■ Le ministre de la Justice du Gabon démissionne
Le deuxième vice-Premier ministre gabonais, Séraphin Moundounga, a annoncé ce lundi qu’il démissionnnait. Il s’agit de la première défection de haut niveau depuis le début des troubles mercredi dernier.
« J’ai redouté que le Gabon puisse basculer dans la violence si les résultats étaient rendus publics sans qu’il ne soit procédé au recomptage des résultats, procès-verbal par procès-verbal de chaque bureau de vote. Ceci n’ayant pas pas eu lieu, le pays a basculé dans la violence et cette violence se poursuit de façon latente jusqu’à ce jour. Donc la paix est gravement menacée dans notre pays, la sécurité est gravement menacée. Il a été répondu que le recomptage n’était pas prévu par la loi électorale gabonaise », a indiqué M. Moudounga à RFI.
Il dit vouloir « oeuvrer au côté du peuple gabonais à ce que la paix soit garantie dans le pays ». M. Moundounga est l’invité d’Afrique matin ce mardi 6 septembre.
C’est un véritable coup de poignard dans le dos pour Ali Bongo car Séraphin Moundounga était un homme clé de son dispositif. L’un des rares à l’avoir accompagné depuis 2009 et durant tout son septennat. Un homme considéré comme l’un des plus durs du régime et volontiers perçu comme orgueilleux du fait de sa proximité avec le chef de l’Etat. Au point d’être élevé au rang de second vice-Premier ministre lors du dernier remaniement en 2014.
Seraphin Moundounga était aussi un vétéran du parti au pouvoir dont il prend également congé. Membre du PDG depuis les années 70, élu député du parti en 1990, il était au bureau politique.
C’était aussi un proche de l’ancien président de l’Assemblée nationale Guy Nzouba Ndama dont il était considéré comme l’un des filleuls politiques. Ses ennuis au gouvernement ont d’ailleurs commencé lorsque ce dernier a démissionné du perchoir en avril dernier pour briguer le fauteuil présidentiel contre Ali Bongo. Au sein du régime, certains s’attendaient à son départ, qui fait les affaires de l’opposition.
■ Le pouvoir gabonais refait le bilan des violences post-électorales
Le pouvoir entend afficher sa fermeté vis-à-vis des fauteurs de troubles. Un nouveau bilan a été communiqué aujourd’hui par le ministère de l’Intérieur : trois morts et 150 blessés (67 membres des forces de l’ordre et 38 civils). L’opposition parle, elle, d’un bilan plus lourd, mais le ministre de l’Intérieur estime que ces victimes supplémentaires présumées sont des morts naturelles ou des gens tués lors de rixes, et non suite à l’intervention des autorités.
Quant aux personnes arrêtées, accusées d’être des « délinquants » et des « criminels » – il y en aurait 800 à Libreville -, Pacôme Moubelet Boubeya affirme qu’elles seront « sanctionnées avec la plus grande force ». Plusieurs dizaines ont commencé à être auditionnées au palais de justice aujourd’hui alors qu’environ 200 proches totalement désespérés attendaient dehors, ne sachant pas ce qui allait leur arriver.
Aujourd’hui, le ministre a aussi estimé que l’ordre et le calme étaient revenus dans la capitale, que les Gabonais étaient en confiance et que maintenant « la peur » était dans le camp des casseurs. Interrogé sur l’attaque du QG de Jean Ping où se trouvaient des centaines de personnes, M. Moubelet Boubeya a affirmé que des voyous avaient investi les lieux, et que pour lui, les forces de l’ordre se devaient de sécuriser les civils et les partisans de Jean Ping à l’intérieur.
Il reconnaît un assaut à balles réelles de la part des forces de l’ordre, mais selon lui, il s’agissait d’une réponse à des tirs au AK-47 provenant du QG. Il affirme au passage que du matériel a été saisi et que ces preuves seront données en temps voulu à la justice. Ce qui contredirait des témoignages de personnes ayant vécu l’assaut, qui parlent de tirs durant toute la nuit de la part des forces de l’ordre.
Le ministre de la Communication a renchéri. Alain-Claude Bilie-By-Nze a parlé d’une opération juste des forces de l’ordre qui a permis une accalmie dans la capitale. Il affirme que le bâtiment était en fait le quartier général coordonnant la contestation à Libreville. Pour le ministre donc, l’Etat devait imposer la sécurité.
