La fin de l’interdiction de conduire pour les femmes constitue une avancée dans le royaume ultraconservateur. Mais le système de tutelle qui place leur vie quotidienne entre les mains des hommes, lui, perdure.
La fin d’une interdiction unique au monde. Depuis dimanche, les femmes ont officiellement le droit de conduire en Arabie Saoudite. Mais si cette réforme est historique dans le royaume ultraconservateur, de nombreuses restrictions pèsent encore sur le quotidien des femmes.
Pour les organisations de défense des droits de l’Homme, le droit de conduire n’est en effet qu’une poudre aux yeux s’il n’est pas accompagné de la fin du système de tutelle masculine imposé aux Saoudiennes. Ce système impose aux femmes d’avoir la permission de leur plus proche parent masculin – père, mari, frère, fils – pour étudier, renouveler leur passeport ou quitter le pays. Les femmes peuvent également avoir besoin de l’approbation d’un tuteur pour accéder aux soins de santé. Les abus, eux, sont nombreux : des détenues bloquées en prison après avoir purgé leurs peines parce qu’elles n’ont pas été réclamées par leurs tuteurs. Une Saoudienne incapable de renouveler son passeport parce que son père, seul responsable légal, est tombé dans le coma.
Ecarts de salaires
Coté emploi, elles pâtissent aussi d’écarts importants : le salaire mensuel moyen des hommes dans le secteur privé s’élève à près de 8.000 riyals (1.745 euros), tandis que celui des femmes n’atteint que 5.000 riyals (1.093 euros), selon le cabinet d’études Jadwa.
Depuis la nomination du prince Mohammed en 2017, son père, le roi Salmane, a signé des décrets permettant aux femmes d’accéder aux stades de football, de rejoindre les forces de police et, donc, de conduire. Mais ces décisions, qui constituent des avancées notables, sont très loin d’être suffisantes pour des ONG. Hasard du calendrier, le feu vert accordé pour le permis de conduire a été officialisé quelques jours après l’arrestation de deux militantes.
Campagne “implacable” contre le mouvement pour les droits des femmes
Les autorités mènent en effet une campagne “implacable” contre le mouvement pour les droits des femmes : au moins onze militants avaient déjà été arrêtés en mai, en majorité des femmes qui militaient pour avoir le droit de conduire et pour la fin de la tutelle masculine. Parmi ces détenus figurent, selon Human Rights Watch, Loujain al-Hathloul – détenue en 2014 pendant 73 jours après avoir tenté de traverser en voiture la frontière entre les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite – et Aziza al-Youssef, professeure retraitée de l’université Roi-Saoud à Ryad.
Preuve que le poids de la société patriarcale devrait encore peser sur les conductrices en herbe, beaucoup d’entre elles craignent d’être une proie facile pour les conservateurs. Pour limiter le risque que des femmes soient importunées sur la route, le gouvernement a pénalisé le harcèlement sexuel avec une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans et une amende maximale de 300.000 riyals (68.200 euros).
Avec LCI