En lançant ce lundi 5 septembre son réseau 4G en Inde, le conglomérat indien Reliance amorce dans le pays la révolution de l’Internet mobile. Sa filiale, l’opérateur Reliance Jio Infocomm, va offrir la gratuité des appels téléphoniques, qui sont déjà parmi les moins chers au monde. La bataille dans le secteur indien des télécommunications va désormais se jouer sur le prix des données. « Nous pouvonstransformer l’Inde d’un marché où les données sont coûteuses à un marché aux tarifs parmi les plus bas du monde », a déclaré le milliardaire Mukesh Ambani, patron du conglomérat Reliance Industries Limited, jeudi 1er septembre.
Dans ce pays où les octets sont parmi les plus chers de la planète, seul 1 abonné sur 7 navigue sur Internet depuis son téléphone. Or les données représentent déjà le quart des revenus des opérateurs de téléphonie mobile. Reliance veut transformer le réseau 4G en un marché de masse.
Il s’apprête à commercialiser les octets à la manière dont les géants de la grande consommation vendent, par petits sachets, le shampoing ou le dentifrice dans les villages indiens. La formule à 19 roupies (25 centimes d’euro) de Jio offre, par exemple, 100 mégaoctets de données, à consommer dans la journée. L’opérateur s’est également targué d’offrir, dans une de ses formules, le gigaoctet le moins cher du monde, à 50 roupies.
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Capitalisme de connivence
Le nouvel utilisateur devra toutefois payer sa facture tous les vingt-huit jours, soit 13 factures par an, et, contrairement à ce que l’opérateur prétend, les appels téléphoniques ne seront pas vraiment gratuits puisqu’ils transiteront par le réseau Internet et consommeront de la bande passante. Selon les estimations du cabinet Crisil Research, la facture des abonnés indiens pourrait cependant baisser de 50 % à 60 %, grâce à une concurrence accrue dans le secteur.
Reliance se donne l’objectif de conquérir 100 millions d’abonnés dans les « délais les plus courts », et de couvrir 90 % de la population locale d’ici à mars 2017. Un objectif jugé ambitieux par les analystes. Dans un pays où les deux tiers de la population n’ont pas accès à Internet et où les smartphones peuvent s’acheter à 40 euros dans les boutiques, la révolution numérique va déferler en Inde grâce aux téléphones portables.
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M. Ambani, à la tête de la plus grosse fortune d’Inde et propriétaire d’un grand groupe de médias, a choisi le premier ministre, Narendra Modi, comme mascotte de la campagne de lancement de Jio. Les Indiens ont eu la surprise de découvrir le portrait du dirigeant nationaliste hindou, auréolé du logo de l’opérateur mobile, en première page de plusieurs quotidiens nationaux. L’Inde savait le capitalisme de connivence en plein essor, entre barons d’industrie et dirigeants politiques indiens. Elle ignorait cependant qu’il puisse s’afficher avec une telle décontraction.
« Jio est dévolu à la mise en œuvre de la vision, par notre premier ministre, d’une Inde numérique pour 1,2 milliard d’Indiens. Jio Digital va donner à chacun d’entre eux la puissance des données », vante la publicité.
Etudier les habitudes de navigation
En dévoilant son plan « Inde numérique » en juillet 2015, le gouvernement a promis de connecter le pays à Internet pour réduire la pauvreté, améliorer la gouvernance et créer des emplois. L’opérateur Jio compte bien, lui aussi, en profiter et pas seulement pour l’intérêt de la nation. Un responsable de Reliance, cité par Reuters, a indiqué que l’entreprise allait tirer des revenus en étudiant de manière très détaillée les habitudes de navigation des abonnés afin de connaître leurs centres d’intérêt.
« Ce qu’on peut faire avec le travail analytique est ahurissant », a confié ce haut responsable à l’agence de presse. Pour rentabiliser un investissement estimé entre 15 et 20 milliards de dollars (jusqu’à 17,90 milliards d’euros), Reliance va aussi se rémunérer sur la vente de contenus, allant des titres de presse aux films en passant par la musique, disponibles sur son application pour 15 000 roupies (200 euros) par an. Une offre commerciale qui inquiète les défenseurs de la « neutralité du Net », le principe selon lequel chacun doit pouvoir consulter les mêmes contenus sur Internet quel que soit son fournisseur d’accès, surtout dans un pays où la législation dans ce domaine reste floue.
Les consommateurs, quant à eux, faisaient déjà la queue devant les magasins de l’opérateur Jio, et ses cartes SIM se vendent déjà au marché noir, selon le quotidien The Times of India. Les particuliers ne sont pas les seuls à attendre cette nouvelle offre, les géants mondiaux de l’Internet guettent aussi avec impatience le développement du réseau 4G. Le géant américain Amazon a annoncé, en juin, un investissement dans le pays de 3 milliards de dollars supplémentaires.
L’Inde est déjà le deuxième pays le plus présent sur Facebook avec 150 millions d’abonnés. En fait, il n’y a guère que les opérateurs téléphoniques indiens qui redoutent l’arrivée de ce nouveau concurrent. Le jour de l’annonce du lancement de Jio, le 1er septembre, le cours d’Airtel, à la Bourse de Bombay, a perdu 6,5 %, et celui d’Idea a décroché de 11 %. La bataille pour l’Internet mobile en Inde s’annonce impitoyable.
avec lefigaro