Dans le cadre de la guerre froide, les relations russo-Africaines furent très étroites notamment durant la période soviétique. A la chute de l’URSS, ces relations vont connaître une perte de vitesse avec notamment l’arrivée au pouvoir des élites libérales russes guidées par Boris Eltsine. Cette élite va diffuser des idées tendant à présenter l’URSS comme la mère nourricière des autres nations – africaines entre autres – sans que celle-ci n’obtienne grande chose en retour. Une telle vison des choses est évidemment erronée dans la mesure où le soutien accordé par l’Union Soviétique aux nations africaines était fortement intéressé. En effet, ces relations d’alliance avaient permis à la Russie d’accroître son influence politique, culturelle, militaire et commerciale d’autant plus que ces relations étaient basées sur une affinité idéologique qui dans le contexte d’opposition avec l’Ouest lui a assuré une belle publicité.
Aujourd’hui où la Russie ne cesse de diversifier ces relations, l’Afrique fait partie désormais des priorités. Si les relations les plus intenses étaient avec les pays d’Afrique du nord et du Sud du Continent Africain, on arrive désormais au stade où la Russie compte désormais s’étendre à toutes les parties du continent en occupant les points les stratégiques. En effet, il existe des liens d’alliance stratégique avec l’Algérie qui se renforcent aussi bien dans le domaine de la coopération militaro-technique que civile. Une Zone de libre-échange est en train d’être élaborée avec le Maroc et la construction de nouvelles centrales nucléaires est prévue en Afrique du sud et en Egypte. Par ailleurs, on assiste à une collaboration dans le domaine minier et agricole. La participation russe dans le dernier secteur susmentionné est à noter avec la visite effectuée par le président du conseil d’administration d’Uralchem et vice-président du conseil d’administration d’Uralkali, Dmitri Mazepine, en Zambie et au Zimbabwe.
Lors de ces rencontres, il a été décidé d’établir un hub russe pour la fourniture directe des engrais à destination des acheteurs africains. Sachant que la demande pour ces produits en Afrique ne cesse d’augmenter et est appelée à augmenter encore plus dans les prochaines années. A titre d’exemple donné par l’homme d’affaires russe, le volume actuel des livraisons d’Uralchem et d’Uralkali en Afrique du Sud-Est représente près de 100 000 tonnes par an. Mais sur le court terme, ce volume est appelé à augmenter jusqu’à 500-600 000 tonnes annuelles. Cette coopération russo-zambienne et russo-zimbabwéenne (et avec d’autres pays africains certainement) permettra de réduire considérablement les prix des engrais pour les agriculteurs africains, en y éliminant les intermédiaires: le plus souvent ni russes, ni africains… Des intermédiaires qui revendaient ces engrais sur place au prix de 450-500 dollars la tonne. La création dudit hub russe sur place et des livraisons directes dans les ports africains permettront de le diminuer jusqu’à 250-300 dollars la tonne.
Ce retour de la Russie en Afrique ne se limite pas qu’aux domaines évoqués plus haut. Un autre hautement important intéresse également l’Etat Russe; celui de la défense.
Cette avancée de la Russie dans ce domaine se voit au travers des contacts noués avec la République Centrafricaine, le Mozambique, le Congo, le Soudan du sud et Djibouti .
En effet, en octobre 2017, le Président de la République Centrafricaine Faustin-Archange Touadéra a conclu un accord sur le réarmement russe de l’armée centrafricaine. Cet accord consistait à préparer deux bataillons (1,5 mille personnes) avec des armes légères, des lance-grenades et des véhicules blindés. Pour se faire, il était nécessaire de lever les restrictions de l’ONU sur la fourniture d’armes en République centrafricaine ( RCA). Un mois plus tard, l’ONU a accepté de supprimer partiellement ces restrictions pour Moscou, et le 26 janvier le premier avion de transport militaire Il-76 a atterri à Bangui. Cette décision intervient au moment où les parachutistes centrafricains critiquaient leurs collègues français qui se contentaient uniquement de prendre le contrôle des mines de diamants et d’uranium qui sont de concession française.
