Le président français effectue, ces 3 et 4 juillet, une visite officielle au Nigeria. Au menu, économie, business et aussi culture pour Emmanuel Macron qui déploie chez Buhari, l’un des axes majeurs de sa politique africaine.
De la politique, des affaires et aussi de l’évasion : la visite qu’a entrepris ces 3 et 4 juillet le président français au Nigeria est assez riche d’événements et pour Emmanuel Macron, revêt un cachet très particulier. C’est au Nigéria, en effet, que le président français a eu, son premier vrai contact avec le continent et a par la suite inspiré son regard sur l’Afrique.
Il y a une quinzaine d’année, c’est à l’ambassade française de Lagos, l’ancienne capitale fédérale, que l’étudiant de l’ENA qu’il était à l’époque, a effectué son stage de fin d’étude. « Mon séjour au Nigéria, à 23 ans, a changé ma vision de l’Afrique et de sa jeunesse » a tenu à tweeter Macron avant son arrivée, mardi soir, à Abuja. Arrivé de Nouakchott, le président français a été aussitôt reçu en audience par son homologue Muhamadu Buhari, à Aso Rock Villa, le siège de la présidence française. L’occasion pour le président français, qui avait déjà reçu Muhammadu Buhari à Paris en décembre dernier, de rappeler les enjeux de sa visite dans la première puissance économique mais aussi le pays le plus peuplé d’Afrique.
« Le Nigeria est un grand pays d’Afrique, un grand pays émergent également et que dans toute cette région de la CEDEAO, c’est en effet le pays structurant par sa démographie comme par le poids économique qu’il représente, mais aussi par son importance culturelle et le poids de Nollywood, de toute l’industrie cinématographique, de votre littérature. C’est aussi, à mes yeux, un pays important compte tenu de la vitalité et de la crédibilité de la démocratie nigériane. Je le dis à l’aube d’une nouvelle année électorale importante pour le Nigéria. Le monde aura l’année prochaine les yeux rivés sur votre pays. La transition de 2015 avait été exemplaire et le caractère pacifique et transparent du prochain scrutin sera, là aussi, crucial », a déclaré Emmanuel Macron à l’occasion de la conférence conjointe qu’il a animé en compagnie de Buhari après leur entretien.
Les deux chefs d’Etats qui se sont d’ailleurs rencontrés la veille, dans la capitale mauritanienne en marge du 31ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine (UA), ont donc poursuivis leurs échanges sur les relations bilatérales entre leurs deux pays et des questions d’actualités africaines et internationales. Il s’est agit d’abord des questions sécuritaires et à ce niveau, la France a réaffirmé le renforcement du soutien que son armée apporte aux soldats nigérians engagés dans la lutte contre Boko Haram.
« Nous avons parlé évidemment de sécurité et du défi sécuritaire auquel le Nigéria, en particulier au Nord et au Nord-Est, est confronté, avec la présence de Boko Haram et la lutte contre le terrorisme active et courageuse que le Nigeria mène avec ses partenaires du Niger, du Tchad et du Cameroun contre ce fléau », a rapporté Emmanuel Macron qui a ajouté que la coopération bilatérale dans ce domaine s’est considérablement renforcée. « Nous appuyons l’armée nigériane et ses partenaires du bassin du Lac Tchad, notamment en matière de renseignement et nous appelons les quatre pays concernés à encore aller plus loin dans l’effort de défense et de stabilisation dans cette région » a souligné Macron.
Des affaires et des marchés à défendre
L’économie est l’autre volet de la visite du président français au Nigéria. A ce niveau, deux nouvelles conventions ont été signées en présence des deux chefs d’Etat, dans le sillage de l’augmentation des engagements de l’AFD dans le pays. La première, d’un montant de 75 millions de dollars concerne un projet de gestion de l’eau dans la ville de Kano et la seconde est relative à une lettre d’intention pour un projet de transport urbain de 200 millions de dollars à Lagos.
Toujours dans le cadre du partenariat économique, la France et le Nigéria ont signé un mémorandum d’entente pour la mise en œuvre d’un programme de renforcement de l’économie bleue dans les zones maritimes du pays ainsi qu’un autre programme de financement, via le secteur privé, de projets d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables.
Après cette séquence plus politique, le président français s’est envolé pour Lagos pour une virée culturelle et ce mercredi, le second jour de sa visite, a été presque entièrement dédié aux affaires. En plus du lancement d’un club d’affaires franco-nigérian, Macron a rencontré des représentants du secteur privé ainsi que de jeunes entrepreneurs auprès de qui il a vanté sa vision de la nouvelle relation entre la France et l’Afrique, laquelle passe par un renforcement des partenariats économiques et des échanges commerciaux.
