Une conviction, mais sans preuve. Pour le président du Zimbabwe, la grenade qui a explosé lors de son meeting le 23 juin dernier porte bien la signature de la section rivale du G40 de la Zanu-PF, celle-là même que l’ex-Première dame a dirigé avant d’être neutralisée par la section «Lacoste» à laquelle appartient Mnangagwa. A l’approche de la première présidentielle après le règne de Robert Mugabe, la lutte entre les deux partis pourrait être relancée.
Curieusement, Bulawayo, où une grenade a explosé ce 23 juin 2018 en plein meeting d’Emmerson Mnangagwa, signifie «l’endroit du carnage». Au lendemain de l’attaque qui le visait frontalement et dont il est sorti indemne, le successeur de Robert Mugabe avait écarté toute responsabilité de l’ethnie Ndébélé, dont Bulawayo est le fief.
Grace Mugabe, suspecte parfaite
Cette hypothèse écartée, le président du Zimbabwe avait effectué une première sortie affirmant connaître le commanditaire de l’attaque dans laquelle Constantino Chiwenga, son vice-président, a été blessé. Mais les tergiversations ont vite pris le dessus. L’attentat à la grenade contre Emmerson Mnangagwa a-t-il été perpétré par son propre camp, par un de ses nouveaux alliés pour opérer une révolution de Palais ? Hypothèse plus sournoise encore, le camp présidentiel a-t-il perpétré cet attentat pour serrer la vis sécuritaire afin d’organiser les élections générales du 30 juillet sans escarmouche ?
Nouvelle hypothèse lancée par le président. L’attentat contre sa personne et qui n’a pas été revendiqué porterait la marque du…. G40, cette mouvance de la Zanu-PF (parti au pouvoir) portée par l’ex-Première dame, Grace Mugabe. Une parfaite suspecte au moment opportun.
«Il s’agit d’une action politique de la part de personnes qui sont mécontentes de l’actuel gouvernement démocratique du pays. Mon intuition, sans avoir de preuve, est que les personnes qui sont mécontentes du nouveau gouvernement sont le G40. C’est la conclusion logique et raisonnable qu’on peut tirer», a fait savoir Emmerson Mnangagwa ce mercredi 27 juin à Harare.
Retranchée dans son «boudoir» de Borrowdale, un quartier huppé au nord d’Harare, Grace Mugabe a donc eu la main assez longue pour frapper l’homme le plus puissant du Zimbabwe ? Il est vrai que «Gucci Grace», telle qu’on la surnomme par dérision, est une femme ambitieuse au point de lorgner le fauteuil de son mari. Plus encore, elle a pris la tête d’une section G40 au sein de la Zanu-PF, assez puissante et organisée pour rafler le dauphinat de Mnangagwa alors vice-président et chef de la section «Lacoste» au sein du même parti, qu’elle aurait tenté d’empoisonner avec une glace.
Hypothèse probablement farfelue
Seulement, l’hypothèse est probable, mais un peu farfelue, car la dame convoquée comme «accusée», ainsi que son mari, sont tous les deux assignés à résidence et étroitement surveillés. Comment alors ont-ils eu la liberté de fomenter un attentat, qui plus est, avec la moitié des proches de l’ex-Première dame en exil et empêchés de rentrer au bercail pour les élections.
Le diable se cache dans le détail des mots. «Une fois qu’on les aura arrêtés, on pourra déterminer l’étendue de leur réseau», a lâché le président dans la présentation de son faisceau de soupçons dirigé vers l’épouse de son prédécesseur. L’objectif sibyllin derrière ces accusations, dont il reconnait lui-même ne pas détenir les preuves, serait sans doute de neutraliser la capacité de nuisance réelle ou fantasmée de la Première dame.
Avec l’annonce de ses partisans de revenir affronter par les urnes le nouveau président, le dossier du doctorat fictif de Grace Mugabe avait été exhumé pour faire pression sur elle. Il n’est pas exclu que cette nouvelle accusation soit destinée aux mêmes raisons à l’approche d’une élection qu’Emmerson Mnangagwa veut organiser sans nuages pour contenter une communauté sous-régionale et internationale habituée aux formules légales.
A l’analyse, l’accusation contre «Lady Grace» est assez commode. Elle permet au nouveau président de diaboliser, à titre dissuasif, les derniers fidèles de l’épouse de Robert Mugabe. Chemin faisant, la popularité et la légitimité pour remporter les élections générales sont faites. Pour un règne qui démarre dans la neutralisation de tous les éventuels concurrents intrépides.
Avec la tribune Afrique