Un autre accord – mais celui-ci est resté moins perceptible dans les médias occidentaux – permet d’illustrer l’offensive des russes dans le domaine de la défense sur le contient africain. Il s’agit d’un accord de défense avec le Mozambique portant sur la libre entrée des navires de guerre russe dans les ports dudit pays en vue d’assurer leur entretien et leur ravitaillement. Cela fait du Mozambique une base navale de l’armée russe. Un accord complet de coopération militaire et technique a été signé avec le même pays le 22 décembre 2015. Il prévoit la fourniture d’armes , d’équipement et de personnel russe au Mozambique. Le ministre mozambicain des affaires étrangères Jose Condungua Pacheco a, à cet effet, affirmé le 28 mai 2018 que les conditions de mise en oeuvre de cet accord étaient en cours de discussion.
Le cas du Congo reste assez inattendu car malgré toutes les tentatives de l’URSS pour s’installer dans la région d’Afrique centrale, ce pays est longtemps resté dans le pré- carré de l’occident . Une coopération militaire entre Moscou et Brazzaville signée en 1999, restée lettre morte, tente d’être réanimée par les autorités congolaises en opposition avec l’occident.
Plus surprenante encore est la visite de Sergueï Lavrov, Ministre russe des Affaires étrangères à Kigali; Visite au cours de laquelle il a été question du rôle joué par la Russie dans la mission de maintien de Paix et de la fourniture probable de système russe de défense antiaérienne. Cela constitue un défi lancé à l’Africom ( le commandement militaire des Etats-unis pour l’Afrique ) installé au Rwanda, pays permettant à ce commandement d’avoir une influence dans cette région d’Afrique centrale.
Par ailleurs, différentes négociations sont menées respectivement avec le Soudan du sud et Djibouti pour la livraison de véhicules blindés et la construction d’une base militaire aux côtés d’américains et de chinois. Cela montre une volonté de la Russie d’aller désormais se placer sur le terrain occupé par les autres puissances.
Naturellement, Cette avancée des russes sur l’Afrique subsaharienne pose des problèmes aux américains qui se préparent à «une bataille pour l’Afrique» ; bataille au cours de laquelle seront utilisées des méthodes purement armées mais aussi des stratégies politiciennes. Les Etats-unis craignant que «le projet africain russe» ne se réalise.
Que cette bataille ait lieu ou pas; ou même que ce projet existe ou non; il faudrait rendre présent à notre esprit que l’Afrique subsaharienne est devenue une zone fortement concurrentielle pour les puissances occidentales et Eurasiatiques. Il faudra évidemment que les dirigeants politiques des Etats africains fassent preuve de responsabilité car l’avancée de la Russie ne doit en aucun signifier échapper aux vautours pour se jeter dans les griffes de l’ours. Eviter des regains de guerre froide avec des conflits menés par procuration sera l’objectif que devront remplir nos dirigeants. Pour cela, nous espérons qu’ils se regroupent au sein d’une organisation panafricaine plus intégrée afin de pouvoir peser lors des négociations avec ces grandes puissances et surtout s’organiser quant à la mise en oeuvre des accords qui seront signés. Un seul Etat risque de tomber rapidement dans une situation conflictuelle avec ces deux puissances voulant garantir leurs intérêts stratégiques sur son sol. Néanmoins, avec plusieurs Etats ayant un projet de défense commune, les conflits pourront être évités car un consensus fut préalablement obtenu quant au choix du partenaire et la mise en oeuvre de l’accord.
Encore faut-il qu’une véritable solidarité panafricaine existe dans ce domaine quand nous savons que certains Etats servent malheureusement de base arrière pour la déstabilisation de l’Etat voisin.
A ce titre, les organisations régionales en collaboration avec l’Union Africaine doivent obligatoirement mettre en place des projets de défense commune afin d’éviter que le continent ne soit le théâtre de conflit dont les metteurs en scènes sont des puissances exogènes notamment les puissances sus-évoquées. le Yémen ( dont on parle très peu actuellement ), la Syrie – pour ne citer que ceux-là – sont des exemples très évocateurs. Ce projet de défense commune doit notamment comporter les moyens de financement de la défense non pas d’un seul territoire mais de l’Afrique dans sa globalité : îles et continent. La recherche de partenaires doit se faire sous le prisme de la réalisation de ce projet en vue d’éviter que l’on exploite nos désaccords.
Nous ne devrons pas être les pions de ce jeu d’échec qui commence avec le sursaut de la fédération de Russie.
Sources :
•http://www.rfi.fr/europe/20180603-sergei-lavrov-kigali-evoquer-cooperation-russo-rwandaise
•https://ria.ru/analytics/20180601/1521817838.html
•https://fr.sputniknews.com/points_de_vue/201802211035234492-russie-afrique-retour/