■ Les autorités gabonaises continuent d’accuser Jean Ping d’être mêlé à un complot
Il s’agirait selon elles d’un complot avec des ressortissants ivoiriens pour déstabiliser le processus électoral. Le gouvernement accuse de nouveau Jean Ping d’être un donneur d’ordres et d’avoir même impliqué des hackers ivoiriens.
Le ministre de la Communication parle d’une action destinée à « fabriquer des faux procès-verbaux de bureaux de vote » avec la mise en place d’un système de collectes de données et de falsification des résultats. Rappelons qu’Ali Bongo a été réélu notamment grâce aux voix de la province du Haut-Ogooué où il a obtenu 95% des votes. Depuis, l’opposition crie à la fraude.
Alain-Claude Bilie-By-Nze ajoute qu’un Ivoirien a été arrêté au QG de Jean Ping lors de l’assaut, que de l’équipement informatique a été saisi grâce auquel cet homme « travestissait » les chiffres. Il mêle une autre personne dans ce complot, un chargé de mission à la présidence ivoirienne, tout en affirmant que l’Etat ivoirien lui-même n’était pas en cause. L’opposition répond : Jean-Gaspard Ntoutoume Ayi reconnaît qu’un Ivoirien a bien été arrêté. Il faisait partie de l’équipe informatique chargée de collecter les résultats dans le pays après le vote. Pour le responsable de la Communication du camp Ping, il s’agit d’accusations ridicules : comment modifier, se demande-t-il, des PV qui sont à la base remplis manuellement ? Selon lui, il s’agit là d’une diversion du pouvoir.
En tout cas, lorsqu’on demande au ministre de la Communication si Jean Ping pouvait être arrêté, M. Bilie-By-Nze répond que ce n’est pas à l’ordre du jour, mais qu’une procédure va être engagée puisque selon lui, l’opposant serait fortement impliqué dans ce qu’il appelle « un complot contre le Gabon ».
■ Le pouvoir crie lui aussi à la fraude, mais contrairement à l’opposition, déposera des recours
Accusé de fraude massive dans le Haut-Ogooué ou Ali Bongo l’emporte officiellement avec 95% des voix pour une participation dépassant les 99%, le camp du président sortant crie également à la fraude. « Nous présenterons des recours qui vont de la question de la fraude observée dans certains bureaux de vote, à la falsification des procès-verbaux jusqu’à l’introduction de matériel illicite au Gabon », explique Alain Claude Bilie-By-Nze, porte-parole du gouvernement.
En cause notamment, selon les pro-Bongo, l’Ogooué maritime, et la ville de Bitam dans la province du Woleu-Ntem. Sur notre antenne, il y a quelques jours Alain-Claude Bilie-By-Nze parlait de bourrage d’urnes à Bitam où l’on dépassait les 100% en faveur de Jena Ping. Totalement faux, répond le député de Bitam, issu de l’opposition, Patrick Eyogo Edzang : « Il n’y a eu aucun bourrage d’urnes à Bitam. Les résultats sont connus. On a parlé de 104% de score sur Bitam, alors que la réalité est que Jean Ping a eu 69,55% [des voix]
pour cette circonscription. Sur le département, Jean Ping a eu 77,64% contre 21,26% pour M. Ali Bongo. »Les partisans de Jean Ping ne déposeront pas de recours. Leur revendication reste la même : ils exigent la reprise des travaux de la commission électorale pour examiner les résultats du Haut-Ogooué dans le détail.
■ Le Quai d’Orsay inquiet pour une dizaine de « compatriotes »
La France est « sans nouvelles de plusieurs de ses compatriotes » après les troubles violents qu’a connus le Gabon, a fait savoir lundi le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, dans un communiqué.
« Des arrestations ont eu lieu ces derniers jours. La France est sans nouvelles de plusieurs de ses compatriotes », a déclaré le ministre, qui exprime « sa vive préoccupation ». Une dizaine de personnes, possédant toutes la double nationalité franco-gabonaise, ne peuvent être localisées, a précisé une source diplomatique à l’AFP.
Avec Rfi