés européens s’élève entre 18 et 41 millions d’euros.
Trois Français dans le top 10 des «extras» les plus lucratifs
L’étude établit plusieurs classements, dont un qui identifie les 30 députés européens générant le plus de revenus avec des activités secondaires. Les chiffres mis en avant par l’ONG concernent l’actuel mandat des parlementaires, qui a débuté le 1er juillet 2014. Le rapport précise avoir analysé les revenus jusqu’au 3 juillet 2018.
Le député italien Renato Soru arrive en tête de liste, ses revenus liés à l’entreprise Tiscali (dont il est l’un des fondateurs) sont en effet estimés à près d’un million et demi d’euros depuis le début de son mandat, en juillet 2014. On apprend également dans ce classement que trois Français figurent parmi les dix parlementaires qui ont les activités annexes générant le plus de revenus.
Le premier d’entre eux, Renaud Muselier, membres des Républicains (LR) est classé en 4e position. Il déclare travailler pour un groupe pharmaceutique et a généré un revenu estimé entre 816 130 et 1 586 487 euros pour la même période.
Vient ensuite Rachida Dati (5e position), la maire LR du 7e arrondissement de Paris, qui aurait perçu 768 000 euros en tant qu’avocate depuis juillet 2014.
Enfin, en 8e position du classement, on retrouve Jean-Luc Schaffhauser, député du Rassemblement national, dont les revenus liés à son activité de consultant pour la société MWD Dubai, sont estimés entre 443 022 et 473 520 euros, également depuis le début de son mandat.
Entreprenariat, poker, droit des affaires…
Dans ce «Top 30 MEPs», on constate que les possibilités sont nombreuses pour les eurodéputés qui souhaitent compléter leur revenu de fonctionnaire européen.
En effet, il y aune grande diversité des activités rémunérées déclarées par les parlementaires : le lituanien Antanas Guoga a par exemple été rémunéré entre 1 356 387 et 1 428 375 euros à travers ses activités de «joueur de poker et entrepreneur».
De leur côté, la Française Rachida Dati, le Portugais Paulo Rangel, le Grec Koastas Chrysogonos ou encore l’Allemande Angelika Niebler tirent leurs revenus secondaire de leur profession d’avocat. Le français Philippe Loiseau a quant a lui déclaré des activités de fermier.
Comme le pointe l’ONG dans son rapport, les risques de conflits d’intérêts sont plus ou moins grands selon les professions secondaires qui rémunèrent les parlementaires. Lora Verheecke, membre de l’ONG Corporate Europe Observatory (spécialiste de l’influence des lobbies à Bruxelles) expliquait à ce sujet dans un entretien accordé à la chaîne YouTube Osons Causer diffusée en novembre 2016 : «Vous voyez que Rachida Dati gagne 10 000 euros par mois pour son cabinet d’avocats, par contre vous ne savez pas pour qui travaille son cabinet d’avocats.»
Le Parlement européen, un lieu propice aux conflits d’intérêts ?
Cet état de fait est déploré par l’ONG Transparency International EU dans son rapport : «Le manque de détails rend impossible pour les citoyens, les journalistes ou encore la société civile de surveiller des activités potentiellement à la source de conflits d’intérêts.»
La problématique des conflits d’intérêts est très prégnante au sein du Parlement qui siège à Strasbourg et à Bruxelles. Les députés sont en effet éloignés de leurs pays d’origine et côtoient au quotidien les représentants de groupes industriels et financiers. En effet, si le parlement européen est composé de 751 députés, 20 000 à 30 000 personnes travaillent à Bruxelles pour des lobbies.
Avec rtfrance