« L’Afrique d’aujourd’hui est une terre d’entrepreneurs qui créent un avenir pour leur continent. Le Nigeria et un pays émergent dont l’avenir va compter pour l’Afrique, et pour l’Europe. 60% de la population nigériane a moins de 25 ans. C’est 60% de la population qui, comme moi, n’a pas connu la colonisation. Nous sommes la nouvelle génération. Nous allons dépasser les préjugés en reconstruisant par la culture » a mis en avant le président français lors de son intervention devant les hommes d’affaires et par la suite les jeunes entrepreneurs nigérians.
Emmanuel Macron, qui était accompagné du philanthrope et milliardaire nigérian Tony Elumelu, s’est fait le VRP des entreprises françaises au Nigéria lors du forum économique franco-nigérian tout en plaidant en faveur de la promotion des liens économiques entre les deux pays. « La France en effet n’est pas assez présente, elle l’est à travers quelques grandes entreprises, à travers des secteurs traditionnels » a reconnu le président français qui a toutefois souhaité à ce que la France et le Nigéria puissent « développer un écosystème beaucoup plus vivace, fort et un lien beaucoup plus puissant sur le plan économique entre nos deux pays ». Ce mercredi toujours à Lagos, la capitale économique du Nigéria, il a inauguré également la nouvelle Alliance française, « qui sera le pivot de cette présence tout à la fois culturelle et économique de la France ».
La culture, un tremplin pour la refondation des relations franco-africaines
Le volet le plus singulier de cette visite du président Macron au Nigéria, c’est certainement la soirée qu’il a passé au « Shrine » (le sanctuaire), un complexe culturelle situé à Lagos et fondée par l’ancienne star internationale, le roi de l’Afro-beat et militant activiste, Femi Kuti. L’occasion pour le président français d’annoncer le lancement de la Saison culturelle « Les Afrique/s en France », prévue en 2020 avec comme objectif, « de reconnaitre et de donner à voir la vitalité de la scène culturelle africaine ».
A cet égard, Emmanuel Macron n’a pas tari d’éloges sur le dynamisme de l’industrie culturelle nigériane notamment son marché cinématographique, « Nollywood », qui génère un chiffres d’affaires plus important que Hollywood, selon le président français très admiratif. Macron a d’ailleurs tenu, durant sa visite, à rencontrer l’écrivain et prix Nobel de littérature, Wole Soyinka, une autre preuve de la richesse de la culture nigériane et donc africaine. « Le Nigeria est une vitrine avancée de l’industrie culturelle africaine », selon Macron qui a annoncé à l’occasion, plusieurs partenariats en matière de formation cinématographique et d’autres domaines culturelles afin d’en renforcer la vitalité du secteur sur le continent.
« C’est cette même vitalité que je veux renforcer à travers des programmes que nous allons développer de mobilité humaine, d’échanges, de mobilité étudiante, conformément au discours que j’ai tenu à Ouagadougou et qui me semble extrêmement important pour unir nos jeunesses », a fait savoir Macron qui a rappelé que cet agenda culturel sera complété par un agenda sportif avec l’initiative, lancée il y a quelques mois à Paris.
Selon le président français, cette initiative permettra d’installer un partenariat sportif. ” Je crois beaucoup au développement du sport partout à travers l’Afrique” a-t-il dit.
La soirée culturelle organisée dans le complexe de Fela Kuti et où s’est d’ailleurs produit son fils, Femi Kuti, qui a pris la relève a été aussi l’occasion pour le président français de « sentir » de plus près la scène musicale nigériane. Improvisant une prestation sur la scène, Macron s’est laissé aller à quelques pas de danse tout en se livrant à une séance de questions réponses avec l’auditoire, un millier de convives triés sur le volet. La soirée s’est déroulée en présence de plusieurs sommités de la musique africaine notamment le sénégalais Youssou N’Dour ou la béninoise Angélique Kidjo.
This is African energy. The one I discovered here in Lagos when I was 23. The one I am glad to see is still thriving several years later. The one I hope many Europeans will get to know. The one that is far from the African prejudice of misery. pic.twitter.com/HqFxmJn0c1
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) July 4, 2018
La visite du président français au Nigéria va donc au delà du symbole pour Emmanuel Macron. Comme il l’a dit lui-même, il s’agit de rappeler l’engagement de la France sur le plan sécuritaire, « mais également donner au lien bilatéral une nouvelle dimension culturelle, économique, sportive, de mobilité et vouloir voir dans le Nigeria une grande puissance émergente et un pays où se joue évidemment le sort de près de 200 millions d’Africains, mais aussi le sort de toute une région ». Dans la droite ligne des priorités qu’il s’est fixé en matière de politique africaine de la France qui va se traduire par plus de coopération économique en misant sur de nouveaux volets aux perspectives prometteuses comme le sport et la culture et aussi une ouverture au delà du traditionnel pré-carré francophone.
Avec latribuneafrique