Plusieurs câbles diplomatiques datés de 2013 du département d’État américain, obtenus par le groupe de recherche américain Oakland Institute, montrent les rouages de la diplomatie économique de Washington, venue à la rescousse d’Herakles Farms, dont les activités d’exploitation de palmiers à huile dans le sud-ouest du Cameroun ont suscité des polémiques.
Quel appui a apporté l’administration américaine au groupe agro-industriel Herakles Farms pour que son projet d’exploitation de plusieurs milliers d’hectares de palmiers à huile puisse se poursuivre dans le sud-ouest du Cameroun, malgré les levées de boucliers qu’il a suscitées ?
C’est ce que le groupe de recherche américain Oakland Institute a tenté de déchiffrer en consultant une série de câbles du département d’État américain obtenus auprès des autorités de Washington, et dont des extraits sont repris dans un rapport rendu public mardi 30 août.
Trois rencontres fin mai 2013
Ces câbles relatent trois rencontres tenues fin mai 2013 entre Cynthia Akuetteh, l’ancienne sous-secrétaire d’État aux affaires africaines — aujourd’hui ambassadrice des États-Unis au Gabon et à São Tomé-et-Príncipe —, et plusieurs membres de l’exécutif camerounais.
Ces rencontres sont intervenues dans la foulée d’un rapport d’avril 2013 du ministère des Forêts camerounais questionnant les méthodes « d’intimidation et de corruption » de Herakles Farms, détentrice depuis 2009 d’une convention pour l’exploitation de 73 086 hectares pour la culture de palmiers à huile pour une durée de 99 ans dans le sud-ouest du Cameroun.
Le même ministère des Forêts camerounais, qu’occupe depuis 2011 Ngole Philip Ngwese, décidait le 10 mai, selon la date évoquée dans les câbles obtenus par l’Oakland Institute, de suspendre les activités d’Herakles, parlant d’ »atteintes à la réglementation forestière et des revendications récurrentes des populations riveraines », qui avaient manifesté à plusieurs reprises leur opposition au projet. Le ministre des Forêts camerounais a levé cette suspension le 29 mai, sans donner d’explication, rapportait alors l’AFP.
« Refroidir les investissements étrangers futurs »
Entre ces deux dates, Herakles Farms a reçu l’appui soutenu de Cynthia Akuetteh, estime Oakland Institute.
Selon les câbles consultés par le groupe de recherche, en une semaine : la diplomate américaine a évoqué le cas Herakles à trois reprises, lors de rendez-vous avec Félix Mbayu, le secrétaire général du ministère camerounais des Relations extérieures, avec le Premier ministre Philemon Yang, puis lors d’un rendez-vous avec le président Paul Biya lui-même, accompagné de Paul Atanga Nji, chargé de missions à la présidence.
« Le Cameroun devrait agir rapidement et éviter un arbitrage ou des atermoiements juridique », est-il ainsi rapporté des échanges de Cynthia Akuetteh avec Philémon Yang, dans un câble daté du 31 mai 2013 et émanant de l’ambassade américaine au Cameroun.
Si la diplomate américaine rappelle bien que les États-Unis « n’entendent par dire au Cameroun quelle décision prendre », elle rappelle toutefois qu’ »un échec à agir [sur ce dossier] pourrait refroidir les investissements étrangers futurs », selon le compte-rendu des échanges rédigés par l’ambassade américaine.
Lors de son audience avec le président Paul Biya, Cynthia Akuetteh réitérera son « espoir que le gouvernement camerounais soit en mesure de résoudre son conflit avec Herakles » — Paul Biya renvoyant le dossier vers Paul Atanga Nji et Ngole Philip Ngwese.
Quelques mois plus tard, le 25 novembre 2013, le gouvernement camerounais a attribué une « concession provisoire » sur 19 843 hectares de terres à Sithe Global-Sustainable Oils Cameroon (SG-SOC), la filiale camerounaise d’Herakles Farms.
Reconduction du projet en novembre ?
Ce n’est qu’au terme de cette concession d’une durée de trois ans que SG-SOC pourra « prétendre à la conclusion » d’un bail de très longue durée avec l’État camerounais, précisaient alors les décrets.
Il est probable, toutefois, que l’exploitation ne se poursuive pas selon les mêmes termes puisque qu’Herakles a annoncé, en juin 2015, son retrait de deux des trois zones (Mundemba et Toko) dans lesquelles elle avait engagé des plantations, préférant se concentrer autour du site de Nguti, au sud-ouest du Cameroun.
Le ministère camerounais des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, sollicité par Jeune Afrique, était indisponible pour préciser les intentions de l’exécutif camerounais à la veille de l’expiration attendu d’ici novembre des décrets de 2013.
Le rapport de l’Oakland Institue du 30 août 2016 by jeuneafrique on Scribd
avec jeuneafrique