Coralie Omgba est la promotrice de la conférence internationale sur le marché du luxe en Afrique subsaharienne, première du genre, dont la troisième édition a lieu à Genève ce mercredi 13 juin. Dans cet entretien avec «La Tribune Afrique», elle nous livre sa vision du marché africain du luxe.
L’événement est d’abord adressé à un public averti. La troisième édition de la conférence internationale sur le marché du luxe en Afrique subsaharienne se tient ce mercredi 13 juin à Genève, organisée par Magnates Place, une plateforme éclectique et ludique qui met en lumière le panache du continent africain, notamment le marché du luxe global en Afrique, fondée par Coralie Omgba, une jeune entrepreneure française, d’origine camerounaise.
Diplômée en marketing de l’école SAWI Lausanne, en communication de l’Université de Genève, en finance de l’IFAGE Genève, c’est après une carrière d’Analyst trade fixed income au sein de grandes structures telles que la Société générale, la banque franco-belge Dexia ou le groupe bancaire genevois de gestion de fortune Pictet, que Coralie Omgba se lance dans la promotion du marché africain du luxe. Chaque année, la conférence dont elle est l’initiatrice regroupe experts et acteurs de renoms du secteur. Cette année, plusieurs têtes d’affiche seront au rendez-vous. Parmi elles, Nicolas Pyrgos d’Emeraude Suisse Capital ou encore Stéphane Brabant, d’Herbert Smith Freehills.
La Tribune Afrique : Qu’est-ce qui vous a motivé à lancer cette conférence il y a trois ans ?
Coralie Omgba : Tout est parti d’une rencontre qui m’a menée plus tard au Ghana et au Nigeria. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à vraiment penser au secteur du luxe en Afrique. Quelque temps après, j’ai assisté à une réunion où j’étais restée sur ma faim. C’est à ce moment que je me suis dit : «Pourquoi ne pas créer une conférence qui réponde aux questions dont je n’ai pas eu les réponses à cette réunion ?». C’est de là qu’est partie l’idée de la conférence.
Mon leitmotiv, c’est la passion que j’ai personnellement déjà pour le luxe. Secundo, je crois intrinsèquement au continent africain, tout simplement. Non pas seulement parce que c’est l’Afrique, mais surtout parce que c’est le marché de demain et d’après-demain. Toutes les statistiques le prouvent que ce soit en terme de démographie globale ou même de la population riche. Au vu en effet de la classe moyenne grandissante, la classe africaine aisée et fortunée s’accroît. On compte aujourd’hui sur le continent africain 145,000 HNW [High-net-worth, NDLR] africains, un nombre voué à augmenter d’ici 2024. Leurs fortunes sont estimées en dollars et le marché du luxe en Afrique représente 5,9 milliards de dollars par an, selon les derniers chiffres du groupe de recherche New Wealth World.
Quels sont les objectifs de cette conférence annuelle ?
Mon objectif au travers de cet événement est de présenter et promouvoir l’Afrique décomplexée, l’Afrique internationale, sans toutefois denier les défis et voir comment les challenges peuvent être relevés et comment en dépit de tout, les entreprises du luxe peuvent servir un marché en pleine mutation. La conférence a pour rôle principal d’informer, parce qu’il y a peu de chiffres sur le marché du luxe en Afrique. Et si cela permet de conforter les entreprises sur le potentiel du continent, c’est déjà cela de gagné.
Lors des deux premières éditions, nous étions plus focalisés marques. Cette année, la conférence s’ouvre au milieu des affaires, donc tout ce qui est gestion de fortune, gestion de patrimoine, … un service très prisé par les riches africains. D’ailleurs, de plus en plus de banques n’hésitent pas à prospecter sur le continent. Il est vrai que notre but n’est pas forcément que les marques s’installent sur le continent au travers de nos conférences, car la chose est beaucoup plus compliquée que cela. Ce n’est clairement pas au bout de quelques conférences que les entreprises vont sauter le pas. Comme je l’ai dit, il y a de nombreux défis à relever. Mais une chose est certaine, à la suite de nos rencontres, les entreprises ont une meilleure idée du continent et des ouvertures qu’elles peuvent y avoir. Après avoir compris le marché au travers des exposés des différents experts que nous mobilisons, elles l’analysent et peuvent ensuite définir des stratégies, notamment pour celles qui visent l’Afrique dans leur politique de développement.
Vous évoquez régulièrement les défis du marché du luxe en Afrique, quels sont-ils ?
A mon avis, les principaux défis de l’essor du luxe sur le continent sont : les infrastructures, l’instabilité socio-politique et la formation. Et ce sont justement de ces défis qui sont analysés lors de nos conférences poussant à un échange pragmatique entre acteurs du secteur du luxe, entreprises et investisseurs en quête d’informations significatives sur le secteur et /ou sur les opportunités et les spécificités de l’Afrique auprès des marques et investisseurs en quête d’informations significatives sur le secteur et /ou sur le continent africain. En fait, nous prenons le temps d’expliquer que le secteur du luxe global en Afrique ne se résume pas uniquement au Maroc et à l’Afrique du Sud.
Quels sont les pays qui se démarquent donc selon vous ?
Bien entendu l’Afrique du Sud, mais aussi le Nigeria, le Ghana, le Kenya et Maurice. En ce qui concerne l’Afrique francophone, outre le Maroc, seule la Côte d’Ivoire se détache.
Dans le cadre de votre activité entrepreneuriale, avez-vous des retours sur l’évolution des marques qui s’intéressent au Continent ?
Au travers de Magnates Places, qui est d’ailleurs l’entreprise organisatrice de la conférence, j’accompagne de manière analytique et expérientielle les marques de luxe souhaitant maîtriser le marché africain et mieux connaître la clientèle africaine fortunée.
De façon pratique, nous constatons que les marques de luxe internationales s’intéressent au panache que connaît actuellement la région subsaharienne. Ce qui est un bon indicateur. Mais ces dernières gardent surtout un œil sur le climat des affaires et le contexte socio-politique.
Pour l’instant, les marques qui manifestent le plus d’intérêt pour le continent sont celles qui font dans les vins et spiritueux, la haute joaillerie et à moindre mesure la haute couture. Celui des vins et spiritueux explose carrément sur le continent et les plus grandes maisons y sont activement présentent. Mais on trouve également certaines marques automobiles déjà installées physiquement comme Porsche. Aussi, par l’intermédiaire de distributeurs locaux officiels, les prestigieuses maisons horlogères suisses et grands joailliers sont également représentés sur le Continent.
Par ailleurs, le tourisme d’affaires est en pleine expansion. Par conséquent les chaînes hôtelières de luxe comme Kempinski, Barrière ou Four Seasons se sont implantées au cœur de certaines villes africaines sans oublier la présence de Relais & châteaux. Ces élans nous poussent à penser que l’Afrique est un marché en devenir ; peu à peu la situation se décante.
Avec latribuneafrique